Cassation sur le pourvoi formé par la société CICEX contre un arrêt rendu le 6 juin 1961 par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rabat disant n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs de faux et de soustraction de pièce dans un greffe, sur la plainte avec constitution de partie civile de ladite société.
14 décembre 1961
Dossier n°8256
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de ce qu'il n'a pas été statué sur tous les chefs d'inculpation relevés par la partie civile :
VU l'article 574 (alinéa 2) du Code de procédure pénale, qui permet à la partie civile de se pourvoir contre un arrêt de non-lieu lorsque cet arrêt a omis de statuer sur un chef d'inculpation ;
Attendu que la notification d'une décision judiciaire comporte la remise sous pli fermé d'une expédition de cette décision et d'une copie conforme de l'ordonnance prescrivant la notification, remise qui est constatée par un certificat de l'agent notificateur indiquant à qui et à quelle date le pli a été remis ;
Attendu que la plainte avec constitution de partie civile de la société C.I.C.E.X. visait un faux intellectuel qui aurait été commis dans un certificat de remise du 11 juillet 1959 concernant la notification d'un jugement avant dire droit rendu en matière commerciale le 22 janvier 1959 par le tribunal de première instance de Casablanca ; qu'il était allégué dans la plainte que la mention du certificat de remise, affirmant la notification d'une expédition de ce «jugement A.D.D." , serait fausse comme dénaturant la substance de la pièce notifiée puisque seule une copie non signée aurait été contenue dans le pli fermé remis par l'agent notificateur ; que le juge d'instruction ayant rendu une ordonnance de non-lieu, la partie civile faisait appel devant la chambre d'accusation, en précisant dans ses conclusions du 30 mai 1961 que la plainte déposée «visait la mention du certificat de remise" et non les omissions de la «feuille dactylographiée dite à tort expédition du jugement" ;
Attendu dès lors qu'il incombait aux juges du fond d'examiner et décrire la mention ainsi arguée de faux du certificat de remise, de rechercher si elle avait la portée que lui attribuait la plaignante, et d'en déterminer éventuellement l'auteur ;
Attendu que ne comportent de constations à égard, ni l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, qui relativement au certificat de remise s'est bornée à indiquer que la certification par l'agent notificateur de la remise du pli de notification était exacte puisque le pli avait été effectivement remis, ni l'arrêt de la chambre d'accusation, qui d'une part fait seulement état de la teneur des documents contenus dans le pli notifié, et qui d'autre part a cru devoir déclarer «sans intérêt" et donc écarter comme inopérant à l'égard de l'action publique le décès de Ae Aa bien que constatant que cette dactylographe assermentée aurait mis les expéditions «en état de notification" , ce qui laisserait supposer qu'elle avait porté en marge du certificat de remise la mention «jugement A.D.D." Critiquée ;
Attendu en conséquence que la chambre d'accusation a omis de statuer sur le faux intellectuel dont était arguée la mention susvisée du certificat de remise du 11 juillet 1959 ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens,
Casse et annule entre les parties au présent arrêt l'arrêt rendu le 6 juin 1961 par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rabat.
Président : M. DELTEL.- Rapporteur : M Zehler.- Avocat général :M. RUOLT.-Avocat : Me J.-Ch.Legrand.
Observations
Aux termes de l'art. 574, al. 3, C.proc. pén. : «la partie civile ne peut se pourvoir contre un arrêt de non-lieu que lorsque cet arrêt. a omis de statuer sur un chef d'inculpation."
Ce droit était déjà reconnu à la partie civile par l'al. 5 de l'art. 416 de l'ancien C. instr. Crim, modifié par le décret-loi du 8 août 1935, r. a. Dh.4 juil 1938.
Les inculpations dont il s'agit s'entendent seulement de celles visées par la plainte avec constitution de partie civile ou par les réquisitions du ministère public (Crim. 10 févr. 1949, B.C. 58 ; 24 févr. 1949, BC. 71 ; 12 janv. 1950, 129 et le rapport de M. Ab A ; 30 déc. 1952, D. 1953. 187 ;10 mars 1959, d. 1959, somm. 83 ; 26 janv. 1960, B.C. 41 ; 12 mai 1960, B.C. 41 ; 12 mai 1960, B.C. 258 ; 25 jan. 1961, d. 1961, somm. 82 ; 11 déc. 1962, J.C.P.1963. IV.5).
Il y a, par exemple, omission de statuer, rendant recevable le pourvoi de la partie civile contre un arrêt de non-lieu de la chambre d'accusation, lorsque cette juridiction, saisie de plusieurs faits, ne statue que sur l'un d'eux (Crim. 12 janv. 1950 précité ; V. l'arrêt n°1032 du 15 févr. 1962 publié dans ce volume et Rev. Science crim. 1959.p.142, n°1, chronique de M. Ab A ; 1960, p. 89, n°1 et p. 480, n°2, chroniques de M. Ad Ac).
En l'espèce, la chambre d'accusation avait omis de statuer sur le faux intellectuel dont était arguée la mention figurant sur un certificat de remise concernant la notification d'un jugement. le pourvoi de la partie civile contre l'arrêt de non-lieu était donc recevable et la chambre d'accusation devait être cassée.