1-61/62
Ab Ae Aa c/ Ac Ad
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 14 novembre 1958.
La Cour,
SUR LES DEUX MOYENS REUNIS:
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué (Rabat 14 novembre 1958) que dame Ad Ac épouse Rolland a remis ou fait remettre à Ab à titre de prêt une somme de 200000 francs le 11 juillet 1953 et une somme de 1000000 de francs le 23 septembre 1953 ; que Ab a refusé en 1955 de lui rembourser ces sommes en allégant qu'elles les avait prêtées à la société dont il était le gérant et non à lui-même ; que le tribunal de Casablanca: devant lequel elle l'a assigné après l'avoir mis en demeure, a ordonné une expertise ;
Attendu que Ab fait grief à la Cour d'appel d'une part d'avoir en violation de l'article 236 du dahir de procédure civile, statué au fond en évoquant, alors qu'il n'y avait pas lieu à évocation en raison de ce que l'affaire n'était pas en état, les premiers juges ne s'étant pas prononcés sur le fond, d'autre part d'avoir renversé la charge de la preuve en le condamnant à rembourser le montant des deux prêts au motif qu'il ne rapportait pas la preuve qu'ils ne le concernaient pas personnellement, alors qu'il résultait des dispositions de l'article 399 du dahir des obligations et contrats qu'il incombait à dame Rolland de prouver que c'était bien à lui et non à la société qu'elle avait consenti ces prêts ;
Mais attendu d'une part que la juridiction d'appel a le droit d'évoquer dans tous les cas où, comme en l'espèce, les premiers juges n'ont pas statué au fond et où leur décision avant dire droit est infirmée ; que d'autre part dame Rolland rapportait la preuve qu'elle avait remis les sommes litigieuses à Ab et ce à titre de prêt ; qu'il appartenait donc à Ab pour faire échec à cette preuve, d'établir que les fonds qu'il avait reçus étaient destinés à la société dont il était le représentant et non à lui-même ; qu'ayant souverainement apprécié les présomptions qu'il invoquait et qu'elle a jugées insuffisantes, la Cour d'appel a légalement motivé sa décision en constatant qu'il ne «faisait pas la preuve les versements litigieux ne le concernaient pas mais avaient été faits à la société» ;
Qu'il suit de là qu'aucun des griefs du pourvoi ne peut être retenu ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Hauw-Avocat général : M Neigel-Avocats: MM Guy Lafuente, Laugier.
Observations
I-le demandeur au pourvoi soutenait qu'il n'y avait pas lieu à évocation puisque les premiers juges n'avaient pas statué sur le fond. C'était méconnaître les règles de l'évocation: en effet, si la juridiction du premier degré avait statué au fond, la Cour d'appel n'aurait pas eu lafaculté d'évoquer, mais l'effet dévolutif de l'appel lui aurait imposél'obligationde connaître de l'ensemble du litige.,
Sur les conditions auxquelles est soumis le droit d'évocation, vsupra, note sous l'arrêt n 93.
II-L'art. 399 C obl. Contr dispose que «la preuve de l'obligation doit être faite par celui qui s'en prévaut» ; la créancière demanderesse à l'instance avait rapporté cette preuve puisqu'il était établi et non contesté qu'elle avait remis les fonds à titre de prêt au défendeur. Il convenait donc d'appliquer les dispositions de l'art 400 C obl Contr aux termes duquel «lorsque le demandeur a prouvé 1'existence de l'obligation, celui qui affirme qu'elle ne lui est pas opposable doit le prouver».