132-60/61 21 mars 1961 1679
Société Nantaise d'Importation de Bois et de Quincaillerie c/ Ac Ad.d.
Rejet du pourvoi formé contre un jugement du tribunal de première instance de Marrakech du 18 juin 1958.
(Extrait)
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES:
Attendu qu'il résulte des éléments de la procédure et des énonciations du jugement attaqué (tribunal de première instance de Marrakech 18 juin 1958) que Ac se trouvait employé au «comptoir Métallurgique du Maroc» depuis le 1er février 1945 en qualité de directeur-fondé de pouvoirs, lorsque ladite société céda son fonds de commerce à la société Nontaise d'importation de Bois et de Quincaillerie (N.A.I.B) suivant acte du 21 février 1956 ; que le 30 avril, le directeur de la société N.A.I.B prit à son encontre une décision de licenciement, l'avisant par la suite que le délai de préavis serait d'une durée de 6 mois ; que Ac se prévalant des dispositions de l'arrêté viziriel du 13 août 1951 qui fixe à un an la durée du préavis pour les agents supérieurs qui ont passé plus de dix ans dans le même établissement, a demandé à titre de solde d'indemnité de préavis six mois de salaire, ainsi qu'une indemnité compensatrice de congés payés ; que par le jugement confirmatif attaqué le tribunal de Marrakech a accordé à Ac les indemnités par lui demandées ;
Attendu que le pourvoi fait grief à cette décision d'avoir violé les formes substantielles de la procédure notamment des articles 154, 145 et 150 du dahir de procédure civile en refusant d'ordonner une nouvelle enquête, alors que, d'une part, la société N.A.I.B n'était pas à même de répliquer au mémoire en défense de Ac, faute de délai suffisant et nécessaire en raison de la distance séparant Agadir de Marrakech, et alors que, d'autre part, suivant note en délibéré, la société a attiré l'attention du tribunal sur le fait que l'affaire n'était pas en état d'être jugée en raison des contestations nouvelles soumises par Ac dans son mémoire en réponse ;
Mais attendu d'une part, que s'agissant d'appel de décisions rendues en matière prud'hommale, par dérogation à l'article 155 du dahir de procédure civile le tribunal, s'il estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée, renvoie à une audience ultérieure jusqu'à laquelle les parties sont admises à échanger leurs conclusions ; qu'en l'espèce, à l'audience du 30 avril 1958 l'affaire à été renvoyée à celle du 11 juin, date à laquelle expirait le délai pour conclure ; que la société N.A.I.B n'a déposé qu'une note en délibéré le 16 juin 1958 ; que dès lors le tribunal n'avait pas à tenir compte de la demande de supplément d'enquête qui y était formulée ;
D'où il suit que le premier moyen ne peut être accueilli
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PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Drappier-Rapporteur: M Ammor-Avocat général: M Neigel-Avocat: Me Legasse.e.
Observations
I-Selon les art. 155 et 156 bis C proc civ, lorsque le tribunal de première instance (désormais tribunal régional) estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée, il la renvoie au juge rapporteur. Toutefois, l'art 156 ter C proc civ dispose que, dans les cas où la procédure accélérée est applicable, ce renvoi du juge rapporteur n'est pas possible et qu'il appartient au tribunal de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure jusqu'à laquelle les parties sont admises à échanger leurs conclusions parmi ces cas, qui sont énumérés au même article, figurent «les appels des décisions rendues en matière prud'hommale».
II-Le principe d'ordre public de la contradiction des débats interdit aux juges de tenir compte des moyens ou des pièces produites par les parties après l'ordonnance de dessaisissement du juge rapporteur, sauf Si le renvoi de l'affaire à ce magistrat est ordonné (art 156bis C proc civ). De même lorsque la procédure accélérée prévue à l'art 156 ter (tribunal) ou à l'art 237, al 2, (Cour d'appel) est appliquée, il est interdit aux juges de tenir compte des conclusions déposées ou des pièces produites après la clôture du débat, à moins bien entendu que leur réouverture soit décidée (v dans le même sens Civ Il, 13 juil. 1960, B 472 ; Civ II, 24 nov 1960, B 710 ; Civ 11, 4 juil. 1962, B 554 ; Civ W, 30 oct 1962, B 766 ; Civ I, 27 mars 1963, B 192 Civ IV, 7 oct 1965, B 629).
Toutefois, les juges peuvent accueillir des notes «en délibéré» ou «après plaidoirie» ne contenant pas de moyens nouveaux et destinées seulement à rappeler les arguments développés à la barre (V notamment Rep pr civ, V° conclusions, par Aa Ab, n 59).
C'est pourquoi, hors le cas de réouvertures des débats: 1°Une décision fondée, ne fut-ce qu'en partie, sur des conclusions tardives, encourt la cassation (Civ I, 27 mars 1963, préc) ; 2°Obligés d'écarter de telles conclusions les juges sont dispensés de répondre aux moyens qui y sont exposés, comme aux demandes qui y sont formulées (en l'espèce une demande d'enquête) ; 3°Les juges ne sont jamais tenus de répondre aux note en délibéré ; en effet, celles-ci par définition ne contiennent pas de moyens (si elles en contenaient, elles devraient être qualifiées de conclusions tardives et non de notes), et il est de règle que les juridictions n'ont pas à répondre aux arguments des parties (v supra, note sous l'arrêt n°21).