Rejet du pourvoi formé par Aa Ab contre un jugement rendu le 14 février 1961 par la Cour d'appel de Rabat confirmant un jugement du tribunal de première instance de Marrakech du 7 juillet 1960 qui, après avoir prononcé l'acquittement de Ac et de Magnie du chef de dénonciation calomnieuse, a mis hors de cause la société des mines de Djebilet, citée comme civilement responsable, et s'est déclaré incompétent pour statuer sur la constitution de partie civile de Aa.
4 janvier 1962
Dossier n°7378
La Cour,
Sur l'exception d'irrecevabilité du pourvoi, soulevé par les défendeurs, et tirée de ce que le mémoire du demandeur aurait été tardivement produit :
Attendu que, par application de l'article 764 du Code de procédure pénale de délai de vingt jours imparti par l'article 579 du même Code pour le dépôt du mémoire exposant les moyens de cassation du demandeur est un délai " franc" , dans le calcul duquel ne comptent «ni le jour initial, ni celui de l'échéance" ;
Attendu que la déclaration de pourvoi ayant été souscrite le 22 février 1961, mois comportant vingt-huit jours seulement, le mémoire du demandeur, déposé le 15 mars 1961, dernier jour utile du délai, n'a pas été tardivement produit ;
Que dès lors le pourvoi, qui satisfait par ailleurs aux autres conditions légales requises, se trouve recevable ;
Sur le premier moyen de cassation, en ses deux branches, pris de la " violation des formes substantielles de la procédure, violation de la loi, violation des articles 367, 394, 419, 347 et 306 du Code de procédure pénale, en ce que la société des Mines de cuivre de Djebilet, citée en première instance comme civilement responable n'a pas été citée à comparaître à l'audience de la Cour d'appel et que l'arrêt attaqué ne mentionne ni sa comparution ni son défaut et ne mentionne pas qu'elle ait exposé sa défense, alors que l'article 367 du Code de procédure pénale, auquel renvoient les articles 394 et 419, prévoit la citation du civilement responsable, que l'article 347 exige la mention dans tout jugement ou arrêt de la présence ou de l'absence des parties et que l'article 306 dispose que le civilement responsable doit exposer sa défense" ;
Attendu que, faute d'intérêt, Aa partie civile ne saurait se prévaloir ni de ce que la société des Mines de Djebilet civilement responsable des prévenus n'a pas été citée à comparaître devant la Cour d'appel, ni de l'absence dans l'arrêt attaqué de certaines énonciations concernant cette société ; qu'en effet de telles omissions ne lui fond pas personnellement grief, puisque d'une part la Société des Mines de Djebilet est expressément mentionnée à l'arrêt comme partie au litige en qualité de civilement responsable, et que d'autre part toute responsabilité civile de ladite société se trouvait inéluctablement écartée par la confirmation de la relaxe des prévenus ;
D'ou il suit que le moyen est irrecevable ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN, en ses deux branches, pris de la «violation de la loi, défaut de motifs, manque de base légale, violation de l'article 373 du Code pénal, de l'article 37 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la relaxe des prévenus du chef de dénonciation calomnieuse au motif que les éléments constitutifs de la mauvaise foi faisaient défaut, alors que la cour d'appel aurait dû, au lieu de faire une recherche négative de la mauvaise foi, dire s'il y avait des élément positifs de bonne foi, qui seule aurait permis la relaxe des prévenus et que, en tous cas la Cour d'appel, en affirmant dans ses motifs que le matériel litigieux était abandonné depuis fort longtemps, que M. Aa ne l'avait appréhendé qu'en devenant légalement propriétaire de la mine, que M. Ac a été informé de la qualité de M. Aa Atant par lettre du 11 septembre 1953 que par la visite d'Isard) et qu'aucune tentative pour récupérer le matériel n'a été faite avant la plainte en vol, a fait ressortir la mauvaise foi des prévenus, de telle sorte qu'il y a contradiction dans les motifs de l'arrêt, équivalant à l'absence de motifs" :
Attendu que la mauvaise foi, élément constitutif du délit de dénonciation calomnieuse, consiste dans la connaissance au moment de la dénonciation soit de la fausseté des faits dénoncés soit de la dénaturation de leur caractère pénalement punissable : que cette mauvaise foi n'est pas présumée, et doit être constatée par les juges du fond, dont l'appréciation est souveraine dès lors que les motifs par eux énoncés ne sont ni illégaux ni contradictoires entre eux ;
Que par suite, en réfutant successivement les allégations de Aa tendant à démontrer la mauvaise foi des prévenus, en constatant l'absence de cette mauvaise foi, et en confirmant la décision des premiers juges justifiant la bonne foi des prévenus par l'état apparent d'abandon du matériel litigieux, l'arrêt attaqué n'a pas violé les textes visés au moyen ;
Attendu d'autre part qu'un demandeur ne saurait fragmenter arbitrairement l'argumentation d'une décision de justice, pour tenter d'opposer entre eux certains membres de phrase par lui isolés et d'ailleurs inexactement reproduits ; qu'appréciés en fonction du contexte, les motifs de l'arrêt attaqué ne sont entachés d'aucune contradiction et justifient légalement la décision ;
Qu'en conséquence le moyen doit être rejeté en ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Martin.-Avocat général : M. Ruolt.-Avocats : MM. Perez,De Monaghan.
Observations
I. - Sur le premier point.-V. le texte de l'art. 579, al. 1er , C. proc. Pén. Dans la note sous l'arrêt n°968 du 14 déc. 1961.
Le délai de vingt jours fixé par ce texte est franc, en application de l'art. 764 C. proc. Pén. Qui édicte que : «tous les délais prévus au présent Code, étant des délais francs, ne comprennent ni le jour initial ni celui de l'échéance. Les jours fériés sont comptés comme jours utiles dans le calcul du délai" .
II.-Sur le deuxième point.-V la note (1) sous l'arrêt n°726 du 27 oct. 1960, Rec. Crim. T. 2. 21.
III.-Sur le troisième point.-En matière de dénonciation calomnieuse la mauvaise foi consiste dans la connaissance par le prévenu soit de la fausseté des faits dénoncés (Crim 9 févr. 1922, B.C. 61 ; 13 janv. 1944, B.C. 19 Gaz. Pal. 1944. 1. 115 ; 26 oct. 1944, Gaz. Pal. 1944. 2. 181 ; 24 juil. 1952, D. 1952. 652 ; 26 févr. 1959, B.C. 134), soit de la dénaturation de leur caractère légalement punissable (Crim. 20 mai 1899, D.P. 1901. 1. 488 ; 23 juil. 1932, B.C. 189, Gaz. Pal. 1932. 2. 622 ; 26 mars 1936, B.C 36 ; 17 juil. 1947, B.C. 180 ; 7 janv. 1959, B.C. 23).
La décision de condamnation n'est légalement justifiée que si la mauvaise foi est constatée par
les juges du fond (Crim. 9 févr. 1922 et 26 oct. 1944, précités) et leur appréciation relative à cet élément constitutif n'est souveraine que si les motifs de leur décision ne sont pas entachés d'illégalité ou de contradiction (Crim. 13 juil. 1950, D. 1950. 685 ; 7 juin 1956, B.C. 445).
IV.-Sur le quatrième point.-V, dans le même sens, les arrêt n°542 du 4 févr. 1960, Rec. Crim. T.I. 201, 870 du 11 mai 1961, Rec. Crim. T. 2. 238 et 882 du 1er juin 1961, ibid. 261).