67-62/63 2 janvier 1963 5825
Consorts Aa c/société «Ophir ».
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 22 avril 1960.
La Cour,
SUR LES DEUX MOYENS REUNIS :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué que suivant contrat du 30 novembre 1954 la société «Ophir» a pris en location des consorts Aa un local à usage commercial moyennant un loyer mensuel de 50 000 francs; qu'elle a le 19 mars 1958 engagé une action en réduction de loyer fondée sur les dispositions de l'article 2 du dahir du 5 janvier 1953;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir déclaré cette demande recevable et de l'avoir accueillie, alors d'une part que les conditions exigées par le texte précité quant à la variation du plus du quart de la valeur locative n'étaient pas remplies, et alors d'autre part qu'en tout cas cette variation de plus du quart dans le sens de la hausse ne pouvait justifier une demande de réduction de loyer;
Mais attendu que les juges d'appel observent justement que la variation dans le sens de la hausse, telle qu'elle résulte des documents officiels et des chiffres des prix de gros et de détail, n'était pas exclusive d'une baisse des valeurs locatives dans certains secteurs commerciaux et qu'en l'espèce les mêmes perturbations économiques qui ont entraîné une variation des prix dans le sens de la hausse avaient corrélativement provoqué au Maroc pendant la période considérée une importante récession des valeurs locatives par suite d'un ralentissement des activités commerciales;
Attendu que, de ces constatations et observations qui échappent au contrôle de la Cour suprême,
les juges du second degré ont pu déduire que les conditions du texte visé au moyen se trouvaient remplies, et qu'ils ont ainsi, pour accueillir la demande de la société «Ophir », donné une base légale à leur décision;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Zamouth.__Avocat général : M. Bocquet.__Avocats : MM. Costa, Mélia.
Observations
L'art. 2 Dh. 5 janv. 1953 relatif à la révision périodique des prix de location des locaux à usage commercial, industriel ou artisanal dispose que «chaque partie pourra obtenir tous les trois ans une révision de loyer si la modification des conditions économiques a entraîné une variation de plus du quart de la valeur locative fixée amiablement ou par décision judiciaire ».
Il résulte de cet article que la révision ne peut être accordée que si les trois conditions suivantes sont réunies :
1° Il faut que trois ans se soient écoulés depuis l'origine du bail ou depuis la dernière révision; la date à prendre en considération comme point de départ du délai n'est pas celle de la convention ou de la décision judiciaire, mais celle à laquelle elles ont pris effet (V. T. I, arrêt n°18, p. 45 et la note).
2° Il faut que les circonstances économiques générales se soient sensiblement modifiées depuis cette date.
3° Il faut enfin que l a valeur locative particulière de l'immeuble loué ait varié de plus d'un quart (sur les éléments permettant de déterminer la valeur locative, v. T. I, note sous l'arrêt n°3, p. 21).
En l'espèce l'arrêt attaqué avait constaté d'une part que la modification sensible des circonstances économiques générales s'était produite dans le sens de la hausse des prix, et d'autre part que la valeur locative de l'immeuble loué avait diminué de plus d'un quart. Le demandeur au pourvoi soutenait qu'en faisant droit dans ces conditions à la demande de réduction de loyer formée par le locataire, les juges d'appel avaient violé l'art. 2 susvisé.
En rejetant le pourvoi l'arrêt décide que ce texte n'exige nullement que la modification des circonstances générales et la variation de la valeur locative se soient produites dans le même sens.