Cassation sur les pourvois formés par Ad Ab et neuf autres prévenus contre un jugement rendu le 13 juillet 1961 par le tribunal de première instance de Marrakech qui, après avoir infirmé une décision du tribunal de paix de safi, a déclaré nulles les poursuites engagées devant cette juridiction et a renvoyé le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera.
7 décembre 1961
Dossiers n°8534 à 8543
La Cour,
Attendu que les déclarations de pourvoi, souscrites le 13 juillet 1961 par Me Hodara au nom de chacun des dix demandeurs, énoncent succinctement les dispositions critiquées, mais ne comportent aucune restriction de nature à limiter l'objet des recours à une partie déterminée du dispositif du jugement d'appel attaqué ; que dès lors, en application de l'article 585 (dernier alinéa) du code de procédure pénale, les pourvois des demandeurs soumettent à la cour suprême l'ensemble de ce jugement ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la «violation, fausse application et fausse interprétation des articles 79 et 79 bis du dahir du 12 novembre 1932 relatif au régime des tabacs" :
Vu lesdits articles, qui disposent notamment qu'après établissement d'un procès-verbal relevant les circonstances des infractions à ce dahir, " les prévenus seront arrêtés et mis le plus tôt possible en rapport avec l'entreposeur des tabacs" et " qu'à défaut de transaction les prévenus seront conduits sur- le-champ devant le ministère public près le tribunal de paix" ;
Attendu que les prévenus font valoir que c'est sur leur demande expresse que leur présentation à l'officier du ministère public a été retardée ;
Attendu qu'afin de laisser aux intéressés le temps nécessaire à la conclusion d'une transaction,
les dispositions légales précitées n'édictent, pour les opérations antérieures à la comparution devant le ministère public, aucun délai de rigueur dont l'inobservation soit sanctionnée par la nullité de la procédure judiciaire consécutive à cette comparution ;
D'où il suit que les juge d'appel n'ont pu, sans se méprendre sur la portée des dispositions précitées, déclarer les poursuites nulles au motif qu'antérieurement à la comparution devant le ministère public, les délais n'auraient pas été respectés ;
Que dès lors le jugement attaqué encourt la cassation sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen présenté par les demandeurs, ou le moyen soulevé d'office par le ministère public ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, entre les parties au présent pourvoi et en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de première instance de Marrakech, en date du 13 juillet 1961.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. carteret.-Avocat général : M. Aa.a.
Observations
- Sur le premier point-aux termes de l'art. 585 C. proc. Pén. :
" La déclaration de pourvoi opère seule saisine de la cour suprême."
" Cette saisine est limitée par l 'objet du pourvoi et par la qualité de son auteur."
......................................
" Le recours du condamné, sauf restrictions dans la déclaration de pourvoi, soumet à la cour suprême la décision rendue tant sur l'action public que sur l'action civile, en ce qu'elle le concerne personnellement" .
V., dans le même sens que la décision rapportée, l'arrêt n°669 du 16 juin 1960, Rec. Crim. T. l. 303 ; cf. Crim., V° Cassation, par Ae Ac, n°256.
II- Sur les deuxième, troisième et quatrième points. -aux termes de l'art. 79 DH. 12 nov. 1932 relatif au régime des tabacs au Maroc : " . les prévenus seront arrêtés et mis le plus tôt possible en rapport avec l'entreposeur des tabacs de la circonscription, auquel seront remises deux copies du procès-verbal."
" La régie à laquelle appartient l 'initiative des poursuites pourra, soit transiger, soit poursuivre sur les procès - verbaux relevant des infractions au présent dahir" .
L'art. 79 bis, ajouté par le DH. 18 févr. 1937, prévoit que : «A défaut de transaction, les prévenus seront conduits sur-le-champ devant le ministère public près le tribunal de paix du lieu de l'arrestation, qui délivrera contre eux un ordre d'écrou" .
Ces textes n'édictent, pour les opérations antérieures à la comparution du prévenu devant le ministère public, aucun délai de rigueur dont l'inobservation soit sanctionnée par la nullité de la procédure judiciaire consécutive à cette comparution.