Cassation sur le pourvoi formé par Ad Ac Ab, Ah Ac Ad ou Chellah et la Société marocaine d'assurances contre un jugement rendu le 3 mars 1961 par le tribunal de première instance de Ae qui, confirmant un jugement du tribunal de paix de safi du 8 janvier 1960 sur la déclaration de culpabilité de Mohamed ben Ali ben Abdallah et le réformant sur l'application de la peine, a condamné ce prévenu à 1000 dirhams d'amende et à 15 jours d'emprisonnement avec sursis pour infraction du Code de la route et homicide involontaire, a partagé par moitié entre le prévenu et la partie civile la responsabilité de l'accident et a alloué diverses indemnités aux parties civiles, Aj Ag, Ai Af et la compagnie d'assurances La Minerve, en déclarant Ah Ac Ad ou Chellah civilement responsable de Mohamed, avec substitution de la Société marocaine d'assurances.
18 janvier 1962
Dossier n°7710
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de ce que le jugement attaqué a statué sur le fond à l'insu des parties et sans qu'il ait été procédé à la reprise des débats antérieurement ordonné :
Attendu qu'une juridiction répressive qui a ordonné le renvoi d'une affaire aux fins de réouverture des débats, ne peut s'abstenir d'exécuter Cette décision , dont les parties étaient en droit de se prévaloir, et statuer sur le litige, sans indiquer dans son jugement les motifs qui justifieraient ce revirement, et, à défaut de justification, sans se trouver en contradiction avec elle-même et porter atteinte aux droits de la défense ;
Attendu qu'il résulte des énonciations du jugement infirmatif attaqué que l'affaire, appelée à l'audience du 19 janvier 1961, a été , à cette date, « mise en délibéré et renvoyée aux audiences successives des 26 janvier, 2 février, 9 février, celle du 16 avril étant fériée, du 2 mars et renvoyée au 6 avril 1961 pour être évoquée à nouveau », que « les parties en ont été avisées » et que, malgré ce renvoi, le tribunal a rendu le jugement sur le fond le 3 mars 1961 ; qu'en déclarant renvoyer l'affaire au 6 avril 1961 pour qu'elle soit « évoquée à nouveau » le tribunal, bien qu'utilisant ainsi un terme juridiquement impropre, a manifestement exprimé sa volonté de reprendre les débats à l'audience de renvoi ;
Que dès lors, en s'abstenant d'indiquer les raisons pour lesquelles ils ont cru pouvoir néanmoins statuer dès le 3 mars 1961 sans nouveaux débats, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision ;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi,
Casse et annule, entre les parties au présent pourvoi, le jugement rendu par le tribunal de première instance de Ae le 3 mars 1961.
Président : M. Aa. -Rapporteur : M. Carteret.-Avocat général : M. Ruolt.-Avocats : MM. Dray,Gui et Paolini.
Observations
La juridiction répressive peut, en application de l'art. 300 C. proc. Pén., ordonner le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure dont elle fixe la date.
En l'espèce, le tribunal avait, le 2 mars 1961 et après en avoir avisé les parties, renvoyé la cause au 6 avr. 1961 pour réouverture des débats. Malgré ce renvoi, il avait statué au fond dès le lendemain 3 mars sans donner aucun motif justifiant ce changement de date.
Cette contradiction des deux mesures successivement prises par la même juridiction devait motiver la cassation de sa décision.