un jugement rendu le 30 mai1961 par le tribunal de première instance de Rabat qui les a déclarés civilement responsables de Ai Ad Am Ad Ab, a mis hors de cause l'Etat marocain et la compagnie d'assurances L'Aigle et a donné acte au Fonds de garantie automobile de son intervention.
15 mars 1962
Dossier n°8934
La Cour,
SUR L'ETENDUE DU POURVOI:
Attendu que la déclaration de pourvoi souscrite sans restriction par les deux demandeurs contre le jugement du 33 mai 1961 les ayant déclarés civilement responsables du prévenu Ai Ad Am
Ad Ab dont ils étaient les employeurs habituels, vise nécessairement la mise hors de cause de l'Etat marocain, celui-ci ayant, selon eux, été le véritable employeur du prévenu pendant le transport au cours duquel s'est produit l'accident; qu'en conséquence l'Etat marocain et la compagnie d'assurances « L'Aigle » soutiennent vainement que le pourvoi ne serait pas dirigé contre les dispositions du jugement attaqué les ayant mis hors de cause;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION pris de la « violation de la loi et notamment violation des articles 605, 298, 586, 352, 347, 348 du Code de procédure pénale, en ce que la juridiction de renvoi après cassation ne s'est pas conformée à la décision de la Cour suprême sur le point de droit tranché par cette Cour »:
Attendu que par l'effet de la cassation de la décision de la juridiction d'appel, la cause et les parties se trouvent, sous réserve de l'obligation imposée à la juridiction de renvoi par l'article 605 du Code de procédure pénale de respecter le point de droit tranché par la Cour suprême, remises dans le même état qu'après la décision de première instance;
Attendu que le jugement du tribunal d'appel de Fès avait été cassé, par arrêt de la Cour suprême du 24 novembre1960, pour avoir été rendu en violation de l'article 298 du Code de procédure pénale par une juridiction irrégulièrement composée, certains juges n'ayant pas participé à toutes les audiences où l'affaire avait été instruite; que le tribunal d'appel de Rabat, juridiction de renvoi après cassation, n'a point violé les dispositions de l'article 298 susvisé, puisqu'il a instruit et jugé l'affaire en étant composé des mêmes juges;
Qu'ainsi, la juridiction de renvoi ayant respecté le point de droit tranché par le juge de cassation, le moyen n'est pas fondé;
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION pris de la « violation de la loi et notamment de l'article 586 du Code de procédure pénale, manque de base légale, en ce que le jugement du 30 mai 1961 a écarté sans motif la décision rendue le 19 octobre 1959 ordonnant un complément d'information et s'est référée pour décider, au procès-verbal d'enquête irrégulièrement diligenté par un juge n'ayant pas siégé à l'audience du 19 octobre1959 »:
Attendu d'une part, que la cause et les parties se trouvant, après cassation, remises dans le même état qu'après la décision de première instance, le tribunal de Rabat désigné comme juridiction de renvoi n'était pas tenu de prendre en considération le supplément d'information ordonné par le tribunal de Fès dont la décision a été cassé;
Attendu d'autre part que la décision attaqué ne se réfère aucunement au procès-verbal du supplément d'information irrégulièrement effectué au cours de l'instance ayant abouti au jugement annulé;
Qu'ainsi le moyen qui manque partiellement en fait ne saurait être accueilli;
Sur les troisième et quatrième moyen de cassation réunis pris de la violation des articles 9 et
586 du Code de procédure pénale, 10 du dahir du 19 janvier 1953défaut de motifs et manque de base légale, en ce que le jugement attaqué n'aurait pas répondu aux conclusion des demandeurs tendant à voir dire que le transport au cours duquel a eu lieu l'accident n'était pas effectué par leur ordre et pour leur compte et se serait, tout en constatant l'intervention effective du khalifa de Bahlil, borné, pour mettre hors de cause l'Etat marocain, à déclarer, en des termes obscurs et ambigus que le représentant de l'autorité locale a servi d'intermédiaire pour demander que soit assuré le transport:
Attendu que des énonciations du jugement confirmatif attaqué il ressort que, sans avoir d'ailleurs déposé de conclusions écrites, les demandeurs au pourvoi, employeurs du prévenu, contestaient leur responsabilité civile, uniquement en raison du fait qu'ils n'auraient ordonné le transport, au cours duquel l'accident est survenu, que sur la réquisition qui leur en avait été faite par l'autorité locale de Bahlil en vue d'assurer le déplacement à Immouzer des membres du groupement local de la « Jeunesse istiqlalienne », et soutenaient que le véritable commettant du prévenu se trouvait, en conséquence, être l'Etat marocain;
Attendu que pour rejeter ce système de défense, le jugement attaqué, qui déclare qu'à aucun moment les demandeurs n'ont cessé d'être les commettants du prévenu, mentionne « qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que le khalifia de Bahlil ait fait acte d'autorité et ait requis le véhicule, ou tout au moins ait obligé les propriétaire à transporter les membres de la « Jeunesse istiqlalienne locale » et constate « qu'il apparaît simplement que ce fonctionnaire a servi d'intermédiaire entre les responsables de ce groupement et les sieurs Ah et Aj pour demander à ces derniers de bien vouloir assurer le transport »;
Attendu que par ces constations souveraines non contradictoires entre elles et dépourvues du caractère d'obscurité et d'ambiguïté qui leur est reproché, les juges du fond ont répondu au moyen de défense des demandeurs, et ont légalement justifié leur décision déclarant ceux-civilement responsables du prévenu et mettant en conséquence hors de cause l'Etat marocain;
D'où il suit que ces moyen ne sauraient être accueillis;
SUR LE CINQUIEME MOYEN DE CASSATION pris du « manque de base légale, défaut de motifs, violation de la loi de fond, en ce que le jugement attaqué s'est borné pour écarter la garantie de la compagnie d'assurances « L'Aigle » à déclarer que le prix versé par les passagers ne pouvait être assimilé à une simple participation aux frais de route, compte tenu de la longueur du trajet et du nombre de voyageurs transportés »:
Attendu que pour mettre hors de cause la compagnie d'assurances « L'Aigle » le jugement attaqué, après avoir rappelé la clause de la police excluant de la garantie les tiers transportés à titre onéreux, énonce: « qu'il résulte de l'information et des débats que tous les passagers ont versé chacun une somme de 150 francs pour prix de leur transport; que ce paiement ne peut être assimilé à une simple participation aux frais de route, compte tenu de la longueur du trajet et du nombre de voyageurs transportés »;
Attendu qu'en statuant ainsi les juges du fond ont fait une exacte application des clauses de la police d'assurance aux circonstances de fait souverainement appréciées par eux, et qui leur ont paru de nature à établir le caractère onéreux du transport des victime de l'accident;
Attendu en conséquence que les demandeurs ne sauraient remettre en question devant la juridiction de cassation l'appréciation faite par les juges du fond du caractère onéreux du transport; que vainement, ils fond état d'une jurisprudence de la Cour suprême relative aux victimes non transportées et donc non applicable en l'espèce, et tentent, en contradiction avec les termes de la police, de soutenir que malgré le caractère onéreux du transport , les dommages subis par les victimes transportées devraient être couverts par la compagnie d'assurances « L'Aigle »;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M. Ae. - Rapporteur: M. Ao. - Avocat général: M. Al. - Avocats: M MFernandez et botbol, El Kaïm, Lorrain.
Observations
I. - Sur le premier point. - L'art. 585 C. Proc. Pén. Prévoit que: « La déclaration de pourvoi opère seule saisine de la Cour suprême ».
« Cette saisine est limitée par l'objet du pourvoi et par la qualité de son auteur».
...............................
« Le pourvoi . du civilement responsable est limité quant à son effet dévolutif aux dispositions relatives à l'action civile ».
l'Etat marocain et la compagnie d'assurances L'Aigle soutenaient que le pourvoi formé par Af Ad Aa Ah et Ac Ad Am Ak,
déclarés civilement responsables du prévenu Ai Ad Am Ad Ab, n'était pas dirigé contre la disposition du jugement attaqué qui les avait mis hors de cause.
En réalité, les deux demandeurs prétendaient que l'Etat marocain était le véritable employeur du prévu pendant le transport au cours duquel s'était produit l'accident. Cette prétention, qui tendait directement à ce que l'Etat soit, à leur place, déclaré civilement responsable de Ai Ad Am Ad Ab, visait par suite nécessairement sa mise hors de cause.
II.- Sur le deuxième point.- A) Par l'effet de la cassation totale prononcée en raison de la composition irrégulière de la juridiction du second degré, la cause et les parties s'étaient trouvées remises dans le même état qu'après la décision du premier juge.
La juridiction de renvoi avait donc les mêmes pouvoirs que ceux que possédait la première juridiction d'appel avant de rendre le jugement cassé et elle n'était pas tenue de prendre en considération les mesures ordonnées par cette dernière.
B) L'art. 605 C. Proc. Pén. Prescrit que: « La juridiction devant laquelle l'affaire est renvoyée après cassation doit se conformer à la décision de la Cour suprême sur le point de droit tranché par cette Cour».
Le demandeur soutenait que la juridiction de renvoi avait violé ledit article, ainsi que l'art.298 C. Proc. Pén
Le jugement du tribunal de première instance de Fès avait été cassé pour avoir été rendu, en violation de l'art. 298, par une juridiction irrégulièrement composée, certains juges n'ayant pas participé à toutes les audiences où l'affaire avait été instruite.
La chambre criminelle a constaté que la juridiction de renvoi avait instruit et jugé l'affaire en
étant composée des mêmes juges et qu'elle n'avait ainsi ni violé les dispositions de l'art. 298 ni méconnu le point de droit tranché par la Cour suprême qui en avait donné l'interprétation.
Comp. En France l'art. 60 de la loi du 23 juil. 1947; Rép. Pr. Civ., V° cassation, par Ag An, nos 2494 s.; Faye, n°286.
III.- Sur le troisième point. - Les polices d'assurance automobile, qui couvrent la responsabilité civile du propriétaire du véhicule en cas d'accident causé à la personne ou aux biens des tiers par le véhicule et qui étendent fréquemment la garantie de l'assurance aux dommages causés aux personnes transportées soit « gratuitement » soit « sans rémunération en espèces » (V. l'arrêt n°553 du 18 févr. 1960, Rec Crim. t. 1. 223), ainsi qu'aux « voyageurs qui, sans payer de rétribution proprement dite pour le prix de leur transport, peuvent néanmoins participer occasionnellement et bénévolement à de menus frais de route » (V. l'arrêt n°781 du 22 déc. 1960, Rec.Crim.t. 2.125 et la présente espèce), excluent généralement de la garantie les « tiers transportés à titre onéreux » (v. l'arrêt n°402 oct. 1959, Rec.Crim. t. 1. 110 et la présente espèce).
A l'égard de ces tiers transportés à titre onéreux, il y a « non-assurance » (v.R. Barraud, L'assurance des personnes transportés à titre gratuit, thèse, Paris 1933; Picard et Besson, Traité général des assurances terrestres, t. 3, n°180 Jurisclasseur civile, Annexes, t. 1. V° Assurances, Div. F. n°201; Jurisclasseur de la responsabilité civile, t. 2, Div. VIII bis, nos 198 s.; Mazeaud, t. 3, n°266-3 et la note).
La police d'assurance prévoyait en l'espèce dans son art. 3 que:
« Sont exclus de la garantie les tiers transportés à titre onéreux . Sont considérés comme tiers
transportés à titre gratuit les voyageurs qui, sans payer rétribution proprement dite pour le prix de leur
transport, peuvent néanmoins participer occasionnellement et bénévolement à de menus frais de route. ».
Les juges du fond avaient constaté que « tous les passagers ont versé chacun une somme de 150 francs pour prix de leur transport » et que « ce paiement ne peut être assimilé à une simple participation aux frais de route compte tenu de la longueur du trajet et du nombre des voyageurs transportés ».
La mise hors de cause de la compagnie d'assurances était donc justifiée par l'exacte appréciation faite de la clause claire et précise de la police et par les constatation des juges du fond, qui n'étaient pas susceptibles d'être remises en question devant la Cour suprême.
Mais la présence, sans relation de causalité avec l'accident, de passagers payant admis accessoirement dans un véhicule effectuant un déplacement conforme à l'usage déclaré, ne saurait à elle seule créer un changement d'usage et entraîner, en l'absence de clause expresse du contrat d'assurance, un défaut de garantie opposable à tous les tiers, tels que les passagers transportés à titre gratuit ou un cycliste renversé par le véhicule (Arrêt nos 553 du 18 févr. 1960 précité; 778 du 15 déc. 1960, Rec.Crim. t. 2. 122; 1198 du 19 juil. 1962 inédit; Civ. 2 août 1934, Gaz. Pal. 1934. 2. 534).