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18/05/1961 | MAROC | N°P876

Maroc | Maroc, Cour suprême, 18 mai 1961, P876


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur le pourvoi formé par B. Aa contre un arrêt rendu le 31 janvier 1961 par la Cour d'appel de Rabat qui l'a condamné à 50.000 francs d'amende pour infraction à l'article 9 du dahir du 17 juillet 1936 et à payer un franc de dommages-intérêts à la Société internationale de régie cointéressée des tabacs au Maroc, partie civile.
18 mai 1961
Dossier n° 7376
La Cour,
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, préalable en sa première branche prise de la violation de la loi et de la dénaturation des faits de la cause ;
Vu ledit dahir du 17 juillet 1936 réglementant

la vente à crédit des véhicules automobiles, et
plus particulièrement ses articl...

Cassation sur le pourvoi formé par B. Aa contre un arrêt rendu le 31 janvier 1961 par la Cour d'appel de Rabat qui l'a condamné à 50.000 francs d'amende pour infraction à l'article 9 du dahir du 17 juillet 1936 et à payer un franc de dommages-intérêts à la Société internationale de régie cointéressée des tabacs au Maroc, partie civile.
18 mai 1961
Dossier n° 7376
La Cour,
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, préalable en sa première branche prise de la violation de la loi et de la dénaturation des faits de la cause ;
Vu ledit dahir du 17 juillet 1936 réglementant la vente à crédit des véhicules automobiles, et
plus particulièrement ses articles 1er et 13 ainsi conçus :
ARTICLE PREMIER : « La vente à crédit des véhicules automobiles est soumise, en l'absence
de stipulations contraires, aux dispositions du présent dahir » ;
ART. 13 : « Le vendeur d'un véhicule automobile aura toujours la faculté de subroger dans ses
droits et obligations prévus par les articles 5, 6, 8 et 10 ci-dessus, toute personne physique ou morale qui en contre partie de cette subrogation lui aura payé tout ou partie du prix du véhicule pour le compte de l'acquéreur » ;
Attendu qu'il ressort de ces dispositions légales que l'acheteur d'un véhicule automobile et la personne qui a prêté des fonds pour l'achat de ce véhicule, ne sont soumis à la réglementation édictée par le dahir du 17 juillet 1936 précité qu'à la triple condition de l'existence :
a) -d'une vente à crédit du véhicule réalisée entre le vendeur d'automobile et l'acheteur, b) -du paiement par le prêteur, entre les mains du vendeur et pour le compte de l'acheteur de
tout ou partie du prix du véhicule.
c) -d'une subrogation dans ses droits et obligations consentie par le vendeur à crédit au
bénéfice du prêteur ;
Attendu que l'arrêt attaqué qui a fait application à B. des dispositions de l'article 9 du dahir du 17 juillet 1936 se borne, en ce qui concerne les conditions d'acquisition par celui-ci d'un véhicule automobile à énoncer : « qu'il est constant au vu des pièces du dossier et des débats que B. Aa, alors qu'il était employé à la Société régie cointéressée des tabacs du Maroc, avait obtenu de son employeur un prêt de 500.000 francs pour financer l'achat d'un véhicule automobile, marque « Opel », n° 40134 ; que la convention stipulait que ledit prêt était amortissable par des prélèvements mensuels sur les appointements de B. avec déchéance du terme en cas de cessation de ses fonctions et qu'il était consenti sous le bénéfice du dahir du 27 rebia II 1355 (17 juillet 1936) sur la vente à crédit des véhicules automobiles » ;
Attendu que ces énonciations, en ne précisant pas l'existence des trois conditions ci-dessus énumérées, ne permettent pas à la Cour Suprême de vérifier si le dahir du 17 juillet 1936 a été à bon droit déclaré applicable en la cause ; que l'affirmation des juges d'appel, selon laquelle le prêt aurait été consenti sous le bénéfice du dahir du 17 juillet 1936, ne saurait suppléer cette insuffisance de motivation, étant observé au surplus que les parties n'ont jamais la faculté d'étendre conventionnellement, hors des cas ou conditions déterminées par le législateur, l'application des dispositions pénales d'une loi ;
Attendu en conséquence que la décision attaquée se trouve dépourvue de base légale ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens du demandeur,
Casse et annule, entre les parties au présent pourvoi, l'arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 31
janvier 1961 :
Pour être à nouveau statué conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant la Cour
d'appel de Rabat autrement composée.
Président : M. Ad. - Rapporteur : M. Ac. - Avocat général : M. Ab. - Avocats : MM. Luigi, Lafuente.
Observations
Sur les premier et deuxième points : L'art. 9 Dh. 17 juil. 1936, réglementant la vente à crédit
des véhicules automobiles, prévoit que « l'acheteur qui dispose du véhicule ou de ses accessoires avant paiement complet du prix se rend coupable du délit prévu par l'article 408 du Code pénal ».
Le dahir du 6 juil. 1953 a ajouté à ce texte un art. 13 dont la Chambre criminelle cite les dispositions.
Pour que l'art. 9 puisse recevoir application, lorsque la vente met en cause un acheteur, un vendeur et un prêteur, il faut nécessairement : 1° qu'une convention de vente à crédit d'un véhicule automobile soit intervenue entre l'acheteur et le vendeur ; 2° que le prêteur ait payé, entre les mains du vendeur, et pour le compte de l'acheteur, tout ou partie du prix du véhicule ; 3° qu'une subrogation dans ses droits et obligations ait été consentie par le vendeur au bénéfice du prêteur.
Dans l'espèce soumise à la Cour d'appel de Rabat, le prévenu, acheteur du véhicule, avait obtenu de son employeur, la régie des tabacs, un prêt pour financer l'achat du véhicule. La convention stipulait qu'il s'agissait d'une « avance consentie par la régie » et que le montant du prêt serait remboursé par précomptes sur le traitement mensuel de l'emprunteur.
La circonstance que la régie avait « prêté » une somme à son employé pour l'achat du véhicule était insuffisante pour justifier une condamnation en application de l'art. 9 du dahir susvisé et pour permettre à la Cour suprême de vérifier la légalité de la condamnation.
La cassation de la décision a donc été prononcée pour manque de base légale (Sur cette notion, V. la note, troisième point, sous l'arrêt n° 732 du 3 nov. 1960) mais il semble bien que le délit n'était pas constitué.
En effet, aucune convention de vente à crédit ne paraissait avoir été conclue entre l'acheteur et le véritable vendeur, dont le nom ne figurait pas dans les décisions, et il semblait au contraire que l'acheteur avait payé comptant le véhicule, partie avec ses propres deniers, partie avec la somme qui lui avait été prêtée par son employeur. Ce dernier n'avait donc pas payé, entre les mains du vendeur et pour le compte du prévenu, une partie du prix du véhicule et il ne bénéficiait, par suite, d'aucune subrogation.
Ces circonstances de fait ne permettaient pas aux parties d'insérer dans le contrat une clause aux termes de laquelle le prêt était consenti sous le bénéfice du dahir du 17 juil. 1936. Les parties n'ont jamais la faculté d'étendre conventionnellement les cas ou conditions d'application d'une loi pénale puisque, en vertu du principe de légalité des délits et des peines, le législateur a seul le pouvoir de limiter la liberté des personnes en interdisant certains actes sous la menace d'une peine.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P876
Date de la décision : 18/05/1961
Chambre pénale

Analyses

1° VENTE ÁCREDIT DES VEHICULES AUTOMOBILES - Dahir du 17 juillet 1936 - Conditions d'application.2° LOIS ET DECRETS - Dispostions pénales - Extension conventionnelle par les parties hors des cas ou conditions déterminées par le législateur - Impossibilité.

1° Les dispositions des articles 1er et 13 du dahir du 17 juillet 1936, réglementant la vente à crédit des véhicules automobiles ne s'appliquent qu'à la triple condition de l'existance : a) d'une vente à crédit du véhicule réalisée entre le vendeur d'automobile et l'acheteur ; b) du paiement, par le prêteur, entre les mains du vendeur et pour le compte de l'acheteur, de tout ou partie du prix du véhicule ; c) d'une subrogation dans ses droits et obligations consenties par le vendeur à crédit au bénéfice du prêteur.2° Les parties n'ont jamais la faculté d'étendre conventionnellement, hors des cas ou conditions déterminées par le législateur, l'application des dispositions pénales d'une loi.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1961-05-18;p876 ?
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