Cassation sur le pourvoi formé par Aa Ab contre un arrêt rendu le 12 juillet 1961 par la cour d'appel de Tanger qui, après avoir annulé un jugement du tribunal régional de Tanger du 13 mars 1961, a évoqué l'affaire et condamné Anderson à un mois d'emprisonnement avec sursis et 5000 dirhams d'amende pour émission de chèque sans provision.
18 janvier 1962
Dossier n°8546
La Cour,
Sur les 1er, 2e, 3e Et 4e MOYENS DE CASSATION REUNIS, pris de la violation des formes substantielles, insuffisance de motifs, violation des articles 304, 308, 347et 353 du Code de procédure pénale, en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la décision du premier juge, tirée par le demandeur d'une identification insuffisante du prévenu, de sa désignation comme étant en liberté provisoire au lieu de comparant libre, du fait que le jugement a été qualifié «par défaut » , et n'a pas statué sur les dommages-intérêts réclamés par la partie civile :
Attendu que la Cour d'appel, saisie par Anderson, appelant, de conclusions tendant à la constatation de la nullité du jugement entrepris, a effectivement annulé la décision de première instance avant d'évoquer l'affaire au fond ; que le motif retenu par la Cour pour prononcer cette annulation n'est pas un de ceux invoqués par Anderson, mais que ce demandeur ne saurait, faute d'intérêt, en faire grief à l'arrêt attaqué ;
D'où il suit que ces moyens sont irrecevables ;
MAIS SUR LE CINQUIEME MOYEN DE CASSATION, pris du défaut de base légale, violation de la loi et absence de motifs :
Attendu que la mauvaise foi du tireur, élément constitutif du délit d'émission, de chèque sans provision, consiste en la connaissance de l'insuffisance ou de l'indisponibilité de la provision, qu'au
jour de l'émission le tireur avait, ou aurait dû avoir, par suite de l'obligation lui incombant de vérifier le solde de son crédit ; qu'il appartient donc aux juges répressifs, pour justifier légalement une décision de condamnation, de constater l'existence de la mauvaise foi au jour de l'émission du chèque;
Attendu que, pour condamner Anderson du chef d'émission de chèque sans provision, l'arrêt attaqué s'est borné, d'une part à énoncer que le chèque émis le 2 décembre 1959 s'était trouvé sans provision le 4 mars 1960, date de sa présentation, d'autre part à se référer à des principes généraux de jurisprudence, sans les appliquer spécialement au prévenu ;
Qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel de Tanger n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens,
Casse et annule, entre les parties au présent pourvoi, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Tanger le 12 juillet 1961.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Martin.-Avocat général: M. Ruolt. Avocat : Me Deckers.
Observations
I. -Sur le premier point.-Sur la notion d'intérêt, v. la note (1) sous l'arrêt n°726 du 27 cct. 1960, Rec. Crim. T. 2. 21.
I. - Sur les autres points-Sur le manque de base légale, v. la note (III) sous l'arrêt n°732 du 3 nov. 1960, Rec. Crim. T. 2. 36.
En ce qui concerne la mauvaise foi, élément constitutif du délit d'émission de chèque sans provision, v. la note (II) sous l'arrêt n°772 du 8 déc. 1960 (Rec. Crim. T. 2. 112) et la note (I) sous l'arrêt n°852 du 6 avr. 1961 (ibid. 208).