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04/05/1961 | MAROC | N°P866

Maroc | Maroc, Cour suprême, 04 mai 1961, P866


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par M'Hamed ben Aa contre un arrêt rendu le 20 décembre 1960 par la Cour d'appel de Rabat qui a confirmé un jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 29 février 1960 l'ayant condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis et 7500 francs d'amende pour imitation frauduleuse d'une marque de fabrique et usage frauduleux de ladite marque, ainsi qu'à payer à la société «Cotelle et Foucher », partie, civile, la somme de 200 000 francs à titre de dommages intérêts, la confiscation des objets et produits portant la marque frauduleusement imitée

et la publication par extraits de la décision étant en outre ordo...

Rejet du pourvoi formé par M'Hamed ben Aa contre un arrêt rendu le 20 décembre 1960 par la Cour d'appel de Rabat qui a confirmé un jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 29 février 1960 l'ayant condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis et 7500 francs d'amende pour imitation frauduleuse d'une marque de fabrique et usage frauduleux de ladite marque, ainsi qu'à payer à la société «Cotelle et Foucher », partie, civile, la somme de 200 000 francs à titre de dommages intérêts, la confiscation des objets et produits portant la marque frauduleusement imitée et la publication par extraits de la décision étant en outre ordonnées.
4 mai 1961
Dossier n° 6977
La Cour,
Sur le premier moyen de cassation, en ses deux branches, pris de la violation de l'article 306 du
Code de procédure pénale et défaut de réponse à conclusions en ce que la Cour d'appel aurait refusé d'examiner les exceptions soulevées par la défense au motif que ces exceptions ayant été soulevées en première instance après la clôture des débats le tribunal n'était pas tenu d'y répondre, alors qu'il résulte du jugement rendu le 29 févier 1960 par le tribunal correctionnel que les débats n'étaient pas clos lors de leur dépôt puisque l'affaire avait été maintenue en délibéré pour permettre au conseil du prévenu de déposer la note contenant lesdites exceptions ;
Attendu qu'en constatant que les exceptions soulevées par la défense en première instance dans une note produite au cours du délibéré l'avaient été après la clôture des débats et en déclarant que le tribunal n'était pas tenu d'y répondre, la Cour d'appel n'a fait que relater un fait non contestable et appliquer exactement les règles de la matière sans violer les dispositions de l'article 306 du Code de procédure pénale ; Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu dans le moyen, la Cour d'appel ne s'est nullement abstenue d'examiner les exceptions soulevées par le prévenu et qui avaient été reprises devant elle ; qu'elle a au contraire rejeté, en motivent particulièrement sa décision, les exceptions d'incompétence et de prescription ; qu'en ce qui concerne les exceptions de nullité portant sur des irrégularités de forme de la citation de première instance, elle a fait application des dispositions des articles 318 et 370 du Code de procédure pénale, qui disposent qu'à peine de forclusion les exceptions tirées de la nullité de la citation doivent être présentées avant toute défense au fond ;
Qu'ainsi le moyen, mal fondé sur la violation invoquée de l'article 306 du Code de procédure pénale, manque en fait en ce qui concerne le grief de défaut de réponse à conclusions ;
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION pris de la violation de l'article 367 du Code de procédure pénale, en ce que le premier juge invoquant les dispositions de l'article 769 du même Code a écarté l'exception de nullité tirée d'un défaut de précisions dans la citation de première instance sur les circonstances de l'infraction et les textes applicables alors qu'en raison de cette violation de la défense ledit article 769 ne pouvait recevoir application ;
Attendu qu'en ce qui concerne les exceptions de nullité portant sur des irrégularités de la citation de première instance, la Cour d'appel a fait application non des dispositions de l'article 769 du Code de procédure pénale mais de celles des articles 318 et 370 du même Code aux termes desquels les exceptions tirées de la nullité de la citation doivent être à peine de forclusion présentées avant toute défense au fond ; que ces dispositions sont générales et doivent recevoir application lorsque, comme dans la présente espèce, le prévenu avait présenté sa défense au fond avant que soit soulevée l'exception ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION, pris de la violation des articles 369 et 370
du Code de procédure pénale en ce que le tribunal de première instance, pour rejeter l'exception de nullité portant sur le fait que le délai entre la notification de la citation et le jour de l'audience était
inférieur à quinze jours, déclare faire application de l'article 370 du Code de procédure pénale alors que ladite exception avait été soulevée avant toute discussion du fond par le conseil du prévenu ;
Attendu qu'en édictant que les exceptions tirées de la nullité de la citation doivent être présentées avant toute défense au fond, l'article 370 du Code de procédure pénale vise la défense présentée par la partie elle même et non l'argumentation sur le fond qui peut être ensuite développée par son avocat ;
Attendu qu'en l'espèce l'exception de nullité avait été soulevée par le conseil du prévenu dans une note produite en cours de délibéré alors que son client avait au cours des débats présenté sa défense au fond invoquer une quelconque irrégularité de la citation ;
Que dès lors en déclarant faire application des dispositions insérées dans les articles 318 et 370 du Code de procédure pénale les juges d'appel n'ont nullement violé les dispositions visées au moyen ;
Qu'ainsi le moyen doit être rejeté ;
SUR LE QUATRIEME MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 6 du dahir
sur l'organisation judiciaire et de l'article 140 du dahir du 23 juin 1916 relatif à la protection de la propriété industrielle en ce que la Cour d'appel a retenu sa compétence en rejetant l'exception d'incompétence des juridictions instituées par le dahir du 12 août 1913 au motif que l'article 140 du dahir du 23 juin 1916 attribue compétence en matière d'infraction aux règles de la propriété industrielle aux tribunaux de première instance, alors que s'agissant de délits commis par des Marocains au préjudice d'étranger les juridictions de droit commun se trouvaient compétentes et que par l'expression « tribunaux de première instance » l'article 140 susvisé n'a nullement voulu donner compétence en la matière aux juridictions instituées par le dahir du 12 août 1913 mais a simplement dérogé à la compétence des tribunaux de paix ou du sadad qui devraient normalement connaître de ces infractions en premier ressort en raison du taux de la pénalité encourue ;
Attendu qu'il résulte des termes de l'article 11 du dahir du 23 juin 1916 sur la protection de la propriété industrielle que les juridictions instituées par le dahir du 12 août 1913 sont seules compétentes pour connaître de toute demande ou contestation, poursuites civiles ou correctionnelles relatives à l'application du dahir ;
Attendu dès lors qu'en retenant sa compétence la Cour d'appel n'a nullement violé les dispositions visées au moyen ;
Qu'ainsi ce moyen doit être écarté ;
SUR LE CINQUIEME MOYEN DE CASSATION, pris de la violation des règles concernant la
prescription de l'action publique en ce que les juges du fond auraient rejeté l'exception de prescription soulevée par le prévenu en considérant que bien que remontant à l'année 1955 les faits reprochés constituant des délits continus n'étaient pas couverts par la prescription triennale, alors que les infractions commises en matière de contrefaçon et d'imitation de marques constituent des délits instantanés et qu'en conséquence l'action publique concernant les faits poursuivis en 1959 avait été prescrite dès 1958 ;
Attendu que pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique soulevée par le prévenu l'arrêt attaqué du 20 décembre 1960 énonce : « que la poursuite est basée sur un procès- verbal de contrefaçon en date du 13 août1959 et que M'hamed ben Aa reconnaît avoir utilisé la marque incriminée d'une manière permanente depuis l'année 1955 ; qu'il ne saurait dès lors y avoir prescription » ;
Attendu que par ces énonciations la Cour d'appel, qui n'a d'ailleurs nullement déclarée que les infractions poursuivies constituaient des délits continus, a relevé d'une manière implicite mais certaine que des faits constitutifs des infractions poursuivies avaient été commis moins de cinq ans avant le début des poursuites et a ainsi légalement justifié sa décision concernant le rejet de l'exception de prescription soulevée ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
SUR LE SIXIEME MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 121 du dahir du
23 juin 1916 sur la protection de la propriété industrielle en ce que les juges du fond ont déclaré le prévenu coupable du délit d'imitation frauduleuse de marque de nature à tromper l'acheteur, alors que d'une part aucune confusion ne serait possible entre la marque incriminée et celle de la partie civile et que d'autre part la preuve de la mauvaise foi du prévenu qui a toujours pris soin de mentionner son nom et son adresse sur les étiquettes n'aurait pas été rapportée ;
Attendu que le jugement de condamnation de première instance expose ; « que la volonté d'imitation est manifeste en dépit d'une légère atténuation des couleurs et d'une déformation volontaire du motif principal qui reste à l'évidence une croix de Malte, dont l'appropriation par la société Cotelle et Foucher est certaine et a été constatée par le dépôt ; qu'il n'est pas jusqu'au mode d'emploi du produit qui ne soit la reproduction servile et mot pour mot de celui qui est inscrit sur l'étiquette originale ; que dans ces conditions l'imitation frauduleuse est évidente ; qu'elle se précise encore du fait que le contrefacteur ait choisi précisément comme marque commerciale la Croix de Malte, propriété de Colette et Foucher alors qu'il aurait pu choisir s'il avait été de bonne foi une figure géométrique ou telle autre de son choix » ;
Attendu que l'arrêt confirmatif attaqué précise « que la confusion entre les deux marques, s'agissant des mêmes produits est non seulement possible mais certaine » et « que M'hamed ben Aa n'ignorait ni la préexistence ni la notoriété déjà acquise de la marque « La Croix » des Etablissements Cotelle et Foucher » ;
Attendu que par ces constations souveraines qui ne peuvent être remises en question devant la Cour suprême à l'aide de considérations de fait prises en dehors de la décision attaquée les juges du fond ont légalement justifié leur décision de condamnation en établissant l'existence des différents éléments constitutifs de l'infraction et notamment le fait que l'imitation reprochée était de nature à tromper l'acheteur et l'intention frauduleuse du prévenu ;
Qu'ainsi le moyen manque en fait ;
Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation de l'autorité de la Chose jugée en ce
que la Cour d'appel a prononcé la relaxe des quatre coprévenus du demandeur alors que la décision de première instance était devenue définitive en ce qui les concerne ;
Attendu qu'un prévenu condamné est sans qualité pour critiquer la décision de relaxe prononcée en faveur de ses coprévenus ;
D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi,
Président : M. Ad. - Rapporteur : M. Ac. - Avocat général : M. Ab. - Avocats : MM. Ayoub, Benaroch.
Observations
I.- Sur le premier et deuxième points : V. la note, troisième point, sous l'arrêt n° 787 du 5 janv.
1961.
II. -Sur le troisième point : V. la note, premier point, sous l'arrêt n° 774 du 8 déc1960.
III. -Sur le quatrième point : Aux termes de l'art. II Dh. 23 juin 1916, relatif à la protection de
la propriété industrielle, les tribunaux modernes « seront seuls compétents pour connaître de toutes demandes et contestations, poursuites civiles et correctionnelles relatives à l'application du présent dahir ».
IV. -Sur les cinquième et sixième points : L'art. 4 C. proc. pén. prévoit que, « sauf dérogations résultant des lois spéciales, l'action publique se prescrit :.en matière délictuelle, par cinq années grégoriennes révolues à compter du jour où le délit a été commis. ».
Les énonciations de l'arrêt attaqué, qui ne fixaient pas la date exacte à laquelle le délit était consommé, établissaient cependant, d'une façon implicite mais certaine, que le délai de prescription n'était pas expiré avant le début des pourssuites. Il a déjà été jugé, sous l'empire du C. instr. Crim., qu'il n'était pas nécessaire que le jugement précise la date du délit dès lors qu'il résultait des constations de la décision que les faits avaient été accomplis depuis moins de « trois ans » (Crim. 30 juin 1936, B.C.21).
V. -Sur le septième point : L'art. 121 du dahir susvisé du 23 juin 1916, dont la violation était invoquée par le demandeur punit : « I° ceux qui, sans contrefaire une manque, en ont fait une imitation frauduleuse de nature à tromper l'acheteur ou ont fait usage d'une marque frauduleusement imitée ».
L'imitation frauduleuse d'une marque, qui est différente de sa contrefaçon, est punissable dès lors que le prévenu a agi avec une intention frauduleuse et que l'imitation est de nature à tromper l'acheteur (V. Rép. Crim., V° Contrefaçon, par Ae Af, nos 202 s.).
Les motifs du jugement de première instance et de la décision d'appel caractérisaient ces deux éléments par des constations de fait précises qui ne pouvaient être remises en question devant la Cour suprême à l'aide de considérations prises en dehors de ces décisions (v. sur ce point, la note, septième point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct. 1960).
VI. - Sur le huitième point : V. la note, dixième point, sous l'arrêt n° 815 du 9 févr.1961.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P866
Date de la décision : 04/05/1961
Chambre pénale

Analyses

1° JUGEMENTS ET ARRETS - Omission de statuer - Conclusion des parties - Forme - Note en délibéré.2° CASSATION - Ouvertures à cassation - Omission de statuer. 3° CITATION - Nullité - Forclusion.4° CONTREFACON - Marques - Compétence des juridictions modernes.5° PRESCRIPTION - Action publique - Exception de prescription - Rejet - Motifs suffisants. 6° ACTION PUBLIQUE - Exception de prescription - Rejet - Motifs suffisants. 7° CONTREFACON - Marques - Eléments constitutifs - Constatation . 8° CASSATION - Moyen irrecevable - Défaut de qualité - Prévenu - Critique de la relaxe prononcée en faveur d'un coprévenu.

1° et 2° Les juges du fond ne sont pas tenus de répondre à une note produite au recours du délibéré, après clôture des débats.3° En application de l'article 370 du Code de procédure pénale, la nullité pouvant entacher la citation doit, à peine de forclusion, être proposée avant toute exception ou défense au fond. Les dispositions de cet article sont générales et doivent recevoir application lorsque le prévenu a présenté sa défense au fond avant de soulever l'exception. Par « défense au fond », il faut entendre la défense présentée par la partie elle-même et non l'argumentation sur le fond qui peut être ensuite développée par son avocat.4° Par application de l'article 11 du dahir 23 juin 1916 sur la protection de la propriété industrielle, les juridictions modernes sont seules compétentes pour connaître de toute demande ou contestation, pour- suites civiles ou correctionnelles relatives à l'application de ce dahir. 5° et 6° La juridiction qui relève que les faits constitutifs des délits poursuivis ont été commis moins de cinq ans avant le début des poursuites justifie légalement sa décision rejetant l'exception de prescription soulevée par le prévenu.7° En matière de contrefaçon de marques, les juges du fond donnent une base légale à leur décision en établissant l'existence des différents éléments constitutifs de l'infraction et notamment le fait que l'imitation était de nature à tromper l'acheteur et que le prévenu a agi avec intention frauduleuse.8° Un prévenu, qui a été condamné, est sans qualité pour critiquer la décision de relaxe prononcée en faveur de ses coprévenus.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1961-05-04;p866 ?
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