Cassation sur le pourvoi formé par la compagnie d'assurances le Nord contre un jugement rendu le 6 avril 1961 par le tribunal de première instance de Casablanca qui, confirmant une décision du tribunal de paix de Casablanca-Sud du 21 septembre 1960, a notamment substitué ladite compagnie d'assurances à Ali Ac A, déclaré civilement responsable du prévenu Mohamed ben Ali, et a accordé des dommages-intérêts aux ayants droit de la victime, parties civiles.
18 janvier 1962
Dossier n°8425
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, pris de la violation des articles 352 du Code de procédure pénale, 399 et 230 du dahir des obligations et contrats, par défaut de motifs, manque de base légale et renversement du fardeau de la preuve :
Attendu que, par application du principe édicté à l'article 399 du dahir des obligations et contrats, il incombe à celui qui réclame le bénéfice de la garantie d'un contrat d'assurance, de rapporter la preuve de son droit à cette garantie, et, en conséquence, de justifier, lorsqu'elles sont expressément contestées par l'assureur, des circonstances matérielles auxquelles ce contrat subordonne l'octroi de la garantie ;
Attendu que la police d'assurance souscrite par Ali Ac A auprès de la compagnie le Nord en vue de garantir les accidents causés aux tiers par sa voiture automobile pick-up, stipulait que «la garantie, vis-à-vis des tiers transportés à titre gratuit, n'aura d'effet. en ce qui concerne les véhicules utilitaires, que. si les passagers sont transportés soit à l'intérieur de la cabine, soit sur un plateau muni de ridelles et aménagé à cet effet, soit à l'intérieur d'une carrosserie fermée» ; que pour refuser la garantie, la compagnie le Nord, se prévalant expressément de cette clause du contrat et de certaines constatations du procès-verbal de l'accident, prétendait que la victime aurait été transportée à l'arrière du pick-up sur un plateau démuni de ridelles et ne serait donc pas trouvée au moment de l'accident dans les conditions matérielles de sécurité que le contrat exige pour faire produire effet à la garantie ;
Attendu que, saisi de ces moyens de défense opposés par la compagnie le Nord à la demande de garantie, le tribunal de première instance de Casablanca s'est borné pour les écarter à affirmer que, demandeur à l'exception de non-assurance et ayant la charge de la preuve selon les règles du droit civil, l'assureur n'apportait « à l'appui de son argumentation aucun élément de preuve tiré soit du dossier d'enquête préliminaire soit des débats publics » ;
Attendu qu'en statuant ainsi, ce tribunal a, d'une part, renversé le fardeau de la preuve en attribuant à tort aux moyens de défense de la compagnie le Nord le caractère d'une véritable exception à laquelle elle aurait été demanderesse, d'autre part, négligé de se prononcer sur les éléments de preuve tirés par cette compagnie d'un procès-verbal de gendarmerie qui, par application de l'article 291 du Code de procédure pénale, fait foi jusqu'à preuve contraire ;
Qu'en conséquence le jugement attaqué, ayant méconnu les dispositions légales visées au moyen, encourt la cassation ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, entre les parties au présent pourvoi, le jugement du tribunal de première instance de Casablanca en date du 6 avril 1961, mais seulement en celles de ses dispositions ayant statué sur la substitution de la compagnie le Nord à son assuré.
Président: M. Deltel.-Rapporteur:M . Martin.-Avocat général: M.Ruolt. -Avocats:MM. Laporte, Ayoub, Pancrazi.
Observations
Cet arrêt a été publié dans la Rev. Maroc. Dr. 1962. 583 avec une note signée G.D, à laquelle nous renvoyons le lecteur.
V. également, Roger Perrot, la charge de la preuve en matière d'assurance, Rev. gén. Ass. terr. 1961. 5s ; Ab Ad, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé (la théorie des éléments générateurs des droits subjectifs), Aa, 1948, n°84 s, PP. 85s.