25-60/61 20 juin 1961 4802
Ac Ab Af et autres c/ société «Brasserie Excelsior».
Pourvoi contre une ordonnance du président du tribunal de première instance de Meknès du 27 juillet 1959.
(Extrait)
La Cour,
SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR
Attendu qu'après cassation par la Cour suprême d'une ordonnance rendue en dernier ressort par le président du tribunal de Fès et qui avait déclaré non recevable la demande des héritiers Aa Ad A Ae ayant pour objet la révision du prix du loyer du local à usage commercial occupé par leurs locataires, les consorts Af, le président du tribunal de Meknès, juridiction de renvoi, a, par ordonnance du 27 juillet 1959, rejeté l'exception de prescription soulevée par les locataires et ordonné une expertise afin de déterminer le montant du loyer ;
Attendu que les consorts Aa Ad A Ae soutiennent qu'ayant tacitement renoncé à leur opposer la prescription au cours de la procédure antérieure à l'arrêt de la Cour suprême, les consorts Af n'étaient pas recevables à soulever ce moyen pour la première fois devant la juridiction de renvoi, et en conséquence, ne le sont pas à fonder leur pourvoi sur une prétendue violation des textes relatifs à la prescription ;
Mais attendu que l'exception de prescription peut être soulevée en tout état de cause et même, pour la première fois, après cassation, devant la juridiction de renvoi, à moins que la partie qui l'invoque n'y ait antérieurement renoncé ; que si les consorts Af avaient conclu au fond au cours de la procédure suivie devant le président du tribunal de Fès il ne résulte d'aucune pièce de la procédure ni d'aucune mention de l'ordonnance rendue par ce magistrat qu'ils eussent renoncé à invoquer la prescription ;
D'où il suit que la fin de non-recevoir n'est pas fondée ;
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Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Hauw-Avocat général: M Bocquet-Avocat: Me Narboni.i.
Observations
Les moyens nouveaux qui ne sont pas d'ordre public ou de pur droit ne peuvent être invoqués pour la première fois devant le juge de cassation (v Besson, n 1126 et s et n 1263 et s) et cette règle s'applique aux moyens tirés de la prescription (Besson, n 936 et 979) ; en revanche les moyens nouveaux de fait ou de droit sont recevables devant la juridiction de renvoi (Besson, n 2424 et s), sous réserve des dispositions de l'art 23, al 2, Dh 27 sept 1957 qui imposent a celle-ci de «se conformer a la décision de la Cour suprême sur le point de droit tranché par cette Cour». Rien n'interdit, en conséquence, a une partie d'invoquer, après cassation, une exception de prescription qu'elle n'avait pas soulevée au cours de la procédure antérieure ; a moins bien entendu qu'elle y ait renoncé. Une telle renonciation peut être tacite, mais dans ce cas elle ne peut résulter
que d'un fait postérieur à l'expiration du délai (art 373 C obi Contr) et manifestant sans équivoque la volonté du débiteur de ne pas se prévaloir de la prescription (v notamment Civ 23 nov 1915, D.P 1921.1.27 ; Civ 25 janv 1937, D.H 1937.565 ; Civ 9 nov 1943, D.A 1944.37 et Rép civ, Vo Prescription civile, par Jean Radouant, n 543 et s).