Cassation partielle et cassation par voie de retranchement et sans renvoi sur le pourvoi formé
par Aa Ak Ag An, Ac Ak Ab Ak A et la compagnie « The Provincial Insurance » contre un jugement rendu le 17 mai 1960 par le tribunal de première instance de Rabat qui a condamné Aa à diverses amendes pour infraction au Code de la route et blessures involontaires, ainsi qu'à payer sous la responsabilité civile de Thami, substitué par la compagnie « The Provincial Insurance « différentes sommes à la société « lesAteliers Marocains » et à la « Mutuelle Générale Française ».
9 février 1961
Dossier n°6216-6217 et 6218
la Cour,
Vu les mémoires produits mais écartant des débats ceux présentés après expiration des délais
pour les Ai Am et « La Mutuelle Générale Française » d'une part et pour Ae d'autre part ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, propre à Aa Ak Ag Ak An, pris de la « violation de l'article 306 du dahir du 10 février 1959, en ce que la clôture des débats n'a pas été prononcée après audition par les juges du second degré, des parties civiles, et du ministère public, des avocats chargés de la défense des prévenus, puis des prévenus eux-mêmes » ;
Attendu que si l'article 306, alinéa 6, du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale dispose que le président prononce la clôture des débats après l'examen de l'affaire et l'audition des parties et de leurs conseils, l'omission de cette formalité qui n'est pas prescrite à peine de nullité et n'a pas de caractère substantiel ne saurait vicier la décision ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
SUR LE SECOND MOYEN propre à Aa Ak Ag Ak An, pris de la « violation de l'article 306 du dahir du 10 février 1959. en ce qu'il subsiste un doute sur le fait de savoir si les inculpés ont eu la parole les derniers après que leurs avocats aient présenté leur défense » ;
Attendu que le prévenu Aa Ak Ag Ak An, n'ayant pas assisté aux débats et ayant accepté que ceux-ci aient lieu en son absence, ne saurait se prévaloir d'une inobservation à son égard de la disposition de l'article 360, alinéa 5, du Code de procédure pénale qui à l'évidence concerne uniquement les prévenus effectivement présents à l'audience ;
Qu'il est d'autre part sans qualité pour invoquer ce même grief en ce que la formalité de l'article 360, alinéa 5 susvisé aurait été omise à l'égard d'un coprévenu ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
SUR LE TROISIEME MOYEN propre à Aa Ak Ag Ak An pris de la « violation de
l'article 347 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, en ce que les qualités de la décision entreprise ne comportent pas l'indication des antécédents judiciaires des inculpés » ;
Attendu que s'il est vrai que le jugement attaqué ne contient pas l'indication, prévue par le dit article 347, des antécédents judiciaires du prévenu, celui ci ne saurait tirer grief de cette circonstance, soit qu'il n'était jamais été condamné auquel cas la loi n'exige pas la mention de sa qualité de délinquant primaire, soit qu'il ait déjà été, auquel cas il serait irrecevable, faute d'intérêt, à invoquer une omission qui ne lui nuire ;
Attendu d'autre part que le demandeur n'a pas qualité pour invoquer la violation de la disposition de l'article 347 susvisée en ce qu'elle concernerait un coprévenu ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
SUR LE MOYEN COMMUN à Ac Ak Ab Ak A et à la Compagnie « Provincial
Insurance », pris de la « violation de l'article 347 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, absence de motifs, violation de l'article 410 du même Code, manque de base légale, en ce que les juges d'appel ont confirmé une décision d'incompétence sur les conclusions de partie civile de l'exposant, motivée par le relaxe que le premier juge avait prononcée contre Ae, prévenu sur citation directe, sans avoir pu constater sur l'appel du ministère public qui ne visait pas en effet cette relaxe, ni sans avoir constaté sur l'appel de la partie civile que ledit Ae n'avait pas commis les délits qui lui étaient reprochés, alors qu'ils avaient la possibilité de le faire, leurs condamnations devant rester sans effet sur l'action publique mais devant se répercuter en revanche sur la demande de dommages et intérêts formée par l'exposant en sa qualité de partie civile » ;
Attendu que le juge de paix de Knétra, statuant sur la citation directe délivrée à la requête de Ac Ak Ab Ak A à l'encontre de Ae pour contraventions aux règles de la circulation, a estimé que ce dernier n'avait commis aucune infraction, l'a relaxé et s'est déclaré en conséquence incompétent pour connaître de la demande de dommages-intérêts présentée par Ac Ak Ab Ak A.
Attendu qu'il ressort des dispositions des deux premiers alinéa de l'article 410 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale que saisi sur ce point du seul appel de Ac Ak Ab Ak A, partie civile, le tribunal de première instance de Rabat devait malgré la décision de relaxe définitivement acquise à Ae examiner si, en tant que faits générateurs du dommages allégué les infractions avaient été commises, et dans l'affirmative allouer à l'appelant l'indemnité réparatrice du préjudice subi ;
Qu'il apparaît toutefois que les juges d'appel ont procédé à cet examen, puisqu'en confirmant purement et simplement la décision par laquelle le premier juge s'était déclaré incompétent pour connaître de la demande de réparation introduite par Ac Ak Ab Ak A, ils ont, d'une manière implicite mais certaine, adopté les motifs constatant l'absence d'infractions à la charge de Ae ;
Qu'ainsi manque en fait le moyen soulevé qui ne pouvait d'ailleurs, faute de qualité, être invoqué par la compagnie d'assurances « Provincial Insurance » ;
SUR LE MOYEN DE CASSATION EN SES TROIS BRANCHES COMMUN AUX TROIS DEMANDEURS, pris de ce que les condamnations civiles ont été assorties des intérêts de droit à compter du jour de l'accident ;
Attendu que le jugement de première instance confirmé par la décision attaquée a alloué aux Ai Am et à la compagnie « La Mutuelle Générale Française », partie civiles,
respectivement les sommes de 453 000 et 187087 francs ; qu'il a en, outre et sans motiver sa décision sur ce point assorti ces condamnations des intérêts de droit à compter du jour de l'accident ;
Attendu que bien que ces intérêts aient été sollicités à compter du jour de l'accident par les Ai Am, les juges du fond qui n'ont pas expressément de dommages-intérêts n'ont pu donner satisfaction à ce demandeur sans violer la loi ; Qu'en effet les intérêts moratoires ne peuvent être accordés qu'à compter de la date du jugement de condamnation attributif de la créance indemnitaire, en l'espèce le 22 décembre 1959, date de la décision de première instance confirmée en appel ;
Attendu, en ce qui concerne la Mutuelle Générale Française, que celle-ci s'était bornée à demander une somme de 187 087 francs sans solliciter l'allocation d'intérêts, Qu'en assortissant la condamnation à cette somme des intérêts de droits les juges du fond ont statuéultra petita ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence à cassation des dispositions de la décision attaquée concernant les intérêts ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties au présent arrêt, le jugement rendu le 17 mai 1960 par le tribunal première instance de Rabat, mais seulement en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts moratoires des dommages-intérêts alloués aux Ai Am à une date antérieure à celle du jugement confirmé du 22 décembre 1959 attributif de la créance indemnitaire, et ce qu'il a assorti d'intérêts de droit la condamnation prononcée au bénéfice de la compagnie « La Mutuelle Générale Française », toutes autres dispositions de la décision attaquée demeurant expressément maintenues ,
Dit que cette cassation s'opérera sans renvoi et par retranchement, en ce qui concerne la disposition relative aux intérêts de droit alloués à la compagnie « La Mutuelle Générale Française » ;
Pour être statué à nouveau conformément à la loi, mais uniquement en ce qui concerne la demande d'intérêts formulée par « les Ai Am », renvoie la cause et les parties devant le tribunal de première instance de Rabat autrement composé. Président : M.Deltel. -Rapporteur : M.Zehler. -Avocat général :M. Aj. -Avocat : Me Petit.
Observations
I.- Sur le premier point : V. la note, premier point, sous l'arrêt n° 725 du 27 oct.1960.
II . - Sur le deuxième point : Aux termes de l'art.306, dernier al., C.proc.pén., « le président
prononce la clôture des débats ».
La formalité, qui est commue aux diverses juridictions, n'est pas prescrite à peine de nullité et
n'est pas substantielle.
Sous l'empire du C. instr.crim., les débats restaient ouverts jusqu'au prononcé du jugement en
matière de simple police ou correctionnelle (Crim.5 déc.1930, B.C.297. 23 juin 1938, B.C.161 ; 31 mars 1944, B.C.93) et la clôture des débats n'existait que dans la procédure d'assises (Art.335, al .4, C.instr.crim. ; Rép. Crim., V° Instruction à l'audience, par Al Ah et, n° s
86 s., 256 s., 680 s). pour prononcer cette clôture, aucune formule sacramentelle n'était exigée et il a été jugé que le fait par le président de dire : Et bien ! tout est fini » était suffisant 'Crim.16 août 1872, B.C.224°.
III.- Sur les troisième et dixième points : Le même art.306 C.proc. pén, dans son avant-dernier al., prévoit que « Le prévenu a la parole le dernier ».
Il est bien évident que cette disposition ne peut concerner que le prévenu présent à l'audience. Sur cette disposition, v., sous l'empire du C.instr.crim., Le Poittevin, Art.190, n°s 123 s ;sArt.335, n°s 49 s. ; Rép.crim., V° Instruction à l'audience, par Al Ah, n° 672 s.
Le prévenu n'a aucune qualité pour invoquer le même grief en ce qui concerne son coprévenu (sur la notion de « qualité », v. la note, deuxième point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct.1960).
IV.- Sur les quatrième et dixième points : L'art.347 C.proc. pén. prévoit que « tout jugement ou
arrêt doit contenir.3° l'indication des parties. en précisant .(les) antécédents judiciaires de l'inculpé ».
La chambre criminelle a déjà jugé qu'il n'est pas obligatoire d'indiquer des les décisions la qualité de délinquant primaire du prévenu ( arrêts n°s379 du 22 juil.1959, Rec.crim.t.1.97 et 692 du 7
juil.1960, ibid.321).
Dans le cas où le prévenu a déjà été condamné, il est sans intérêts à invoquer une omission qui
ne lui nuit pas (Sur la notion d'intérêt, v. la note, premier point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct.1960). V.- Sur le cinquième point : V. la note, troisième point, sous l'arrêt n° 733 du 3 nov.1960. VI. -Sur le sixième point : V. la note, cinquième point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct.1960. VII. -Sur les septième, huitième et neuvième point : les juges du fond, en accordant à la partie
civile, sans qu'elle les ait demandés, les « intérêts de droit » des dommages-intérêts alloués, avaient statué ultra petita (Sur cette ouverture à cassation, V.Rép.pr.civ., V° Cassation, par Ad Af, n°s 1474 s. et comme autre exemple l'arrêt n° 767 du 1er déc.1960, publié dans ce volume).
Dans ces conditions, la cassation intervient sans renvoi, l'arrêt de la Cour suprême ne laissant rien à juger au fond (V.la note, quatrième point, sous l'arrêt n° 733 du 3 nov.1960).