Toutefois, un accusé est sans qualité pour prétendre, en l'absence de contestation de son coaccusé, que le tribunal n'aurait pas reconnu à ce dernier sa véritable nationalité. Il ne peut donc contester l'apatridie de son coaccusé, alors que cette apatridie, revendiquée par ce dernier au cours de l'information contradictoire, ne pouvait plus être déniée même par ce coaccusé devant le tribunal criminel, en application de l'article 37 du dahir du 6 septembre 1958 duquel il résulte qu'en matière de crimes relevant de la compétence des tribunaux criminels ordinaires, toute exception de nationalité ne peut être soulevée que devant la juridiction d'instruction.
Rejet du pourvoi formé par Ab Ag contre un jugement rendu le 13 juillet 1961 par le tribunal criminel de Rabat qui l'a condamné à dix années de réclusion pour vol qualifié.
30 novembre 1961
Dossier n°8420
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION , pris " de la violation des articles 434, 436, 445
et 468 du Code de procédure pénale, 12 et 13 du dahir du 20 septembre 1958 sur l'assessorat en matière criminelle, violation des formes substantielles de procédure, violation de la loi et manque de base légale,
" En ce que le tribunal criminel de Rabat a été constitué pour juger et condamner Grasso, outre le président et les magistrats assesseurs, par quatre assesseurs jurés tous de nationalité marocaine,
" Au seul motif qu'il n'existe pas de liste d'assesseurs jurés de nationalité italienne, nationalité qui est celle de Grasso.
" Alors que son coaccusé Ac, à tort qualifié par le jugement d'apatride, étant en réalité de nationalité française, le tribunal criminel aurait dû comprendre, aux termes de l'article 13, paragraphe 4, du dahir sur l'assessorat, au moins un assesseur juré de nationalité française" :
Vu lesdits articles, et l'article 37 du dahir du 6 septembre 1958 duquel il résulte qu'en matière de crime relevant de la compétence des tribunaux criminels ordinaires toute exception de nationalité ne peut être soulevée que devant la juridiction d'instruction ;
Attendu que la composition du tribunal criminel est d'ordre public ; qu'une composition de ce tribunal non conforme aux règles sur l'assessorat porte préjudice à chacun des coaccusés traduits devant elle ;
Attendu en conséquence qu'un coaccusé est en droit de se prévaloir personnellement d'une désignation des assesseurs jurés qui se trouve irrégulière eu égard à la nationalité admise par le tribunal criminel pour un autre coaccusé ; que toutefois un coaccusé est sans qualité pour prétendreen
l'absense de contestation de son coaccusé, que le tribunal n'aurait pas reconnu à ce dernier sa véritable nationalité ;
Attendu dés lors que Grasso n'a pas qualité pour contester l'apatridie de son coaccusé Ac, alors que cette apatridie, revendiquée par Ac au cours de l'information contradictoire, ne pouvait plus être déniée, même par Ac, devant le tribunal criminel en application de l'article 37 du dahir précité du 6 septembre 1958 ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Attendu d'autre part que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité et que les faits souverainement constatés justifient la qualification et la peine ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M.Deltel.- rapporteur: M. Af. - Avocat général :M.Ruolt. - Avocat : M. Ae.e.
Observations
L'art.13 DH.20 sept.1958 sur l'assessorat en matière criminelle, qui a été abrogé par l'art.5, 2°, dh.18 sept.1962, prévoyait que : «.Si les accusés sont tous étrangers, mais de nationalités différentes, le jury comprend deux assesseurs jurés marocains et deux assesseurs jurés étrangers ainsi choisis : si les accusés sont de deux nationalités différentes, le jury conprend un assesseur juré de chaque nationnalité . Dans tous les cas prévus au présent article, s'il n'a été dressé aucune liste de jurés de la nationalité de l'accusé ou si l'accusé le désire, les jurés qui devaient appartenir à sa nationalité sont choisis parmi les jurés marocains" .
Malgré l'abrogation de ce texte par le dahir du 18 sept.1962, qui a attribué compétence exclusive aux tribunaux régionaux, constitués en tribunaux criminels avec l'adjonction de quatre assesseurs marocains, pour connaître de tous les faits qualifiés crimes, l'arrêt susvisé présente toujours un intérêt, celui de rappeler que la composition des juridictions est d'ordre public (V. Les arrêts n°s 657 du 2 juin 1960, Rec.Crim.t.1.290 ; 664 du 9 juin 1960, ibid.300 ; 889 du 15 juin 1961, Rec.Crim.t.2.271 ; Crim.19 janv.1954, Gaz.Pal.1954.1.363 ; Faye, n°132 ; Rép. pr. civ, V° Cassation par Aa Ad, N°1205) et qu'une composition irrégulière étant de nature à porter atteinte aux droits de la défense (Arrêts n°s 657 et 664 précités), tout accusé est en droit de s'en prévaloir.