Rejet du pourvoi formé par B Aj Am Ad Ak contre un jugement rendu 1er mars 1960 par le tribunal de première instance de Rabat qui a prononcé l'acquittement de An Ad Ac Ad Ag des chefs de stationnement défectueux sur la voie publique, homicides et blessures involontaires, et s'est déclaré incompétent pour connaitre de son action civile.
1er décembre 1960
Dossier n° 5168
L a Cour,
Attendu qu'en application de l'article 585 (alinéa 4) du dahir du 10 février 1959 formant Code
de procédure pénale qui limite l'effet dévolutif du pourvoi de la partie civile, la décision d'acquittement dont a bénéficié An Ad Ac Ad Ag étant au point de vue pénal devenue irrévocable en l'absence de pourvoi du ministère public ;
Sur le premier moyen de cassation, pris « violation des formes substantielles de procédure pénale », en ce que le jugement attaqué s'est fondé pour motiver sa décision sur le rapport de l'expert Ai Ap, rapport qui serait de nullité dès lors que cet expert aurait été désigné non par la juridiction de jugement mais par ordonnance présidentielle, qu'aucun magistrat n'aurait été désigné pour contrôler la mission de l'expert, et que le rapport d'expertise n'aurait pas été notifié aux parties ;
Attendu que les trois irrégularités ainsi invoquées comme causes de nullité des opérations de l'expert n'intéressent pas l'ordre public, puisque l'article 192 (alinéa 3) du Code de procédure pénale permet aux parties d'y renoncer expressément ; qu'elles n'ont pas fait l'objet devant les juges du fond de conclusions tendant à ce que, de ces chefs, l'expertise fût annulée ou écartée des débats ; que dès lors le moyen, nouveau en ce qu'il prétend faire pour la première fois état de ces irrégularités, n'est pas recevable devant la Cour suprême ;
Sur LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, pris d'une « violation de l'article 352 du Code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs, en ce que la décision attaquée,
pour confirmer la décision de relaxe du premier juge, a déclaré qu'il avait plu à Rabat et à Ao les 23 et 24 novembre 1957, et que par suite il n'était pas suffisamment établi que l'état du sol se prêtait au stationnement (quant à l'accotement droit), alors surtout que le véhicule, conduit par le prévenu, représentait une masse inerte de 7718 kilogs - et ce bien que Aj Am, le demandeur, ait fait verser à l'audience, par son conseil, un relevé pluviométrique, fourni par le service de météorologie, attestant qu'il n'avait pas plus dans la région de l'accident entre le 20 et 27 novembre 1957 »;
Attendu que le jugement attaqué, après avoir relevé qu'il ressortait du rapport de l'expert que
les bas-côtés de la route étaient «constitués par un sol tantôt compact et dur . en période sèche, tantôt amolli sous l'action de la pluie »,a constaté que les faits reprochés au prévenu s'étaient produits le 25 novembre 1957 vers 5 heures du matin et qu'il résultait « du relevé pluviométrique fourni par le service de la météorologie nationale qu'il avait plu à Rabat et à Ao les 23 et 24 novembre 1957 » ; qu'il en a conclu qu'il n'était « pas suffisamment établi que l'état du sol se prêtait au stationnement » ;
Attendu qu'en application de l'article 568 du Code de procédure pénale, le contrôle du juge de cassation ne s'exerce ni sur la matérialité des faits constatés par les juges répressifs ni, hors le cas où l'admission en est limitée par une disposition légale, sur la valeur des preuves qu'ils ont retenues ; que dès lors le jugement attaqué ne saurait être utilement critiqué en ce que ses auteurs n'auraient pas retenu, pour former leur conviction, certains des éléments de preuve produits aux débats ;
Attendu d'autre part que par les énonciations portées audit jugement les juges du fond, auxquels il appartenait d'apprécier souverainement les constatations des faits, ont donné une base légale à leur décision et l'on suffisamment justifiée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi .
Président : M Ae . - Rapporteur : M. Ab. - Avocat général : M Ruolt - Avocats : MM. J.P. Mélia, Sabas et Lacoste- Sabas.
Observations
I. -Sur Le premier point, - L'art. 585 C. proc. pén. Prévoit que « la déclaration de pourvoi opère seule saisine de la Cour suprême ».
« Cette saisine est limitée par l'objet du pourvoi et par la qualité de son auteur ».
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(Al.4) « Le pourvoi de la partie civile . est limité quant à son effet dévolutif aux dispositions relatives à l'action civile. »
La Chambre criminelle confirme, par l'arrêt ci-dessus rapporté, sa jurisprudence aux termes de laquelle, en l'absence de pourvoi du ministère public, la décision d'acquittement dont a bénéficié le prévenu devient irrévocable (V. arrêts n os II0 du 17 juil.1958, Rec. crim. t. I. 37 ; 489 du 24 déc. 1959, ibid. 173 et 692 du 7 juil. 1960, ibid. 321 ; v. également l'arrêt n° 797 du 19 juil. 1961, publié dans ce volume ; Rép. crim., V° Cassation, par Ah Af, n° 257 ; Nouv. rép. , V° Cassation, n° 195 ; Le Clec'h, fasc. II, n os 173 s.).
Malgré le caractère irrévocable de la décision d'acquittement, le pourvoi de la partie civile soumet à la Cour suprême l'appréciation de toutes les dispositions à effets civils du jugement déféré, ce qui implique l'examen, mais uniquement en fonction de ses incidences civiles, de la partie du jugement relative à l'action publique qui sert de base à la décision rendue sur l'action civile (arrêts nos 962 et 797 précités ; Rép. crim. , loc. cit.).
Si le pourvoi de la partie civile est accueilli, la cassation du jugement n'intervient que
partiellement, en ce qui concerne l'action civile seulement (arrêt n° 110 précité ; Crim. 22 mai 1914, B.C. 252).
Cependant, en cas de cassation d'une décision qui a admis à tort, et sans examen du fond, une exception d'incompétence ou de prescription, il y a lieu à renvoi pour être statué non seulement sur l'action civile, mais aussi sur l'action publique non éteinte (Crim. 20 déc. 1930, B.C . 314, D.P. 1931. I. 133 et la note A.S ; 1er juil. D. 1953. 574 et le rapport de M : Al Aa ). Il en est de même lorsqu'une décision de relaxe a été uniquement fondée sur la nullité de la citation délivrée à la requête de la partie civile (Crim. 25 juil. 1947, B.C. 190 ; 30 avr. 1949, B.C.152).
II. -Sur le deuxième point. - V. la note, premier point, sous l'arrêt n° 732 du 3 nov. 1960. III.- Sur le troisième point. - V. la note ; septième point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct. 1960.