Cassation sur les pourvois formés par Ah Af et " The Ai Ac Ae Ad" contre un jugement rendu le 14 mars 1961 par le tribunal de première instance de Rabat qui a confirmé un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud du 21 décembre 1955 en ce qu'il avait déclaré surseoir à statuer sur l'action civile de De Aa A'à solution de la procédure d'accident du travail, mais, l'infirmant partiellement, a partagé dans la proportion de deux tiers au prévenu Ab Ag et d'un tiers à la victime la responsabilité de l'accident et a alloué à De Aa une somme de 2724, 97 dirhams.
2 novembre 1961
Dossier n°s 7912 et 7914
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION pris de la violation de l'article 7 du dahir du 25 juin 1927 relatif à la réparation des accidents du travail, défaut ou contradiction de motifs :
Attendu que, tant que la procédure d'accident du travail n'est pas terminée ou prescrite, l'alinéa premier dudit article 7 prohibe toute décision judiciaire statuant sur l'action en réparation de son préjudice que la victime aurait intentée selon les règles du droit commun contre le tiers auteur de l'accident qu'en conséquence sont prohibées par ce texte, pendant la durée de la procédure d'accident du travail, les décisions partageant la responsabilité de l'accident entre la victime et le tiers auteur de cet accident ; qu'il en est de même des décisions condamnant au remboursement des indemnités ou frais énumérés aux articles 3 et 5 du dahir précité, une telle condamnation ne pouvant, en application du douzième alinéa de l'article 7 du même dahir, intervenir que dans les conditions prévues pour les autres éléments du préjudice ;
Attendu que, par la décision partiellement confirmative attaquée, le tribunal du première instance de Rabat a déclaré, en exécution des dispositions du premier alinéa de l'article 7 précité y
avoir lieu, jusqu'à la solution de la procédure d'accident du travail, de surseoir à statuer sur la demande en indemnisation introduite selon les règles du droit commun par De Aa, victime de l'accident, contre Sebagh tiers auquel il imputait la responsabilité de cet accident et contre l'employeur de celui-ci et son assureur ; qu'en dépit de cette déclaration de sursis à statuer, ledit tribunal a néanmoins procédé au partage de la responsabilité civile de l'accident entre Sebagh et De Aa, puis a alloué à ce dernier une indemnisation afférente aux salaires et frais énumérés aux articles 3 et 5 du dahir du 25 juin 1927 ;
Qu'ainsi les juges du fond n'ont pu prononcer, antérieurement à la solution de la procédure d'accident du travail, un partage de responsabilité et une condamnation relative aux salaires et frais susvisés, sans contredire leur propre déclaration de sursis à statuer et sans appliquer faussement les dispositions d'ordre public de l'article 7 visé au moyen ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen,
Casse et annule entre les parties au présent arrêt le jugement rendu le 14 mars 1961 par le
tribunal de première instance de Rabat, en ce qu'il a statué sur l'action civile intentée par De Bonardi.i.
Président : M Deltel.- Rapporteur : M.Zehler.-Avocat général : M.Ruolt.- Avocats : MM.Lévy,Lorrain, Bernaudat.
Observations
Aux termes de l'art.7 dh.25 juin 1927 relatif à la réparation des accidents du travail, modifié par dh.13 août 1955 : " Indépendamment de l'action résultant du présent dahir, mais à condition que cette action soit terminée ou qu'elle ait été prescrite, la victime ou ses ayants droit conservent contre les auteurs de l'accident autres que l'employeur ou ses préposés, le droit de réclamer, conformément aux règles du droit commun, la réparation du préjudice causé." .
Le douzième al. du même art. prévoit que : " En sus des rentes, le tiers reconnu responsable pourra être condamné à payer ou à rembourser à la victime ou à ses ayants droit, à l'employeur ou à l'assureur, en tout ou partie et dans les conditions ci-dessus indiquées : a) les autres indemnités et frais prévus aux articles 3 et 5 ci-dessus, le paiement ou le remboursement de ces indemnités et de ces frais pouvant être effectué d'après des bases supérieures à celles prévues par le dahir, sans pouvoir cependant excéder le montant réel de la rémunération ou le montant réel des frais : b) les frais résultant de dommage matériels" .
L'al.1er de l'art.7 a été modifié par Dh 17 mai 1960, qui prescrit que : " Indépendamment de l'action résultant du présent dahir, la victime ou ses ayants droit conservent contre les auteurs de l'accident le droit de réclamer, conformément aux règles du droit commun, la réparation du préjudice causé. pour être recevable, l'action en responsabilité délictuelle devra être formée dans les trois ans de l'accident, mais le tribunal saisi de cette action doit surseoir à statuer jusqu'à ce que l'action résultant du présent dahir soit terminée à moins qu'elle ne soit prescrite" .
Cette nouvelle disposition a, aux termes mêmes de l'art.17 du dahir du 17 mai 1960, " un caractère interprétatif" .
Il résulte des dispositions de l'art.7 précité que la victime d'un accident, qui bénéficie de la législation sur les accidents du travail, peut agir en réparation de son préjudice, selon les règles du droit commun, contre le tiers auteur de cet accident. Elle a notamment qualité pour se constituer partie civile devant la juridiction répressive, mais aucune décision judiciaire ne peut intervenir sur son action civile tant que la procédure d'accident du travail n'est pas terminée ou prescrite.
La Cour suprême a, par arrêt n°978 du 21 déc.1961, publié dans ce volume, confirmé la jurisprudence de l'arrêt ci-dessus rapporté.