212-60/61 6 juin 1961 5719
Gourion Cécile c/ Aa B
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 2 mars 1960.
(Extrait)
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Rabat 2 mars 1960) que par acte en date du 2 mai
1946, Ab a reconnu devoir à dame Gourion la somme de 100000 francs qu'il s'engageait à rembourser dans le délai «irrévocable» du 31 mai 1946 et que Aa a déclaré «avaliser la reconnaissance» ; que le 23 avril 1958, dame Gourion, tenant Aa pour caution solidaire, lui a réclamé le paiement de cette somme ; que la Cour d'appel, faisant application de l'article 1157 du dahir des obligations et contrats a rejeté la demande, au motif que, le cautionnement n'impliquant pas solidarité, dame Gourion avait libéré Aa de ses obligations en consentant à Ab prorogation du terme alors qu'il était solvable ;
Attendu que le pourvoi reproche à la Cour d'appel d'avoir admis le caractère civil du cautionnement sans tenir compte de la qualité de commerçant des trois parties en cause, et, en violation de l'article 466 du dahir des obligations et contrats, dénié au terme «d'aval», employé par Aa, son «sens technique usuel» et en conséquence les effets de solidarité qui en découlaient, ainsi que le soutenait dame Gourion dans des conclusions auxquelles les motifs de la décision déféré ne répondent pas ;
Mais attendu que la Cour d'appel a estimé qu'il ne s'agissait pas d'un aval «analogue à celui
du droit cambiaire» et que le cautionnement d'Azoulay, de caractère civil, était régi par les seuls articles 1157 et suivants du dahir des obligations et contrats ; que, répondant ainsi implicitement mais nécessairement aux conclusions de dame Gourion, l'arrêt attaqué a fait une exacte application du texte visé au moyen, puisque dans son acception technique l'aval est la garantie spéciale donnée pour favoriser la négociation d'un effet de commerce ; que d'autre part, selon l'article 1133 du dahir des obligations et contrats le cautionnement n'engage la solidarité d'un commerçant que s'il constitue un acte de commerce de sa part, ce que ne prétendait pas la créancière ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Drappier-Rapporteur: Mme A général: M Bocquet-Avocat:Me. Sultan.
Observations
I-Lorsqu'un mot a une acception technique usuelle, les parties sont censées l'avoir employé dans cette acception (art. 466 C obi contr). Mais il ne s'agit là que d'une présomption de fait qui peut être contredite par les autres termes de la convention ou les circonstances de la cause ; dans cette hypothèse le juge doit rechercher quelle a été l'intention des parties, et, hors de cas de dénaturation d'une convention claire et précise, son interprétation échappe au contrôle de la Cour suprême (sur les rôles respectifs des juges du fait et du juge de cassation dans l'interprétation des contrats, v Besson, n 1510 et s, 1723 et s).
II-La solidarité ne se présume pas, et, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire de la nature de l'affaire, elle ne peut résulter que d'une stipulation expresse du titre constitutif de l'obligation ou d'une disposition expresse de la loi. L'arrêt rapporté fait application de ces règles pour interpréter restrictivement la convention des parties et l'art 1133, al 2, C obl. Contr: Bien que dans son acception technique usuelle le terme d' «aval» désigne la caution solidaire du droit cambiaire, l'emploi de ce mot par les parties ne pouvait valoir à lui seul stipulation expresse de solidarité conventionnelle ; d'autre part, le fait que la créancier, le débiteur principal et la caution fussent tous trois commerçants faisait présumer mais n'impliquait pas nécessairement que le cautionnement ait constitué de la part de la caution un acte de commerce, or ce n'est qu'à cette condition que la solidarité légale est prévue à l'art 1133, al 2, C obl Contr.