Cassation, en ce qui concerne les intérêts Civils seulement, sur le pourvoi de la société internationale de régie cointéressée des tabacs au Maroc contre un jugement rendu le 18 mai 1961 par le tribunal de première instance de Casablanca qui a prononcé l'acquittement de Ali ben Bouchaïb, propriétaire d'un véhicule dans lequel avait été trouvé du tabac brut de contrebande.
12 avril 1962
Dossier n°8893
La Cour,
Attendu que le pourvoi formé par la Régie des tabacs au Maroc est nécessairement limité aux intérêts de cette partie Civile, et se trouve par suite restreint aux seuls frais, amendes et confiscations susceptibles d'être prononcés à son profit ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, en sa première branche, prise de la violation de l'article 78 bis du dahir du 12 novembre 1932 relatif au régime des tabacs et du kif au Maroc.
Attendu que l'article 78 bis du dahir du 12 novembre 1932 édicte à l'égard des propriétaires de véhicules dans lesquels auront été trouvés des produits de fraude une présomption légale de responsabilité qui les rend passibles de toutes les condamnations encourues de ce fait », et dont ils ne pourront être déchargés qu'en rapportant la preuve d'un fait de force majeure auquel ils n'auront pu résister ou qu'ils n'auront pu prévoir »
Attendu que pour relaxer Ali ben Bouchaïb, prévenu "d'avoir à Casablanca le 23 septembre 1960 été trouvé porteur de 5 kg 500 de tabac brut de contrebande dans son véhicule n°29-19", le premier juge, dont le jugement attaqué confirme toutes les dispositions et adopte donc les motifs, s'est borné à énoncer que " ni de l'information officieuse, ni des débats, il ne résulte la preuve que le prévenu s'est rendu coupable des faits qui lui sont reprochés".
Qu'en omettant ainsi de préciser les circonstances qu'ils auraient considérées comme constitutives d'un fait de force majeure irrésistible ou imprévisible, les juges du fond n'ont pas mis la
Cour suprême en mesure d'exercer le droit de contrôle qui lui est attribué par l'article 568 du Code de procédure pénale dans un domaine où l'admission des preuves est limitée par la loi ;
D'où il suit que le jugement attaqué encourt la cassation, mais, faute de pourvoi du ministère public, uniquement en ce qui concerne les intérêts de la Régie demanderesse ;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il soit nécessaire d'examiner la seconde branche du moyen,
Casse et annule entre les parties, mais seulement en ce qui concerne les intérêts Civils, le jugement du 18 mai 1961 du tribunal de première instance de Casablanca.
Les intérêts Civils, le jugement du 18 mai 1961 du tribunal de première instance de Casablanca.
Président: M. Ad. - Rapporteur: M. Aa. - Avocat général: M.Ruolt. - Avocat: Me Poussier.
Observations
I.- Sur le premier point - l'art.1er DH.12 nov.1932 relatif au régime des tabacs au Maroc prévoit que: " L'achat, la fabrication et la vente des tabacs constituent un monopole dont l'exploitation est et demeure confié à la Société internationale de régie cointéressée des tabacs au Maroc jusqu'à l'expiration de sa concession" et l'art.82, que: " les amendes prévues par le présent dahir ont toujours un caractère de réparation Civile. La régie pourra toujours se faire représenter à l'audience par un de ses agents, qui exposera l'affaire au tribunal et sera entendu à l'appui de des conclusions".
Le pourvoi de cette partie Civile est donc, en application de l'al.4 de l'art.585 C.proc. pén." Limité quant à son effet dévolutif aux dispositions relatives à l'action Civile", c'est -à- dire aux seuls frais, amendes et confiscations susceptibles d'être prononcés à son profit.
II.- Sur les autres points - l'al.1er de l'art.78 bis dh.12 nov.1932 susvisé , mod.db.9 déc.1943, prescrit que: le transporteur seront, par le seul fait de la détention matérielle de toutes des produits de fraude, présumés légalement responsables du dépôt et passibles de toutes les condamnations encourues de c fait, alors même qu'ils auraient signalé l'auteur du dépôt frauduleux. Ils ne pourront se soustraire à cette responsabilité en invoquant l'excuse d'ignorance; ils n'en seront déchargés qu'en rapportant la preuve d'un fait de force majeure auquel ils n'auront pu résister ou qu'ils n'auront pu prévoir »
Il appartient, en conséquence, aux juges du fond, qui prononcent l'acquittement du propriétaire d'un véhicule dans lequel a été trouvé du tabac brut de contrebande, de préciser les circonstances constitutives de la force majeure, seule susceptible de justifier leur décisions d'acquittement (sur le contrôle, par la juridiction de cassation, du point de savoir si les faits constatés par les juges du fond présentent ou non les caractères de la force majeure, v.Réppr.Civ., V° Cassation, par Ab Ac, n°1935).
Sur l'insuffisance de motifs ou manque de base légale, v. la note (III) sous l'arrêt n°732 du 3 nov.1960, Rec.Crim.t.2.36.