La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/1961 | MAROC | N°C149

Maroc | Maroc, Cour suprême, 11 avril 1961, C149


Texte (pseudonymisé)
149-60/61 11 avril 1961 1559
Société Coopérative des Producteurs de Lait du Maroc Oriental C/Société d'Industrie Laitière du Maroc Oriental
Cassation d un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 3 mai 1958.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SES DEUX BRANCHES:
Vu l'article 30 du dahir des obligations et Contrats ;
Attendu que ce texte dispose que «celui qui fait une offre par correspondance sans fixer un délai est engagé jusqu'au moment où une réponse, expédiée dans un délai raisonnable, devait lui parvenir régulièrement ; Si le contraire ne résulte expressÃ

©ment de la proposition»
Attendu qu'il ressort du dossier de la procédure et des éno...

149-60/61 11 avril 1961 1559
Société Coopérative des Producteurs de Lait du Maroc Oriental C/Société d'Industrie Laitière du Maroc Oriental
Cassation d un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 3 mai 1958.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SES DEUX BRANCHES:
Vu l'article 30 du dahir des obligations et Contrats ;
Attendu que ce texte dispose que «celui qui fait une offre par correspondance sans fixer un délai est engagé jusqu'au moment où une réponse, expédiée dans un délai raisonnable, devait lui parvenir régulièrement ; Si le contraire ne résulte expressément de la proposition»
Attendu qu'il ressort du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué que la Société Coopérative Agricole des Producteurs de Lait du Ae Ad XC) a, par lettre du 9 juin 1954, offert à la Société Industrielle Laitière du Maroc Oriental (ILMO) de lui acheter son matériel moyennant le prix de 1500000 francs à condition qu'elle cessât toute activité ; qu'à la suite de pourparlers la société ILMO a répondu par lettre du 26 novembre 1954 qu'elle acceptait cette offre «c'est-à-dire vente du matériel pour le prix de 2000000» ; que dans une nouvelle lettre en date du 14 décembre suivant, la SOCOLMO s'est engagée à verser la somme de 2000000, mais à condition que, préalablement la livraison du matériel, six des sociétaires de la société ILMO souscrivent 650 de ses actions ; que la société ILMO a refusé cette nouvelle condition par lettre du 20 décembre 1954, puis l'a acceptée le 23 janvier 1956, sous la seule réserve que les actions «indiquées par la lettre du 14 décembre» seraient souscrites par cinq de ses sociétaires au lieu de six ;
Que la SOCOLMO ayant, malgré une mise en demeure, refusé de réaliser l'achat, la société ILMO l'a assignée en paiement de la somme de 2000000 de francs, outre intérêts à compter du 1 er
janvier 1955, date à laquelle elle avait cessé toute activité ;
Or, attendu que Si la Cour d'appel a estimé que les «accords» avaient été «parfaits», non pas
le 14 décembre 1954 ainsi que le soutient le pourvoi dans sa première branche, mais le 23 janvier 1956, «toutes les conditions posées par la SOCOLMO ayant été agréées» à cette date par la société ILMO, et Si l'arrêt attaqué constate que l'assemblée générale extraordinaire de la SOCOLMO, réunie le 6 avril 1955, a «transformé» la condition posée dans la lettre du 14 décembre 1954 et que la société ILMO avait repoussée, en «celle d'acquérir seulement 550 actions de la part de cinq actionnaires de la société ILMO» et déduit de l'acceptation finale de cette dernière par lettre du 23 janvier 1956 que les accords ont alors été parfaits, il n'indique pas Si la SOCOLMO avait fait parvenir de nouvelles propositions à la société ILMO à la suite de son assemblée générale et n'examine pas, bien que ce point fût contesté dans les conclusions de la SOCOLMO prises le 5 décembre 1957, Si la réponse définitive de la société ILMO à la dernière lettre de la SOCOLMO
avait été expédiée dans un délai moral raisonnable ;
Qu'il suit de là qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Hauw-Avocat général: M YA B Aa, Prat-Espouey et Blain.
Observations:
«La convention n'est parfaite que par l'accord des parties sur les éléments essentiels de l'obligation» (art. 19 C. obt. contr.). Si les parties sont présentes, l'accord de leur volonté est réalisé sur place au moment où l'acceptation de l'une se joint à l'offre de l'autre. Si l'offre est faite par correspondance, le contrat est parfait, non au moment et au lieu où l'offrant (ou pollicitant) reçoit l'acceptation, mais «au moment et dans le lieu où celui qui a reçu l'offre répond en l'acceptant» (art. 24 C. obt. contr.) ; d'autre part, même quand il n'a pas limité son offre dans le temps, le pollicitant n'est pas lié indéfiniment par elle, et il cesse d'être engagé si elle n'est pas acceptée dans un délai moral raisonnable» (art. 30 C. obt. contr.) qui varie selon les circonstances ; enfin, il va de soi que l'offre tombe lorsqu'elle est refusée par la personne sollicitée.
En l'espèce, le refus de la société ILMO avait mis fin à l'engagement de la SOCOLMO et celle-ci ne pouvait être liée qu'à la condition que soit constatée l'existence d'une nouvelle offre postérieure à ce refus ; encore fallait-il, en outre, que l'acceptation de cette nouvelle offre fut intervenue dans un délai «moral raisonnable», ce que contestait la SOCOLMO. En omettant de s'expliquer sur ces deux points, les juges d'appel ne permettaient pas à la Cour suprême d'exercer son contrôle, et leur décision encourait la cassation.
Sur ces questions, v notamment Rép. civ, V° Consentement, par Ac Ab, mais sans oublier que le C. civ français ne comporte aucune disposition relative aux contrats par correspondance, et que les règles appliquées en France en cette matière sont des constructions purement jurisprudentielles.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C149
Date de la décision : 11/04/1961
Chambre civile

Analyses

CONTRATS ET CONVENTIONS-Contrats par correspondance.

Lorsqu'une société a offert à une autre société de lui acheter son matériel sous certaines conditions, et que ces conditions d'abord refusées ont été finalement acceptées sous réserve d'une légère modification, manque de base légale l'arrêt qui condamne la première société à exécuter l'obligation, sans rechercher si le refus de la seconde avait été suivi de nouvelles offres de la part de la première, et sans répondre aux conclusions par lesquelles celle-ci soutenait que l'acceptation définitive de son adversaire lui avait été expédiée au delà du délai raisonnable prévu à l'article 30 du Code des obligations et contrats.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1961-04-11;c149 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award