Cassation sur le pourvoi formé par la compagnie des chemins de fer du Maroc et la compagnie
franco-espagnole du chemin de fer de Tanger à Fès contre un jugement rendu le 12 janvier 1961 par le tribunal de première instance de Meknès qui a partagé entre le prévenu Aa Ab Af et les deux compagnie susnommées, parties civiles, la responsabilité de l'accident survenu le 15 février 1958 et a condamné Aa Ab Af à payer à ces parties civiles la somme de 1408 dirhams 72 à titre de dommages- intérêts.
15 juin 1961
Dossier n° 7319
La Cour,
Vu les mémoires produits mais écartant des débats celui déposé hors délai pour la compagnie
d'assurances « L'Equité » ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 298 du Code de
procédure pénale ;
Vu ledit article, ensemble les articles 298 et 352 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de l'article 352 de ce Code les jugements ou arrêts sont nuls si, en violation de l'article 298, ils ont été rendus par des juges qui n'ont pas assistés à toutes les audiences où l'affaire a été instruite ;
Attendu que la composition des juridictions est d'ordre public et qu'une composition irrégulière est de nature à porter effectivement atteinte aux droits de la défense ;
Attendu que le transport sur les lieux effectué par un tribunal en son entier doit, pour l'application des articles 298 et 352 susvisés, être considéré comme une audience de la cause où l'affaire est instruite ; qu'en effet il ne fournit pas seulement aux juges un renseignement personnel mais constitue une instruction publique et contradictoire à laquelle les parties doivent obligatoirement être appelées ;
Attendu dès lorsque, sous peine de violation des dispositions susvisées, la composition du tribunal doit être identique lors du transport sur les lieux et lors du jugement sur le fond, à moins que l'examen de l'affaire n'ait été entièrement repris avec éventuellement un nouveau transport, et qu'il ne soit pas fait état dans le jugement des constatations recueillies au cours du transport effectué avec une composition différente ;
Attendu d'autre part que l'identité de composition du tribunal s'imposait également lors de la décision ordonnant le transport sur les lieux et lors de ce transport ; qu'en effet le tribunal n'a pas dans sa première audience vidé provisoirement le débat, mais s'est borné à prescrire un complément des investigations sur lesquelles il avait déjà délibéré, le transport sur les lieux ne constituant que la continuation de cette première audience ;
Attendu que le jugement du tribunal de première instance de Meknès du 25 février 1960 ordonnant le transport du tribunal sur les lieux a été rendu par M. Roy, président d'audience, Mmes Goujat et Secret, juges ; que lors du transport effectué le 21 mars 1960 le tribunal était composé de M. Roy, président M. Leblet et Mmes Secret, juges ; que le jugement sur le fond du 12 janvier 1961 a été rendu par M. Mannent , président d'audience, M. An et Ad Ak, juges ; que la motivation du jugement sur le fond est essentiellement basé sur les constations faites lors du transport du 21 mars 1960 ;
Attendu qu'en statuant dans ces conditions le tribunal de première instance de Meknès a violé les dispositions visées au moyen ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen,
Casse et annule entre les parties au présent arrêt le jugement du tribunal de première instance de Meknès ;
Pour être à nouveau statué conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant le tribunal de première instance de Fès .
Président : M. Ac. - Raooorteur : M. Ao - Avocat général : M. Ae. - Avocats : MM. Lorrain, Beauclair.
Observations
I.- Sur le premier point :V. La note premier point, sous l'arrêt n° 725 du 27 oct. 1960.
II. -Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième points : V. La note,, deuxième point, sous l'arrêt n° 755 du 24 nov 1960.
En ce sens que la composition des juridictions est d'ordre public, qu'une composition irrégulière est de nature à porter atteinte aux droits de la défense et que les parties ne peuvent renoncer à s'en prévaloir, v. Les arrêts n° 657 du 2 juin 1960, rec. Crim. t. I. 290., 664 du 9 juin 1960, ibid. 300 ; crim . 2 déc 1869, B.C. 248, D.P.1870. I. 320, S. 1870. I. 232. ; 19 janv. 1954, Gaz. Pal. 1954. I. 363 ; Faye, n° 132 ;Rép. Pr. Civ., V°Cassation, par Aj Al, n° 1205.
Le transport sur les lieux ordonné par un tribunal en son entier n'a pas pour effet de scinder l'instance en deux phases distinctes, de telle sorte que l'instruction qui a précédé le jugemnt ordonnant le transport ne serait plus nécessaire au jugement sur le fond. Au contraire, il ne constitue que la continuation de l'instruction déjà commencée au cours de la première audience (Rép. Crim., v° Instruction à l'audience, par Ah Ag, n° 643 ; Jurisclasseur d'intstruction criminelle, Art. 189, par M. Am Ai, nos 50 et 51).
La composition du tribunal doit donc être identique lors de la première audience, lors de la décision ordonnant le transport, lors de l'exécution de ce transport et lors du jugement sur le fond, à moins que le tribunal n'ait, en application du dernier al. de l'art. 298 C. Proc. Pén. repris, dans sa nouvelle composition, l'examen de l'affaire « en son entier ».