Cassation sur le pourvoi formé par Ad Ab contre un jugement rendu le 22 décembre1960 par le tribunal de première instance de Meknès qui a décidé que la responsabilité d'un accident de la circulation incombait pour moitié à Ad Ab, partie civile, et pour moitié au prévenu Ae Ac Ag Ac Af.
21 décembre1961
Dossier n°7219
La Cour,
SUR LE MOYEN PREALABLE RELEVE D'OFFICE, et pris de la composition irrégulière de la juridiction :
Attendu que, Sur pourvoi de la partie civile, les moyens touchant l'ordre public peuvent être relevés d'office ;
Attendu que sont entachés de nullité les jugements rendus par des tribunaux irrégulièrement composés : qu'une même personne ne pouvant être juge et partie dans un même litige, l'exercice des
fonctions du ministère public en première instance est incompatible avec celui des fonctions de juge d'appel du même procès pénal ;
Attendu que des énonciations du jugement d'appel attaqué et du jugement par lui partiellement infirmé, il résulte qu'après avoir exercé les fonctions d'officiers du ministère public lors du jugement du tribunal de paix de Meknès qui avait statué sur les poursuites pénales intentées contre Ae Ac Ag Ac Af, M.R. a participé comme magistrat du siège à la composition du tribunal de première instance de la même ville qui a jugé l'affaire en cause d'appel ;
Attendu dès lors, qu'en raison de la composition irrégulière du tribunal l'ayant rendu, doit être constatée la nullité du jugement d'appel attaqué, qui encourt d'autre part la cassation pour avoir statué sur le partage de responsabilité en violation des dispositions d'ordre public de l'article 7 du dahir du 25 juin1927 prohibant, tant que la procédure d'accident du travail n'est pas terminée, l'examen de l'action civile intentée selon les règles du droit commun contre le tiers auteur de l'accident ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens présentés par le demandeur,
Casse et annule en toutes ses dispositions, entre les parties au présent arrêt, le jugement rendu le 22 décembre1960 par le tribunal de première instance de Meknès.
Président : M. Ai. - Rapporteur : M. Ah. - Avocat général : M. Aa. - Avocats : M M.Portet, Ailhaud, Beauclair.
Observations
I. - Sur le premier point. - v. la note (1) Sous l'arrêt n°733 du 3 nov.1960 Rec. Crim. t. 2. 42.
II.-Sur les deuxième, troisième et quatrième points. - Les fonctions du ministère public sont incompatibles avec celles de juge. Cette incompatibilité, qui n'est pas formulée par la loi, résulte de la nature même de ces fonctions et du principe de justice qui ne permet pas qu'un magistrat puisse être dans la même affaire juge et partie poursuivante. Elle a toujours été affirmée par la jurisprudence et par les auteurs (Crim.30 sept.1826, B.C 195 ; 13 sept.1827, B.C. 237 ; 22 mai 1828, B.C. 153 ; 5 déc. 1850, B.C. 410 ; 3 mars 1859, D.P. 1860. 5.399. ; 24 mars 1860 D.P. 1863. 5. 388 ; 29 Avr.1864, D.P 1864.1.453 ; 26 déc.1873, D.P.1874.1.232 ; 16 déc.1875, D.P. 1877.1.413 ; 25 sept.1884, B.C.284, 5 déc.1903 ; B.C.411 ; 17 févr.1912, D.P. 1913.1.375 ; 1er févr.1918, S.1922.1.283 ; 23 févr.1944, D.A. 1944.68 ; 4 juil.1952, Gaz. Pal. Tables 1951-1955, v° Tribunaux, n°93 ; Garraud, 2, tome 4, n°1287 ; Le Poittevin, Art. 257, nos 42 s ; Rép. Crim, V° Récusation, par Guy Chavanon, n°12 ; Le Poittevin, Dictionnaire-formulaire des parquets, V° Ministère public, n°13).
III. - Sur les cinquième, sixième et septième points. - V. la note sous l'arrêt n°939 du 2 nov.
1961.