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24/10/1961 | MAROC | N°C11

Maroc | Maroc, Cour suprême, 24 octobre 1961, C11


Texte (pseudonymisé)
11-61/62
Ab Ac c/ compagnie d'assurances «l'Alliance Africaine».
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 24 janvier 1959.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SES DIFFERENTES BRANCHES:
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Rabat 24 janvier 1939) que Ac Ab, gérant de la société à responsabilité limitée «Capana» ayant été victime d'un accident alors qu'il se trouvait dans l'exercice de ses fonctions, a réclamé à ladite société, substituée par la compagnie d'assurances «L'A

lliance Africaine», le paiement de la rente prévue par le dahir du 25 hijja 1345 (25 jui...

11-61/62
Ab Ac c/ compagnie d'assurances «l'Alliance Africaine».
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 24 janvier 1959.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SES DIFFERENTES BRANCHES:
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Rabat 24 janvier 1939) que Ac Ab, gérant de la société à responsabilité limitée «Capana» ayant été victime d'un accident alors qu'il se trouvait dans l'exercice de ses fonctions, a réclamé à ladite société, substituée par la compagnie d'assurances «L'Alliance Africaine», le paiement de la rente prévue par le dahir du 25 hijja 1345 (25 juin 1927) relatif à la réparation des accidents du travail ; que la décision déférée lui a refusé le bénéfice de cette législation et l'a débouté de sa demande ;
Attendu que Ab fait grief à la Cour d'avoir, par fausse application de la loi, défaut de motif et de base légale, dénaturation de clauses claires et précises, ainsi statué aux motifs que Ab, aux termes des dispositions de l'article 24 dahir du 1er septembre 1926 sur les sociétés à responsabilité limitée, est un mandataire jouissant, dans l'exécution de son mandat, d'une indépendance exceptionnelle, exclusive de tout lien de subordination, et qu'en déclarant dans la police d'assurances comme salaires approximatifs de ses employés la somme de 4000000 de francs la société «Capana» a nettement manifesté son intention d'en exclure son «administrateur» qui a gagné pour les deux années précédentes respectivement 8363606 francs et 12197765 francs, alors d'une part, que la condition juridique du gérant n'est pas incompatible avec l'existence d'un contrat de louage de service pour le travail qu'il effectue moyennant une rémunération, d'autre part, que la déclaration de la somme de 4000000 de francs était seulement destinée au calcul de la provision prévue à l'article 5 de la police, la prime ayant été par la suite calculée en fonction de déclarations trimestrielles comprenant le gérant, alors enfin que la société «Capana» en se prévalant de ce que la compagnie d'assurances avait réglé à Ab une partie des frais pharmaceutiques, avait de ce fait demandé l'application de l'article 17 de l'arrêté viziriel du 28 novembre 1934 ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé «que Ab est gérant et associé de la société à responsabilité limitée «Capana» puisqu'il résulte des termes du contrat de société qu'il est détenteur de 3875 parts sur 10000 et qu'il a été désigné pour administrer la société sans limitation de durée avec les pouvoirs les plus étendus» et ayant considéré à bon droit «que le gérant, qu'il soit rémunéré ou non, est un mandataire qui, dans l'exécution de son mandat, jouit d'une indépendance exceptionnelle puisque tant la loi que les statuts de la société lui confèrent les pouvoirs les plus étendus, et que cette indépendance est exclusive du lien de subordination qui caractérise le louage de services», la Cour d'appel a, par cette considération, exclu l'existence d'un tel contrat entre Ab et la société «Capana» ;
Attendu d'autre part, que l'unique déclaration trimestrielle de salaires produite vise «le personnel» de la société «Capana», qu'enfin les juges du fond, qui ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, appliquant les clauses claires et précises du contrat d'assurances établi au profit des «employés» et du «personnel» de la société «Capana», énoncent, à juste titre que cette police ne concerne pas le gérant qui n'est pas lié à la société par un contrat de louage de services ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué, régulièrement motivé et exempt de dénaturation, fait une juste application de la loi et donne une base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: M Azoulay-Avocat général: M AB C Aa, Cohen.
Observations
I-Le gérant statutaire d'une société à responsabilité limitée n'est en principe qu'un mandataire, et, même salarié, il ne bénéfice pas de la protection de la législation sur les accidents du travail puisqu'il ne figure pas parmi les personnes énumérées aux art 7 à 12 Dh 25 juin 1927 tel que modifié en la forme par Dh 6 févr 1963 ; il ne peut en être autrement que dans la mesure où ce gérant est lié à la société par un contrat de travail.
En pratique il est parfois difficile en présence d'une situation déterminée de décider s'il s'agit d'un contrat de travail ou d'un mandat salarié, car les deux critères qui les distinguent sont d'application malaisée: Le mandataire salarié a pour mission d'accomplir des actes juridiques tandis que le directeur lié par un contrat de travail est chargé d'exécuter des actes matériels ; cependant, le fondé de pouvoir d'une société, quoiqu'employé salarié, a qualité pour accomplir des actes juridiques. D'autre part, le mandataire jouit d'une plus grande indépendance que l'agent de direction ; mais les employés supérieurs ont parfois une réelle indépendance, notamment ceux qui sont chargés de mission (v Rép Soc, V° Contrat de travail, n 35, 51 à 54).
En l'espèce cependant, aucune équivoque n'était possible; en constatant que le gérant statutaire jouissait d'une indépendance absolue et avait les pouvoirs les plus étendus, la Cour d'appel écartait nécessairement l'existence du lien de subordination qui est la caractéristique essentielle du contrat de travail (v Rép. soc, V° Contrat de travail, n 1).
Il Les contrats d'assurance sont d'interprétation stricte ; limitée selon la police aux accidents survenus «au personnel» et aux «employés» de la société, la garantie de l'assureur n'aurait pu sans dénaturation être étendue à une personne non liée à cette société par un contrat de travail.
III-V supra, note sous l'arrêt n°21.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C11
Date de la décision : 24/10/1961
Chambre civile

Analyses

1°ACCIDENT DU TRAVAIL-Travailleurs protégés-Gérant statutaire d'une société Contrat de travail.2°CONTRATS ET CONVENTIONS-Clauses claires et précises-Contrat d'assurances. 3°JUGEMENTS ET ARRETS-Motivation-Conclusions des parties-Défaut de réponse n'entraînant pas la nullité-Simples arguments.

1°Ecarte à bon droit l'existence d'un contrat de louage de services entre une société à responsabilité limitée et son gérant statutaire rémunéré, et refuse à juste titre de faire bénéficier ce gérant de la législation sur les accidents du travail, l'arrêt qui constate que ce mandataire jouissait des pouvoirs les plus étendus et d'une indépendance absolue exclusifs de tout lien de subordination.2°Lorsque le gérant statutaire d'une société à responsabilité limitée n'était pas lié à celle-ci par un contrat de louage de services, ne dénature pas les clauses claires et précises de la police d'assurances souscrite par cette société contre les accidents du travail survenus à son «personnel» et à ses «employés», l'arrêt qui déclare exclu de la garantie l'accident subi par ce gérant.3°Les juges ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1961-10-24;c11 ?
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