Cassation sur le pourvoi formé par Ad Ab contre un jugement rendu le 10 novembre 1960 par le tribunal régional de Tanger qui l'a condamné pour délit d'escroquerie à une année d'emprisonnement avec surcis et 100000 francs d'amende, ainsi qu'à payer à Af Ae, partie civile, la somme d'un franc à titre de dommages-intérêts .
13 juillet 1961
Dossier n° 7565
La cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION DU DEMANDEUR, pris de la violation des
articles 207 du code pénal de Tanger, 252, 2°, et 253 du code de procédure pénale, et sur le moyen d'office pris par le ministère public de la violation des articles 402, 405 et 407 du code de procédure pénale et de l'excès de pouvoir ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il ressort des termes de l'article 403 susvisé que s'il s'avère que le fait dont il est
saisi sous la qualification de délit de police constitue un délit correctionnel, le tribunal du sadad doit se déclarer « incompétent et renvoyer la partie poursuivante à se pourvoir ainsi qu'elle avisera » ;
Attendu que cette disposition s'impose également au tribunal régional saisi de l'appel d'un jugement du tribunal du sadad, qu'en effet le tribunal régional statue alors non comme juridiction correctionnelle, mais comme tribunal d'appel en matière de délit de police, et n'a pas à ce titre plus de pouvoirs que le tribunal dont la sentence lui est déférée ;
Attendu que le tribunal régional de Tanger était saisi par le prévenu et par le ministère public d'appels dirigés contre un jugement du tribunal du sadad de cette ville qui avait déclaré Campbell coupable du délit de police d'abus de confiance et qui l'avait condamné à deux mois d'emprisonnement et 10 000 francs d'amende ainsi qu'à payer à Ae Af partie civile la somme d'un franc à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que par la décision déférée le tribunal régional de Tanger estimant que les éléments constitutifs de l'escroquerie se trouvaient réunis, a disqualifié la poursuite dirigée contre Campbel, a retenu contre celui-ci non le délit de police d'abus de confiance mais le délit correctionnel d'escroquerie, et jugeant en dernier ressort l'a condamné à un an d'emprisonnement avec surcis et 100000 francs d'amende ;
Attendu qu'en statuant ainsi le tribunal régional de Tanger a violé les dispositions visées au moyen, a privé le prévenu du double degré de juridiction et a excédé ses pouvoirs ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen,
Casse et annule entre les parties au présent arrêt le jugement du tribunal régional de Tanger du 10 novembre 1960 ;
Pour être statué à nouveau conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant le même tribunal autrement composé. Président : M.Deltel-Rapporteur : M.Zehler-Avocat général : M.Ruolt-Avocat : Me Sorger .
Observation
Aux termes de l'art 403 c.proc .pén, « s'il s"avére que le fait constitue un délit correctionnel ou
un crime, le tribunal » (de paix ou le tribunal du sadad) « se déclare incompétent et renvoie la partie poursuivante à se pourvoir ainsi qu'elle avisera.S"il y a lieu, il décerne immédiatement contre le prévenu un mandat de dépôt ou d"arret ».
L'art.193, al.1er, de l'ancien c.instr.crim.prévoyait que « si le fait est de nature à mériter une peine affictive ou infamante, le tribunal (correctionnel) pourra décerner de suite le mandat de dépôt ou le mandat d"arrêt et il reverra le prévenu devant le juge d"instruction compétent ».
Ces dispositions constituent une application de la règle selon laquelle une juridiction ne peut pas connaître des infractions supérieures en gravité à celles pour lesquelles elle a été instituée .
Les règles de compétence en matiére criminelle sont d'ordre public (le poittevin, Art 63, n° 54 s, 179, n° 6 s, 193, n° 15 s, Rép.crim, v° compétence, par Ac Aa, n° 13 s, Donnedieu de Vabres, n° 1184, Bouzat et pinatel, 2, n° 1162 s, stéfani et Levasseur, 2, n° 450, vitu, pp ioi s, crim 27 nov 1936, dh 1937 38, 8 mai 1947, d 1947 314), bien qu'il y soit fréquemment porté atteinte par la « correctionnalisation » (v à ce sujet, jean-charles Laurent, la correctionnalisation (les problémes de fond), J.C.P 1950 I 852 et procédure pénale et correctionnalisation , J.C.P 1952 I 877).
L'art 403 c proc pén, comme l'ancien art 193, al 1er, c instr.crim, doit être appliqué par la juridiction d'appel (v.crim 8 janv 1937, dh 1937 .167) ,sous réserve que le sort du prévenu ne soit pas aggravé sur son seul appel.
Lorsque le tribunal de paix ou le tribunal du sadad a été saisi d'un délit de police et que le tribunal de première instance ou le tribunal régional disqualifie, en appel, l'infraction en délit correctionnel, il doit se déclarer incompétent et renvoyer la partie poursuivante à se pourvoir ainsi qu'elle avisera.Si la saisine résulte au contraire d'une ordonnance de renvoi du juge d'instruction, il y a lieu, en application des dispositions de l'art 264 c proc.pén, à règlement de juges par la cour d'appel, juridiction supérieure commune à celles dont les décisions contradictoires forment le conflit .