Cassation sur le pourvoi par Ac Ab et la compagnie d'assurances « La Foncière » contre un jugement rendu le 29 février 1960par le tribunal de première instance de Fès confirmant partiellement un jugement du tribunal de paix de Fès du 8 octobre 1959, qui avait condamné Courtois à deux amendes pour infraction au Code de la route et blessures involontaires ainsi qu à des réparation civiles au profits de Ae Ad et de Af Aa, avec substitution de la compagnie d'assurance » La Foncière », avait prononcé l'acquittement de Af Aa et s'était déclaré incompétent pour connaître de la constitution de partie civile de Courtois contre Illouz.
2 mars 1961
Dossier n° 5094
la Cour
SUR LE PREMIER MOYEN du demandeur, pris de la violation de la loi, de la contradiction entre les motifs, de la contradiction des motifs avec le dispositif. Et sur le moyen relevé d'office par le ministère public, pris de la violation des articles 3,9 et 12 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de l'article 3 de ce Code « l'action publique s'éteint par la mort du prévenu » ; Que l'extinction de l'action publique interdit au juge répressif de se prononcer sur la responsabilité pénale du prévenu décédé ; que lorsque la juridiction répressive a, conformément aux dispositions de l'article 9 du même Code , été saisie de l'action publique et de l'action civile, l'article 12 dudit décide que « la survenance d'événements éteignant l'action publique laisse subsister l'action civile qui reste soumise à la compétence de cette juridiction » ;
Attendu en conséquence que, saisi par l'appel du ministère public, et constatant le décès du prévenu Illouz survenu en instance d'appel, le tribunal de première instance de Fès, juge d'appel, devait au point de vue pénale se borner à déclarer l'action publique éteinte ; qu'en outre incombait à ce tribunal, relativement à l'action civile dont il était saisi par l'appel de la partie civile Courtois, de statuer sue cette action qui en vertu de l'article 12 précité continuait à être soumise à sa compétence et d'apprécier au seul point de vue des intérêts civils, en application de l'article 410 du Code de procédure pénale « la réalité des faits générateurs du dommage allégué ».
D'où il suit que le tribunal de première instance de Fès n'a pu, sans contradiction et sans violer les dispositions des articles 3 et 12 susvisées, d'une part sur l'action publique constater dans le dispositif de son jugement l'extinction de cette action à l'égard du prévenu décédé tout en affirmant dans ses motifs le bien -fondé de la relaxe de ce prévenu, d'autre par sur l'action civile confirmer, au motif erroné que l'extinction de l'action publique le rendait incompétent relativement aux intérêts civils, une décision d'incompétence que le premier juge avait au contraire justifiée par l'absence de faute du prévenu ;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres du demandeur,
casse et annule, entre les parties au présent pourvoi, le jugement du tribunal de première instance de Fès en date du 29 février 1960 ;
pour être statué à nouveau, conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant le tribunal de première instance de Meknés. Président : M.Deltel. -Rapporteur : M Carteret. -Avocat général:M.Ruolt. -Avocats : MM. Sabas,Benchétrit, Fernandez et Botbol.
Observations
Sur les premier et deuxième points : En ce qui concerne la compétence de la juridiction répressive pour connaître de l'action civile, lorsque le prévenu décède en cours d'instance, V. la note, troisième point, sous l'arrêts n° 731 du 3 nov.1960.
La juridiction répressive doit, en cas de décès du prévenu, survenu au cours de l'instance d'appel, déclarer l'action publique éteinte, en applicationde l'art. 3, al. Ier, C. proc. Pén. Et, sur l'action civile, « apprécier la réalité des faits générateurs du dommage allégué » (Art. 410, al. Ier , C, proc. Pén).
Lorsque la juridiction répressive statue ainsi sur l'action civile, elle est obligée, pour justifier sa compétence et baser la condamnation à des dommages-intérêts, d'établir que le prévenu a bien commis le délit qui lui est imputé (Le Poittevin, Art. 2, n° 50 ; crim 11 dec. 1903; B. C 420).
Lorsqu'elle estime que le prévenu n'a pas commis le fait qui lui est reproché, elle est, de ce seul fait, incompétente pour connaître de l'action civile.
Son incompétence ne résulte pas, contrairement à ce qu'avait décidé la décision déféré à la Cour suprême, de ce que l'action publique serait éteinte par le décès du prévenu.