Cassation sur le pourvoi formé par la société anonyme Philips contre un arrêt rendu le 10 mai 1960 par la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Rabat qui s'est déclarée incompétente pour connaître de sa constitution de partie civile contre Aa Ac du chef d'émission de chèques sans provision.
2 mars 1961
Dossier n°5794
La Cour ,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION ;
Vu l'article 72 du dahir du 19 janvier 1939 qui dispose : « Les juridictions instituées par le dahir du 12 août 1913, relatif à l'organisation judiciaire au Maroc, connaîtront de la répression des infractions en matière de chèques telles qu'elles sont précisées aux articles 70, 71 et 74 du présent dahir toutes les fois qu'un ressortissant de ces juridictions aura un intérêt en cause » ;
Vu l'article 4 du dahir du 11 août 1922 ainsi conçu : « Les tribunaux institués par le dahir du
12 août 1913 relatif à l'organisation judiciaire au Maroc sont compétentes pour appliquer les peines prévues par le présent dahir et aussi pour juger les procès intentés par ou contre les sociétés de capitaux marocaines ou étrangères » ;
Attendu que par la décision attaquée la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Rabat a confirmé une ordonnance du juge d'instruction du tribunal de première instance de Rabat en date du 29 décembre 1959 pour laquelle ce magistrat s'était déclaré incompétent pour connaître de la plainte avec constitution de partie civile formée par la société anonyme marocaine » Philips » contre Aa Ac de nationalité marocaine, pour émission de chèques postaux sans provision préalable ou disponible ;
Que cet arrêt a été rendu notamment au motif que la compétence attribuée par l'article 4 du dahir du 11 août 1922 aux juridictions instituées par le dahir du 12 août 1913 pour connaître des procès intentés par ou contre les sociétés de capitaux marocaines ou étrangères serait limitée aux » « procès civils à l'exclusion des poursuites pénales » ;
Attendu qu'en statuant ainsi la Cour d'appel a violé les dispositions législatives sus-énoncées ; Qu'il résulte en effet de l'article 4 du dahir du 11 août 1922 que les sociétés de capitaux, quelle
que soit leur nationalité, sont des ressortissants des juridictions instituées par le dahir du 12 août 1913, et qu'aucune disposition dudit texte ne permet de restreindre cette compétence d'attribution aux seuls instances suivies devant les juridictions civiles ;
Que dés lors, en application de l'article 72 susvisé du dahir du 19 janvier 1939 dont l'article 74 (second alinéa) étend les dispositions aux infractions commise en matière de chèques postaux la société anonyme marocaine « Philips » société de capitaux au préjudice de laquelle les chèques postaux dépourvus de provision avaient été émis et qui avait en conséquence un intérêt indiscutable en la cause, était recevable à saisir de son action le juge d'instruction au tribunal de première instance de Rabat ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, entre les parties au présent arrêt, la décision rendue le 10 mai 1960 par la
chambre d'accusation de la Cour d'appel de Rabat ;
Pour être statué à nouveau conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant la même
juridictions autrement composée.
Président : M.Deltel. -Rapporteur : M.Zehler. -Avocat général : M.Ruolt. -Avocat : Me Tramini.i.
Observations
L'art. 4 du dahir du 11 août 1922, relatif aux sociétés de capitaux, dont la Chambre criminelle cite le texte dans son arrêt, ne restreint pas la compétence des juridictions modernes aux seules instances suivies devant les tribunaux civils.
Par suite une société anonyme marocaine (c'est-à dire une société dont le siège social a été établi sans fraude au Maroc, quelle que soit la nationalité des associés, V. l'art.7 du dahir du 12 août 1913 sur la Condition civile ; Rabat 7 mars 1923, Rec.t.2.246, Pendant 1926.2.61 ; Cons. D'Et.28 nov.1939, Rec.t.10.94 ; Ad Ab, Partage de compétence et conflits de juridictions au Maroc, Gaz.trib.M.1974.165 . La nationalité marocaine, D.1948 , chron.III ; Le droit des sociétés dans le Maroc moderne) ressortissante des juridictions modernes et qui a, comme bénéficiaire du chèque, un « intérêt en cause », au sens de l'art.72 Dh.19 janv.1939 formant nouvelle législation sur les paiements par chèques, peut se constituer partie civile contre un prévenu marocain pour émission de chèque sans provision.
Une société à responsabilité limitée a la même faculté en vertu des dispositions de l'art. 7 du dahir 1er sep.1926, dont les termes reproduisent ceux de l'art.4 Dh.11 août 1922.