76-64/65 1er décembre 1964 14 701
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : Mme Houel.__Avocat général : M. Guillot.__Avocats : Me. Bayssière, Me Micheline Briandet.t.
Observations
I et II.-L'art. 3 arr. viz. 28 nov. 1934 relatif au contrat d'assurance dispose que dans toutes les instances relatives à la fixation et au règlement des indemnités dues, le défendeur (assureur ou assuré) sera assigné devant le tribunal du domicile ou de la résidence de l'assuré au Maroc ou à défaut devant le tribunal du domicile au Maroc de l'agent général de l'entreprise d'assurances, mais que toutefois, s'il s'agit d'assurances contre les accidents, l'assuré pourra s'il le préfère assigner devant le tribunal du lieu où s'est produit le fait dommageable.
D'autre part, sauf les exceptions visées à l'art. 2 arr. viz. 28 nov. 1934, toutes les dispositions de ce texte sont d'ordre public. Les règles de compétence prévues à l'art. 3 ne font pas partie de ces
exceptions; il est donc interdit aux parties d'y déroger, et toute convention contraire est frappée de nullité.
Sans contester ces principes, l'assureur invoquait en l'espèce deux moyens.
Il soutenait d'abord que le contrat d'assurances avait été souscrit auprès d'une compagnie espagnole pour couvrir un risque en Espagne, et que, dès lors, l'art. 3 susvisé était inapplicable.
Ce moyen n'était pas fondé.
En effet l'assuré était domicilié à Kénitra. Or, aux termes de l'art. 3 arr. viz. 6 sept. 1941, les personnes domiciliées au Maroc ne peuvent être assurées que par des contrats «souscrits et gérés au Maroc », c'est-à-dire conformément aux dispositions de la loi marocaine; et, par application de l'art. 5 du même texte, les compagnies d'assurances étrangères e peuvent exercer leur activité au Maroc qu'à la condition d'y établir un siège spécial où elles élisent domicile et d'y désigner un délégué général responsable. Dès lors, de deux choses l'une : ou l'assureur étranger s'était conformé à ces dispositions, et dans ce cas, les règles de compétence prévues à l'art. 3 arr. viz. 28 nov. 1934 étant applicables, l'assureur avait à bon droit été assigné devant le tribunal du domicile de l'assuré au Maroc; ou bien l'assureur n'avait au Maroc ni domicile élu ni délégation spéciale et dans ce cas le contrat était nul (art. 3, al. 2, arr. viz. 6 sept. 1941), mais cette nullité inopposable à l'assuré de bonne foi (même art.) n'avait pas été invoquée par l'assureur et n'aurait d'ailleurs pu l'être utilement puisque le contrat d'assurance avait été souscrit par la délégation marocaine d'une compagnie française ayant également une délégation à Madrid.
L'assureur soutenait en outre que les dispositions de l'art. 3 arr. viz. 28 nov. 1934 doivent être interprétées restrictivement et que, visant seulement «les instances relatives à la fixation et au règlement des indemnités dues» par l'assureur, elles ne pouvaient s'appliquer en l'espèce puisque l'assuré ne réclamait pas le paiement d'une indemnité d'assurances, mais demandait des dommages- intérêts à raison du préjudice résultant pour lui du non paiement de la caution par l'assureur dont la carence avait provoqué son incarcération et la mise sous séquestre de sa voiture.
Les dispositions dérogatoires au droit commun sont en effet d'interprétation stricte, et les règles prévues à l'art. 3 de la loi française du 13 juil. 1930 (rédigé dans les mêmes termes que l'art. 3 arr. viz. 28 nov. 1934) sont, par exemple, inapplicables à une action principale en nullité du contrat d'assurance (v. note Besson sous Rouen 19 fév. 1948, D. 1948.45).
Mais, sans prendre partie sur ce point, la Cour suprême a déclaré le moyen irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit. On peut se demander cependant si ce moyen, bien que non soulevé devant les juges du fond, ne devait pas être considéré comme ayant été implicitement invoqué : en effet, il ne prenait pour base que des faits expressément soumis à l'appréciation des juges et l'attention de ceux-ci n'avait pu manquer d'être attirée sur lui par l'objet même de la demande dont ils étaient saisis (v. supra, note II sous l'arrêt n°68; Besson n. 1263 et s.; Faye n. 126).
III.-La responsabilité contractuelle, comme la responsabilité délictuelle, suppose une faute, un dommage, et un lien de causalité entre l'un et l'autre. L'existence de ces trois éléments était caractérisée par les constatations de l'arrêt attaqué.