Rejet des pourvois formés par Hue Af, la Société nord-africaine Sicli et la compagnie d'assurances « La Concorde » contre un jugement rendu le 1er décembre 1960 par le tribunal de première instance de Ag qui a confirmé un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud ayant condamné Hue, sous la responsabilité civile de la Société nord-africaine Sicli, substituée par la compagnie d'assurances « La Concorde », à assurer le service à Ae Ah d'une rente d'accident du travail et d'une rente complémentaire, la Compagnie d'assurances « La Nationale » Obtenant en outre le remboursement des prestations qu'elle avait dû verser à son assuré Ae.
11 mai 1961
Dossiers n 7158 - 7159 et 7160
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION,
Attendu que, par lettre en date du 31 mars 1961, M Ac, mandataire des demandeurs, a déclaré de ce moyen qu'il avait soulevé dans son mémoire déposé le 29 décembre 1960 ;
Attendu que ce désistement, qui ne tend à éluder aucune irrecevabilité ou déchéance, est régulier ; qu'il y a lieu d'en donner acte aux demandeurs ;
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, pris de « la violation des articles 347 et 352 du Code de procédure pénale et de l'article 399 du dahir formant code des obligations et contrats, défaut de motifs, manque de base légale, renversement du fardeau de la preuve, en ce que le jugement attaqué a refusé d'ordonner l'expertise comptable sollicitée et a retenu le salaire mentionné au relevé produit par la SOGEM, aux motifs que ce relevé est certifié conforme par le président administrateur délégué de cette société et que dès lors le montant des salaires perçus par Ae, directeur de ladite société, est suffisamment établi sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise comptable, alors que les requérants n'avaient pas été parties à la procédure accident du travail, avaient contesté la sincérité du relevé de salaire établi par l'employeur (partie intéressée au litige et aux droits de la quelle est subrogé l'assureur-loi et qu'en l'état de cette contestation, la victime et l'assureur-loi, parties civiles, comme tout demandeur, avaient la charge de la preuve et ne pouvaient se constituer un titre à eux- mêmes» ;
Attendu que l'opportunité d'une expertise est appréciée souverainement par les juges du fond et que leur décision à cet égard échappe au contrôle de la Cour suprême dès lors qu'elle est légalement motivée ;
Attendu que les juges d'appel étaient saisis de la part des actuels demandeurs de conclusions tendant à voir « ordonner une expertise comptable pour vérifier le salaire versé par la SOGEM à M. Ae qui en est le directeur » ; que, pour rejeter cette demande, ils ont estimé le salaire de Ah Ae suffisamment établi par une attestation délivrée par le président-administrateur délégué de la Société générale de mécanique qui l'employait et certifiée réelle et conforme aux livres légaux de ladite société ;
Attendu qu'en retenant ainsi comme salaire de la victime Ae, celui résultant d'un élément
de preuve soumis à la libre discussion des parties et dont la fausseté n'était pas même alléguée, le tribunal sans avoir renversé la charge de la preuve a légalement motivé sa décision de refus de l'expertise sollicitée ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la « violation des articles 347 et 352 du Code de
procédure pénale, et 399 du dahir formant Code des obligations et contrats, défaut de motifs et manque de base légale, en ce que le jugement attaqué a refusé d'ordonner une nouvelle expertise médicale en vue d'objectiver les troubles subjectifs mentionnés par l'expert Ab au motif notamment que le médecin traitant avait procédé à des épreuves antérieurement à l'expertise, confondant au surplus les constatations cliniques relatives aux troubles moteurs et celles relatives aux troubles psychiques subjectifs alors que précisément l'expertise avait pour objet de procurer au tribunal des éléments d'appréciation émanant d'un mandataire de justice et non d'un médecin traitant ; que les examens du médecin traitant sont pour la plupart antérieurs à la date de la consolidation des blessures (21-6/1957) et que le rapport du docteur Ad Aa, médecin conseil de la compagnie « La Concorde », auquel il était expressément fait référence dans les conclusions déposées, indiquait avec précision les tests et examens auxquels il était possible de recourir pour objectiver les troubles psychiques subjectifs allégués par le blessé » ;
Attendu que l'opportunité d'une expertise est appréciée souverainement par les juges du fond et que leur décision à cet égard échappe au contrôle de la Cour suprême dès lors qu'elle est légalement motivée ;
Attendu que devant la juridiction d'appel les demandeurs ont sollicité par conclusions une expertise médicale aux fins d' « objectiver » les troubles psychiques allégués par la victime ; qu'à l'appui de cette demande ils soutenaient que l'expert Ab, commis au cours de la procédure d'accidents du travail et dont les conclusions avaient été prises en considération par les juges de première instance pour déterminer l'incapacité dont était atteinte la victime, n'avait pas procédé aux examens nécessaires à cette « objectivation » ;
Attendu que les juges d'appel ont estimé inutile de recourir à l'expertise sollicitée, se considérant suffisamment éclairés par le rapport du docteur Ab, lequel avait pu tenir compte d'examens antérieurs dont un encéphalogramme, et dont les conclusions se trouvaient basées sur des « constatations cliniques précises permettant d'éliminer des syndrômes purement subjectifs » ;
Attendu que par ces énonciations les juges du fond ont légalement motivé leur décision , laquelle échappe ainsi au contrôle de la Cour suprême ;
D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
PAR CES MOTIFS
Rejette les pourvois. Président : M.Deltel-Rapporteur :M.Zehler.-Avocat général :M.Ruolt.-Avocat :MM.Cagnoli,
Laporte, Agostini.
Observations
I.- Sur le premier point : la Chambre criminelle n'admet pas qu'un demandeur en cassation puisse se désister d'un moyen lorsque ce désistement tend à éluder une irrecevabilité ou une déchéance. Elle a déjà juge que plusieurs demandeurs, qui ont entre eux certains intérêts divergents et certains intérêts communs, et n'ont consigné qu'une somme de 100 dirhams, sont déchus de leur pourvoi à l'expiration d'un délai de vingt jours à compter de leur déclaration de pourvoi et qu'ils ne peuvent échapper à cette déchéance en renonçant dans un mémoire ultérieur à faire valoir leurs droits divergents (Arrêt n° 709 du 14 juil.1960, Rec.crim.t.1.336).
Par contre, le désistement d'un moyen est régulier lorsqu'il ne tend à éluder aucune irrecevabilité ou déchéance.
II. - Sur le deuxième point : V. la note, septième point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct.1960 et, dans le sens de l'arrêt ci-dessus rapporté, Crim.23 oct.1931, B.C.236 ; 14 avr.1934, D.H.1934.; 286 ; 11 janv.1935, D.H.1935.181.