Cassation sur le pourvoi formé par la compagnie d'assurances « Rhin et Moselle » contre un jugement rendu le 8 juin 1959 par le tribunal de première instance de Ak qui a condamné Ac Ap Ab Ad à deux amendes pour abandon de véhicule sur la voie publique et blessures involontaires ainsi qu'à payer à Af Al, sous la substitution de la compagnie d'assurances 'Rhin et Moselle », une indemnité provisionnelle.
12 janvier 1961
Dossier n° 4086
La Cour,
Vu les mémoires de la demanderesse et du « Fonds de garantie au profit de certaines victimes
d'accidents causés par des véhicules automobiles », mais écartant des débats les mémoires tardivement produits le 22 décembre 1959 par Ac Ap Ab Ad et le 1er février 1960 par Af Al, ainsi que le « mémoire complémentaire » de cette partie civile, déposé le 4 août 1960 et non prévu en matière pénale ;
SUR LE MOYEN PREALABLE DE CASSATION, pris de la violation des articles 347, 352 du code de procédure pénale, 230 du dahir des obligations et contrats, 10 de l'arrêté du directeur des finances du 20 mars 1942, défaut de motif et dénaturation de la convention ;
Attendu qu'il résulte des énonciations du jugement attaqué que le 4 septembre 1957 à Ak, Aj Am a eu l'avant-bras droit écrasé entre le mur extérieur de la villa de ses parents et la voiture auto-école appartenant à Ac Ap, alors que l'élève conducteur Ar Ae se trouvait seul au volant de cette voiture, le moniteur Ac Ap en étant mommentanément descendu pour adresser des observations à Pérez ;
Attendu que la police d'assurance souscrite par Ac Ap au près de la compagnie d'assurances « Rhin et Moselle », après avoir stipulé, dans ses conditions générales imprimées, une exclusion de garantie des sinistres survenus lorsqu'une personne non titulaire du permis de conduire se trouve au volant, énonce que le véhicule assuré est utilisé usage d'auto-école ; que les conditions particulières dactylographiées de cette police stipulent que le véhicule comporte un dispositif de double commande pouvant être aisément actionné par l'instructeur, puis étendent la garantie aux accidents survenus pendant les leçons de conduite, à l'exclusion des « dommages causés par la machine conduite par le seul élève non accompagné du professeur » ;
Attendu que cette dernière limitation, qui se borne à préciser que l'extension de garantie accordée pour les leçons de conduite en double commande ne couvre pas les accidents survenus alors que l'élève, par définition dépourvu de permis de conduire, conduit seul et sans professeur la voiture auto-école, constitue uniquement un rappel et un cas d'application de l'exclusion de garantie édictée aux conditions générales du fait de la conduite du véhicule par une personne non titulaire du permis ; qu'elle ne saurait donc malgré sa rédaction sous forme d'exclusion être assimilée à une clause de déchéance ou de non-assurance dont l'article 10 de l'arrêté du 20 mars 1942 interdit sous peine de nullité l'insertion dans les conditions particulières de la police ; qu'ainsi c'est par une fausse application ou une violation dudit article 10 que le jugement attaqué s'est fondé sur cet article pour écarter l'exception de non-garantie invoquée par le compagnie « Rhin et Moselle » ;
Attendu d'autre part que l'exigence, comme condition d'extension de la garantie, d'un véhicule à double commande conduit par un élève accompagné d'un professeur, implique la présence, au côté de l'élève, d'un professeur en mesure de surveiller et d'intervenir par la double commende en cas d'imprudence, défaillance, ou fausse manouvre de cet élève ; que ne satisfait donc pas à cette
exigence le moniteur qui, sans raison majeure, descend de voiture en laissant l'élève seul au volant, et va, même s'il ne perd pas de vue le véhicule, discuter à proximité avec un tiers ; que dès lors le jugement attaqué n'a pu, sans dénaturer les termes de la police, déclarer que par « non- accompagnement » il fallait seulement entendre « la circulation isolée et indépendante de l'élève hors de la vue du moniteur »,et décider qu'en conséquence le moniteur Ac Ap, qu'il condamnait d'ailleurs pénalement pour abandon de véhicule, avait, bien que descendu de voiture, continué à accompagner son élève parce que ce dernier n'était pas hors de sa vue ;
Attendu, dans ces conditions, que le jugement attaqué encourt la cassation en ce qu'en violation de l'article 10 de l'arrêté du 20 mars 1942, et par dénaturation du contrat d'assurances, il a retenu la compagnie « Rhin et Moselle » dans les liens de la substitution ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen présenté par la demanderesse au pourvoi, Casse et annule entre les parties le jugement du tribunal de première instance de Ak en
date du 8 juin 1959, mais seulement en ses dispositions ayant statué sur la substitution de la compagnie « Rhin et Moselle » ;
Pour être statué à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation partielle intervenue, renvoie la cause et les parties devant le même tribunal autrement composé. Président M. Deltel. - Rapporteur : M. Aa. - Avocat général : M. Ao. - Avocats : MM. Cagnoli, Meylan, B Ah, Walch.
Observations
I- Sur le premier point. - V. la note, premier point, sous l'arrêt n° 725 du 27 oct. 1960.
II.- Sur les deuxième, troisième et quatrième points. - En l'espèce, la police d'assurance
stipulait, dans ses conditions générales imprimées, une exclusion de garantie des sinistres survenus lorsqu'une personne non titulaire du permis de conduire se trouvait au volant et énonçait que le véhicule était utilisé à usage d'auto-école.
Les conditions particulières dactylographiées prévoyaient que « Les garanties du contrat s'étendent aux accidents survenus pendant les leçons de conduite », que « sont formellement exclus des présentes garanties les dommages causés par la machine conduite par le seul élève non accompagné du professeur » et que « la voiture assurée. comporte un dispositif de double commande, de direction, de freinage et de débrayage, susceptible d'être facilement actionné par l'instructeur en cas de défaillance ou de fausse manouvre de l'élève conducteur ».
La compagnie d'assurances avait soutenu devant les juges du fond que le risque était exclu au motif que l'élève n'était pas au moment de l'accident accompagné par le moniteur.
Le tribunal avait rejeté l'exception au double motif que « l'arrêté du directeur des finances du
20 mars 1942 interdisait sous peine de nullité l'insertion de clauses de déchéance dans les conditions particulières de la police »et que « l'élève était accompagné par le moniteur même si ce dernier n'était pas assis à côté de lui, le non-accompagnement signifiant la circulation indépendante et isolée de l'élève hors de la vue du moniteur ».
Il résultait du jugement qu'au moment de l'accident, le moniteur était momentanément descendu du véhicule pour adresser des observations à un tiers et que l'élève conducteur se trouvait seul au volant.
La Cour suprême n'admet ni la nullité de la clause figurant aux conditions particulières de la police, ni l'interprétation donnée par le tribunal à l'expression « élève non accompagné du professeur ».
Si l'art. 10 de l'arr. dir. Finances du 20 mars 1942 interdit sous peine de nullité l'insertion dans les conditions particulières des polices d'assurance de clauses de non-assurance ou de déchéance, ce texte ne pouvait recevoir application en l'espèce, puisque la limitation figurant aux clauses particulières de la police en constituait qu'un rappel, nécessité par le fait que le véhicule était utilisé à usage d'auto-école, de l'exclusion de garantie édictée aux conditions générales pour toutes personnes démunies de permis de conduire.
La chambre criminelle relève, d'autre part, la contradiction que contenait le jugement qui, après avoir sur l'action publique, condamné le moniteur pour « abandon de véhicule », avait décidé, sur l 'action civile, que la garantie de l'assureur était due. La Cour précise que les juges du fond ne pouvaient, sans dénaturer les termes précités du contrat, déclarer que par « non-accompagnement », il fallait seulement entendre la circulation isolée et indépendante de l'élève hors de la vue du moniteur.
Sur la clause de permis de conduire et les leçons de conduite, v. An Aq,Le permis de conduire et l'assurance de responsabilité automobile, Rev. Gén. Ass. Terr. 1935. 690 ; René savatier, Permis de conduire en automobile et assurance-responsabilité, D.H. 1937, chron. P. 27 ; André Perraud-charmantier, La clause relative au permis de conduire, J.C.P. 1938. 1. 79 ; Ai Ag, Permis de conduire régulier et exclusion de garantie, Gaz. Pal. 1958. 1. doctr. P. 6 ; Mazeaud, n° 2669 ; Civ. 4 févr. 1947, J.C.P. 1947 II. 3806 et la note de M. An Aq,Gaz. Pal. 1947. 1 177 ; 7 juil. 1953, D. 1953.572, Gaz. Pal. 1953.2.262 ; 29 mai 1956, Gaz. Pal. 1956.2.203, J.C.P. 1956. II. 9430 et la note de M. An Aq ; 5 nov. 1957, J.C.P. 1957. II. 10309 ; 15 oct. 1958. 665, S. 1958. 665, S. 1958.2.340; 9 déc. 1958, D. 1959, somm. 21,Gaz. Pal. 1959. 1. 42 ; 14 mars 1960, Gaz. Pal. 1960. 1. 337 ; 7 juil. 1960, Gaz. Pal. 1960. 2. 130.