161-60/61 25 avril 1961 6112
Aa Ad c/Duval Monique
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 29 avril 1960.
La Cour,
SUR LE MOYEN PRIS EN SA SECONDE BRANCHE:
Vu l'article 9 du dahir du 12 août 1913 sur la condition civile des Français et étrangers au Maroc ;
Attendu que selon ce texte, les Français ont le droit au Maroc de demander le divorce aux conditions fixées par leur loi nationale ;
Attendu que Ad Aa et dame Ac Ab étant de nationalité Française, l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du président du tribunal qui, avant d'autoriser dame Duval à introduire contre Dupuy sa demande en conversion de séparation de corps en divorce, a procédé à la tentative de conciliation et, en suite de son échec, a statué sur les mesures provisoires pour la durée de l'instance, au motif que Si la procédure de l'article 434 du dahir de procédure civile «paraît» contraire aux dispositions de l'article 310 du Code civil français, l'article 349 du dahir de procédure civile n'ayant pas été abrogé y soumettait obligatoirement les Français ;
Or, attendu que dame Duval était recevable aux conditions de fond fixées par sa loi nationale à porter directement devant le tribunal compétent sa demande de conversion, sans qu'on pût lui opposer une exigence de procédure, inconciliable avec le droit que lui confère l'article 310 du Code civil, comme avec le caractère obligatoire de la conversion en droit français et la nature même de l'action en cause ;
D'où il résulte que le président du tribunal, ayant excédé ses pouvoirs, l'arrêt attaqué a violé le texte visé au moyen ;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen,
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: Mme Houel. Avocat général: M Bocquet. Avocats: MM Dulière, Bayssière.
Observations
L'article 434 C. proc. civ soumet les demandes de conversion de séparations desdits articles sont conciliables avec leur statut personnel» ne visent il en résulte notamment que le demandeur à la conversion ne peut être autorisé à assigner son conjoint devant le tribunal qu'après une tentative de conciliation, alors qu'en droit français cette tentative est exigée en cas de demande en divorce ou en séparation de corps, mais ne l'est pas en cas de demande de conversion. D'autre part, l'art 394 C. proc. civ dispose «Les articles du présent chapitre (chapitre sixième relatif aux procédures concernant l'état des personnes) sont applicables 1°A toutes les personnes de nationalité française ; 2°A toutes les personnes de nationalité étrangère, en tant que les dispositions desdits articles sont conciliables avec leur statut personnel .»
Les juges d'appel avaient estimé que les mots «en tant que les dispositions desdits articles sont conciliables avec leur statut personnel» ne visent que les «personnes de nationalité étrangère», à l'exclusion des «personnes de nationalité française».
Dans une espèce identique, la Cour de cassation française avait adopté l'interprétation inverse (Civ I, 5 févr. 1958, B. 80) «.Mais attendu qu'aux termes de l'art 394 C. proc. civ les dispositions sur les procédures concernant l'état des personnes ne sont applicables aux personnes de nationalité française ou aux personnes de nationalité étrangère qu'autant qu'elles sont conciliables avec leur statut personnel ; que par suite, les conditions d'exercice au Maroc de l'action en conversion de la séparation de corps en divorce, entre époux de nationalité française, relèvent de la loi française ; que G. était-ainsi recevable à porter directement devant le juge sa demande de conversion sans qu'on put lui opposer une exigence de procédure inconciliable avec le droit que lui conférait l'art 310 C. civ et avec le caractère obligatoire de la conversion en droit français».
L'arrêt rapporté statue dans le même sens mais par des motifs un peu différents: sans prendre parti sur la portée de l'art 394 C. proc. civ la Cour suprême fonde sa décision sur les dispositions de l'art 9 Dh. 12 août 1913 aux termes duquel «les Français et les étrangers ont le droit de demander le divorce ou la séparation de corps aux conditions fixées par leur loi nationale».