Dossier n° 1719
55-60/61
Af Ah Ai et consorts c/ Ab Aa Ab et consorts.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 15 janvier 1958.
La Cour, siégeant deux chambres réunies (chambre civile et première chambre),
SUR LE MOYEN UNIQUE
Attendu que Ab Aa Ab Ae et consorts sont opposants à l'immatriculation d'un immeuble rural, poursuivie sous n°de réquisition 6739/O par Af Ah Ai et autres ;
Qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Rahat 15 janvier 1958) qu'en exécution d'un jugement rendu à leur profit par le cadi de Ac, le 13 mars 1919, les opposants, ou leurs auteurs, ont obtenu l'expulsion des requérants qui, deux ans plus tard, ont réoccupé le terrain litigieux; qu'en 1941, les requérants ont été de nouveau assignés en expulsion ; qu'ils ont alors prétendu avoir acquis l'immeuble de leurs adversaires, et, ne pouvant en justifier, ont accepté que le serment fût prêté par ceux ci, qu'ils n'ont jamais aliéné le terrain litigieux ; que cette formalité à été effectivement accomplie le 2 avril 1942 ; qu'enfin le cadi de Ac à suspendu l'instance le 30 août 1944, par suite du dépôt de la réquisition d'immatriculation ;
Attendu que vainement le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré bien fondée l'opposition de Ab Ae et consorts, alors que les requérants bénéficiaient d'une possession plus que décennale ;
Qu'en effet ; la prescription ne peut jouer contre le propriétaire de qui, sans en justifier, l'occupant prétend tenir ses droits et, en pareil cas, l'occupation de longue durée ne constitue qu'une présomption qui peut être complétée ou combattue par le serment ; que le serment convenu ayant été prêté, les juges du fond ne pouvaient que constater la précarité de la possession invoquée ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi
Premier président: M Hamiani-Rapporteur: M Leyat-Procureur général:M Zarrouck-Avocat:Me Kirschbaum.m.
Observations
L'arrêt rapporté rendu par deux chambres réunies de la Cour suprême tranche un problème de droit musulman relatif aux conditions et aux effets de la possession immobilière ;
Lorsque le détenteur d'un immeuble affirme le posséder à titre de propriétaire pour l'avoir acheté à celui qui le revendique il doit faire la preuve de cette acquisition à défaut, même si elle dure depuis plus de dix ans, sa détention ne constitue qu'une simple présomption qui peut être confortée par son propre serment, ou combattue par le serment du revendiquant ; en prêtant ce serment, le revendiquant confère à la possession de son adversaire un caractère précaire qui la lui rend inopposable.
Sur ces questions, v notamment: G.H. Bousquet, Précis de droit musulman, 2e édition, n°108 ; Ag Aj, Le droit immobilier marocain et le régime foncier de l'immatriculation, p.90, 91 et 92 ; Milliot, Jurisprudence chérifienne. T.III p.77 à 80 ; Ad, Commentaires d'Ibn Acem, p.242.