28-62/63 7 novembre 1962 8 269
Compagnie d'Assurances Générales c/Romero André et autres.
Cassation d'un jugement du tribunal de première instance de Meknès du 12 avril 1961.
La Cour,
SUR LE DEUXIEME MOYEN QUI EST PREALABLE :
Vu le dahir du 2 mars 1953;
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations du jugement attaqué (Meknès 12 avril 1961) qu'André Roméro, automobiliste victime le 11 avril 1960 à Meknès d'un accident de la circulation, a actionné Aa Ab, conducteur d'une automobile avec laquelle sa voiture s'était heurtée, le gouverneur de la province de Meknès auquel cette auto-mobile était affectée, la Régie des Exploitations Industrielles, exploitante, et la Compagnie d'Assurances Générales, prise en qualité d'assureur, pour leur réclamer réparation du préjudice subi; qu'un jugement contradictoire du tribunal de première instance de Meknès lui a donné satisfaction;
Attendu que l'article premier du dahir du 2 mars 1953 dispose dans son dernier alinéa que «chaque fois que l'action engagée devant les tribunaux a pour objet de faire déclarer débiteur l'Etat chérifien, l'une de ses administrations, un office ou établissement public de l'Etat, dans une matière étrangère à l'impôt et au domaine, l'agent judiciaire doit être appelé en cause à peine d'irrecevabilité de la requête »;
Attendu qu'André Roméro n'ayant pas appelé en cause cet agent judiciaire dans une action qui en fait était dirigée contre l'Etat chérifien, son action se trouvait irrecevable;
D'où il suit que le moyen est fondé;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens,
Casse. renvoie. devant le tribunal de première instance de Fès.
Premier Président : M. Hamiani.__Rapporteur: M. Zamouth.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : MM. Couesnon, Aguera.
Observations
Le moyen pris de l'absence d'appel en cause de l'agent judiciaire est d'ordre public; il peut donc être invoqué pour la première fois devant la Cour suprême qui doit même le soulever d'office (dans le même sens, arrêt 129-62/63 du 12 mars 1963). Il est fondé en effet sur une irrecevabilité de la demande, instituée non dans l'intérêt des parties mais dans l'intérêt de l'Etat, et il n'y a donc pas lieu d'appliquer les dispositions de l'art. 550 C. proc. civ. aux termes duquel, sauf en ce qui concerne la violation des règles de compétence, «aucune nullité ou irrégularité ne peut être invoquée par une partie après avoir présenté des conclusions au fond ».
L'arrêt rapporté est conforme à la jurisprudence de la Chambre criminelle (v. C.S. crim. 20 avr. 1961, Rec. T. II, n. 864, p. 220) et de la Chambre administrative de la Cour suprême (C.S. adm. 4 déc. 1958, Rec. T. I, p. 171); toutefois, contrairement à la Chambre civile, la Chambre criminelle casse sans renvoi car elle considère que l'action civile étant irrecevable, rien ne reste à juger par la juridiction répressive, en sorte qu'il appartient à la victime d'intenter une nouvelle action devant la juridiction civile.