Cassation sur le pourvoi formé par Ae Ac Ad contre un jugement rendu le 17 février
1960 par le tribunal régional de Tétouan qui, en l'absence de paiement de la taxe judiciaire, n'a pas admis sa constitution de partie civile.
8 décembre 1960
Dossier n°5044
La Cour, SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 369 du Code de
procédure pénale , en ce que Ae Ac Ad ayant été cité le 5 février 1960 pour comparaître à l'audience du 17 février 1960 du tribunal régional de Tétouan, le délai minimum de quinze jours imparti à peine de nullité par ledit article n'a pas été respecté ;
Attendu qu'en application de l'article 370 du même Code, les nullités pouvant entacher la citation doivent, à peine de forclusion, être proposées avant toute défense au fond ; qu'il résulte des énonciations du jugement entrepris qu'à l'audience du 17 février 1960, Ae Ac Ad a fait conclure à la confirmation du jugement frappé d'appel, sans se prévaloir de l'irrégularité de sa citation ; qu'ayant ainsi encouru la forclusion édictée par l'article 370, le demandeur ne peut, devant la Cour suprême, se prévaloir de cette irrégularité ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 334 du Code de procédure pénale ;
Attendu que si l'article 334 précité impose à la partie civile déjà constituée devant la juridiction d'instruction l'obligation, sous peine d'être réputée s'être désistée, de déposer «des conclusions assorties du récépissé du paiement de la taxe judiciaire, précisant les chefs de sa demande et le montant des dommages-intérêts sollicités » , il ressort de la rédaction dudit article que cette obligation incombe uniquement à la partie civile qui soumet pour la première fois sa demande à la juridiction de jugement ; qu'en conséquence , une telle obligation n'incombe pas à la partie civile intimée qui, sollicitant la confirmation pure et simple du jugement frappé d'appel, se borne à défendre devant les juges d'appel une demande déjà admise en première instance par la juridiction de jugement, et dont la juridiction d'appel se trouve nécessairement saisie par l'effet dévolutif de l'appel régulièrement interjeté par le prévenu ;
Attendu dès lors, qu'en estimant que Ae Ac Ad, partie civile intimée, ne pouvait, faute d'avoir joint à ses conclusions le reçu du paiement de la taxe judiciaire, être considéré en cause d'appel comme partie au litige, le tribunal régional de Tétouan a inexactement appliqué l'article 334 du Code de procédure pénale, a méconnu l'effet dévolutif de l'appel, et n'a pas donné de base légale à sa décision excluant de la cause cette partie civile au seul motif du non-paiement de la taxe ;
Attendu que cette exclusion de la partie civile impliquant, malgré sa présence aux débats, un refus d'examiner ses conclusions qui a pu avoir pour conséquence de fausser l'appréciation des juges d'appel, la décision attaquée encourt la cassation en ses dispositions ayant statué à l'égard de la partie civile, celles relatives à l'action publique étant devenues irrévocables au point de vue pénal en l'absence de pourvoi du ministère public ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il soit besoin de statuer sur le troisième moyen invoqué par le demandeur,
Casse et annule entre les parties mais uniquement quant aux intérêts civils, le jugement correctionnel rendu le 17 février 1960 par le tribunal régional de Tétouan ;
Pour être statué à nouveau, conformément à la loi, dans la limite de la cassation partielle intervenue, renvoie la cause et les parties devant le tribunal régional de Tanger. Président : M Ab . -Rapporteur : M. Aa. -Avocat général : M Ruolt - Avocats : MM. Pro Af, El khatib.
Observations
I.- Sur le premier point. Aux termes de l'art. 370 C. proc. pén. « toute nullité pouvant entacher la citation doit, à peine de forclusion, être proposé avant toute exception ou défense au fond ».
Ainsi, la comparution à l'audience du prévenu assisté d'un avocat et son acceptation volontaire des débats couvre toute nullité pouvant résulter d'une citation incomplète ou irrégulière (arrêt n° 845 du 23 mars 1961, publié dans ce volume).
La Chambre criminelle a précisé que, par « défense au fond », il fallait entendre la défense présentée par la partie elle-même et non l'argumentation qui peut être ensuite développée par son avocat (arrêt n° 866 du 4 mai 1961, publié dans ce volume).
II.- Sur le deuxième point.- V. la note sous l'arrêt n° 752 du 17 nov. 1960.