Cassation sur le pourvoi formé par la Société neutan contre un arrêt rendu le 30 mai 1961 par la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Tanger qui a confirmé une ordonnance de non-lieu rendue le 4 mai 1961 par le juge d'instruction de Tanger en faveur de Grawitz Charles et de Ac Ab, inculpés d'abus de confiance sur plainte avec constitution de partie civile de la société susnommée.
15 février 1962
Dossier n°8259
La Cour,
Vu le dernier alinéa de l'article 574 du Code de procédure pénale permettant à la partie civile de se pourvoir en cassation contre un arrêt de non-lieu ayant omis de statuer sur un chef d'inculpation.
SUR LE MOYEN DE CASSATION, pris par la demanderesse de l'omission de statuer sur certains chefs d'inculpation individualisés dans ses plaintes avec constitution de partie civile visant respectivement Ab Ac et Charles Grawitz:
Attendu que la société Neutan, partie civile, reprochait à Perrin quatre faits distincts de détournement; qu'indépendamment d'une compensation qu'elle a cru pouvoir admettre pour une
somme de 410 dollars, la Chambre d'accusation, à laquelle il incombait dés lors de statuer sur les trois autres chefs d'inculpation allégués, s'est bornée à énoncer que « le » délit d'abus de confiance ayant eu lieu avant janvier 1954, l'action publique se trouvait prescrit; qu'une telle énonciation, applicable un délit unique, ne justifie pas que la Chambre d'accusation ait statué sur tous les chefs d'inculpation concernant perrin;
Attendu d'autre part que la partie civile reprochait à Grawitz d'avoir détourné certaines sommes
en dollars, pesetas et francs marocains, ainsi qu'un lot important de marchandises; que l'arrêt attaqué, s'il admet qu'une compensation a pu être opérée par ce prévenu, se réfère sur ce point aux seules sommes d'argent; qu'ainsi il est à bon droit fait grief à la Chambre d'accusation de n'avoir pas statué sur le chef d'inculpation relatif au détournement par Grawitz du lot de marchandises;
Attendu en conséquence qu'encourt la cassation l'arrêt attaqué, qui a en outre violé la loi en ce qu'il a confirmé d'ordonnance de non-lieu du 5 mai 1961.
Attendu en effet que le juge d'instruction, ayant déjà rendu le 21 juillet 1959 une ordonnance de non-lieu, n'avait pas la possibilité, en procédant au complément d'information prescrit par l'arrêt préparatoire procédant au complément d'information prescrit par l'arrêt préparatoire du 8 décembre 1959, de rendre le 5 mai 1961 une nouvelle ordonnance de non-lieu dans la même affaire; d'où il suit que l'arrêt attaqué, en s'abstenant d'annuler cette seconde ordonnance entachée d'excès de pouvoir, a violé les dispositions des deux premiers alinéas de l'article 227 du Code de procédure pénale, et, en omettant de statuer sur l'appel interjeté le 23 juillet 1959 par la partie civile contre la première ordonnance de non-lieu, a méconnu l'effet dévolutif de cet appel, dont la Chambre d'accusation demeurait saisie puisqu'il n'avait pas été vidé par l'arrêt préparatoire du 8 décembre 1959;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, entre les parties au présent l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Tanger du 30 mai 1961.
Président: M.Deltel. - Rapporteur: M. Aa. - Avocat général: M.Ruolt.- Avocats: MM. Courballée-Thévenin, Bruno, Pécune.
Observations
I - Sur les premier, deuxième et troisième point. - V. la note sous l'arrêt n°966 du 14 déc.1961
II - Sur les autres points. - dans l'affaire soumise à l a chambre criminelle, le juge d'instruction
de Tanger avait rendu le 21 juil.1959 une ordonnance de non-lieu dont la partie civile avait, en application de l'art.207 C. Proc. Pén, interjeté appel le 23 juil.1959
La chambre d'accusation, estimant que l'instruction n'était pas suffisante, avait, par arrêt du 8 déc.1959, ordonné une information complémentaire et délégué pour y procéder le juge d'instruction de Tanger (V. Les al.1ers des art.222 et 226 C. Proc.Pén.et Crim.15 nov.1951, B.C.296, J.C.P.1951II. 6593, Gaz.Pal.1951.2.396, D.1951.755).
Le magistrat délégué, après avoir rempli sa mission, avait rendu le 4 mai 1961 une seconde ordonnance de non-lieu. Il avait ainsi excédé ses pouvoirs puisque, dessaisi définitivement, sauf survenance de charges nouvelles, de l'affaire par sa première ordonnance du 21 juil.1959, il n'agissait plus au cours du complément d'information en vertu de ses pouvoirs propres de juge d'instruction mais seulement comme délégué de la Chambre d'accusation (V.Le Poittevin, Art.127, n°s 71 s., 79).II lui appartenait seulement, après avoir exécuté sa mission, de transmettre le dossier à la Chambre d'accusation pour qu'il soit déposé au greffe ainsi que le prescrit l'art.229 C. Proc. Pén.
Cette seconde ordonnance de non-lieu avait été frappé d'appel le 5 mai 1961 par la partie civile et, par arrêt du 30 mai 1961, la chambre d'accusation l'avait confirmée.
La chambre d'accusation, qui a, en application de l'al.1er de l'art.227 C. Proc. Pén., l'obligation d'examiner la régularité de la procédure qui lui est soumise et de prononcer l'annulation des actes irréguliers, avait violé ledit art. en s'abstenant d'annuler la seconde ordonnance de non-lieu par laquelle le juge d'instruction délégué avait excédé ses pouvoirs.
Elle avait, en outre, omis de statuer sur l'appel qui avait été interjeté par la partie civile contre la première ordonnance du 21 juil.1959 et que n'avait pas vidé son arrêt du 8 déc.1959.1959 ordonnant une information complémentaire.
Pour ces deux raisons, sa décision encourait la cassation.