284-63/64 23 juin 1964 13 453
Ad Ac c/Ahmed ben Aa Ab Af et autres.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 12 janvier 1963.
( Extrait)
La Cour ,
SUR LE MOYEN D'ORDRE PUBLIC SOULEVE D'OFFICE :
Attendu qu'aux termes des articles 24, 29, 34 et suivants, 37 et suivants du dahir du 9 ramadan 1331 sur l'immatriculation des immeubles, l'intervention des tiers à cette procédure ne peut être effectuée qu'en la forme administrative, dans les délais légaux, par voie exclusive d'opposition qui contient «l'énonciation des droits, titres et pièces sur lesquels la demande est appuyée », suivant un libellé inscrit par le conservateur de la propriété foncière au volume des oppositions, fixant à la fois la qualité de l'intervenant et les droits prétendus, libellé dans la limite juridique duquel le tribunal saisi doit statuer, sans modifications possibles, sur l' «existence, la nature, la consistance et l'étendue» des droits qui y sont inscrits;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure et notamment du libellé de l'opposition inscrite
par le conservateur le 26 juin 1953 (Vol 4 n°1620) qu'Ahmed ben Abdelkader était porté comme «agissant au nom des héritiers d'Abdelkader ben Bouchaïb ben Larbi bel Ae» revendiquant ainsi pour tous ces ayants droit la propriété des parcelles 12 et 14 de la réquisition n°8209Z;
Or attendu que l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur cette opposition, l'a déclarée fondée au seul bénéfice d'Ahmed qui, contrairement au libellé de l'inscription susvisée et sans qu'il ait été procédé à la publicité légale par réouverture préalable des délais d'opposition ou dans les formes de l'article 29, revendiquait la totalité de la propriété à son seul profit;
D'où il suit que l'arrêt a violé les textes susvisés;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Morère.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : MM. Ruimy, Villemagne.
Observations
Saisi par le dossier que le conservateur foncier a transmis au greffe (art. 32, dernier al ., Dh. foncier), le tribunal, après mise en état de la procédure par le juge commis, «statue sur l'existence, la nature, la consistance et l'étendue du droit revendiqué par les opposants» (art. 37, al. 2). Or, à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter de la publication de la réquisition d'immatriculation au B.O., et sauf réouverture de ce délai dans les conditions prévues à l'art. 29, aucune opposition n'est plus recevable (art. 24).
Selon une jurisprudence à peu près unanime et selon la doctrine (v. Caillé, p. 79 et les décisions citées), ces dispositions impliquent que l'objet du litige soumis au tribunal ne saurait être modifié en cours de procédure, ni par extension de l'assiette de l'opposition, ni par changement d'opposant. Permettre de telles modifications aboutirait en effet en réalité à faire statuer le tribunal sur des oppositions nouvelles non déclarées dans les formes et délais exigés par la loi; or la législation foncière est d'ordre public.
L'arrêt rapporté adopte ces principes avec d'autant plus de netteté que la cassation est prononcée sur un moyen d'office. Mais leur application n'empêche pas les opposants de restreindre l'objet de leur revendication et n'interdit pas non plus aux héritiers d'un opposant décédé de poursuivre la procédure pour leur compte.