Cassation sur le pourvoi formé par Ali Ac Af Ac Ae contre un jugement rendu le 3 mars 1960 par le tribunal de première instance de Ad qui, accueillant l'exception de non- assurance soulevée par la compagnie d'assurance L'Urbaine et la Seine, l'a mise hors de cause.
15 décembre 1960
Dossier n° 5164
La Cour,
SUR LA RECEVABILITE :
Attendu que le jugement attaqué ayant été rendu, non le 26 février 1960 comme le prétend la compagnie « L'Urbaine et La Seine », mais le 3 mars 1960, la déclaration de pourvoi, souscrite par Ali Ac Af Ac Ae le 9 mars 1960, a été formé dans le délai imparti par l'article 578 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'ayant été notifié le 30 juin 1960 à A Ag, prévenu défaillant pris en la personne de son curateur M. Ab, secrétaire-greffier à Ad, ce jugement en l'absence d'opposition est, à l'égard du prévenu du prévenu défaillant, devenu définitif en ses dispositions civiles frappées de pourvoi par la partie civile ;
Qu'ainsi le pourvoi, régulier par ailleurs en la forme, se trouve recevable ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, pris de la violation de la loi, fausse application de
l'article 17 de l'arrêté viziriel du 28 novembre 1934, défaut de motifs, manque de base légale, dénaturation d'une convention d'assurances ;
Attendu que par avenant du 10 janvier 1957 la police d'assurance automobile « à usage agricole » souscrite par M'bark ben Ahmed a été transférée à 'A Ag, bijoutier, demeurant à Ouarzazate » ; qu'après fixation d'un nouveau montant de la prime annuelle, l'avenant stipule qu'il n'est rien changé aux autres conditions du contrat ; que, même en admettant que les seules mentions relatives à la profession de Ibo et au montant de la nouvelle prime aient pu être interprétées par les juges du fond comme impliquant, malgré l'absence de toute clause modifiant l'usage du véhicule assuré, que ce véhicule devrait désormais être uniquement utilisé l'usage de commerce, l'article 9 des conditions générales de la police se borne à définir un tel usage, en indiquant qu'en ce cas « le véhicule est destiné au transport de produits ou de marchandises mais n'est pas utilisé, m^me occasionnellement, au transport à titre onéreux de personnes » ; que cette définition de l'usage commercial du véhicule n'étant assortie d'aucune exclusion formelle de risque en cas d'usage différent, le jugement attaqué n'a pu, sans méconnaître le texte du contrat, affirmer au contraire catégoriquement « qu'aux termes de la police souscrite par l'inculpé, le risque assuré exclut formellement et sans équivoque l'utilisation du véhicule même occasionnellement pour des transports à titre onéreux de personnes. » ;
Attendu que la présence, sans relation de causalité avec l'accident, de passagers payants admis accessoirement dans un véhicule effectuant un déplacement conforme à l'usage déclaré de ce véhicule, ne saurait à elle seule créer un changement d'usage et entraîner, en l'absence de clause expresse du contrat d'assurance, un défaut de garantie opposable à tous les tiers, même non transportés, tel Ali Ac Af Ac Ae renversé par l'automobile de R'Bibo alors qu'il circulait à bicyclette ; que toutefois en précisant à l'article 2 paragraphe « D » que la garantie s'applique aux accidents causés aux passagers « transportés sans rémunération en espèces », le contrat souscrit par R'Bibo écarté implicitement la garantie à l'égard des passagers payants ;
Attendu en conséquence qu'en déclarant, au motif de la seule présence et deux passagers payants dans la voiture de R'Bibo qu'il y avait « une absence d'assurance opposable aux tiers même étrangers au transport, rien ne permettant dans les prescriptions de la police ou de la loi d'établir une distinction entre les dommages causés aux personnes transportées et ceux causés à des personnes étrangères à ce transport », le jugement attaqué a dénaturé et faussement appliqué les conventions intervenues entre les parties, d'où il suit que les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision écartant la substitution de la compagnie d'assurances « L'Urbaine et La Seine » pour le paiement des sommes allouées à Ali Ac Af Ac Ae en réparation du préjudice occasionné par R'Bibo ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties le jugement du tribunal de première instance de Ad en
date du 3 mars 1960, mais uniquement en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie d'assurances « L'Urbaine et La Seine » ;
Pour être statué à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation partielle intervenu, renvoi la cause et les parties devant le tribunal de première instance de Rabat. Président : M.Deltel. - Rapporteur : M. B Aa. - Avocat général : M.Ruolt. - Avocats : MM. Kessis, Bayssière.
Observations
Comp. Arrêt n° 553 du 18 févr. 1960, Rec. Crim. T. 1. 223.
La présence dans le véhicule de personnes transportées à titre onéreux n'empêche pas la
garantie de jouer à l'égard d'autres passagers transportés à titre bénévole ni à l'égard des tiers, victimes de l'accident, lorsque l'usage du véhicule pour le transport n'a pas été formellement exclu par la police (Civ. 2 août 1934, Gaz. Pal. 1934. 2. 534).