Cassation sur le pourvoi formé par Ab Aa contre un arrêt rendu le 5 mai 1964 par la Cour d'appel de Rabat qui, statuant sur l'appel d'un jugement du tribunal de première instance de Ac du 19 novembre1963, a, sur l'action publique, disqualifié en délit de blessures involontaires les faits reprochés à Ab Aa sous la prévention de coups et blessures volontaires, l'a condamné à 1 moins d'emprisonnement avec sursis et 1 000 dirhams d'amande et a, sur l'action civile, alloué à chérif Mustapha une indemnité provisionnelle de 3 000 dirhams et a ordonné une expertise médicale.
10 Décembre 1964
Dossier n°17166
La Cour,
SUR LE MOYEN PRIS D'OFFICE de la violation des règles de compétence, de la contradiction entre les motifs et le dispositif, et du manque de base légale :
Vu les articles 252, 421 et 422 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, et l'article 320 du Code pénal introduit au Maroc par le dahir du 12 août 1913;
Attendu qu'il ressort de l'article 421 susvisé qu'un tribunal de première instance, saisi d'une infraction sous la qualification de délit correctionnel, demeure compétent et rend son jugement en dernier ressort, lorsqu'il a estimé devoir requalifier cette infraction en délit de police et qu'il a constaté dans sa décision qu'aucune partie n'avait sollicité le renvoi de l'affaire au tribunal de paix; pour statuer sur la recevabilité d'un appel interjeté néanmoins contre un tel jugement, la Cour d'appel doit vérifier et apprécier l'existence des deux conditions auxquelles l'article 421 subordonne l'attribution à ce jugement du caractère de décision en dernier ressort;
Attendu que la Cour d'appel de Rabat était saisie des appels, interjetés par le ministère public et par le prévenu, du jugement du 19 novembre 1963 par lequel, après avoir déclaré que les faits qui lui étaient soumis sous la qualification de coups et blessures volontaires ayants entraîné une incapacité de travail de plus de vingt jours, constituaient en réalité le délit de blessures involontaires prévu à l'article 320 du Code pénal de 1913, le tribunal de première instance de Ac avait prononcé une peine de 500 dirhams d'amande; qu'après avoir énoncé que le prévenu s'était bien rendu coupable du délit de blessures involontaires, la Cour d'appel a déclaré ces appels recevables et a élevé la peine à un mois d'emprisonnement avec sursis et 1 000 dirhams d'amande;
Attendu qu'en application de l'article 252 du code de procédure pénale le délit de blessures involontaires est un délit de police, puisque l'article 320 susvisé qui le réprime prévoit une peine d'emprisonnement ne dépassant pas deux ans; que par suite, ayant ainsi elle-même maintenu la requalification en délit de police décidée par le tribunal, la Cour d'appel a, d'une part, privé sa décision de base légale, en déclarant les appels recevables sans avoir vérifier et indiqué si les parties appelantes avaient ou non renoncé en première instance au renvoi de l'affaire devant le tribunal de paix, et a d'autre part, méconnu les règles de compétence et entaché sa décision de contradiction, en modifiant la sanction de l'infraction de blessures involontaires, délit de police qui échappait à sa compétence;
D'où il suit que l'arrêt attaqué encourt la cassation;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens proposés par le demandeur,
Casse et annule entre les parties l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rabat le 5 mai 1964.
Président : M.Deltel.-Rapporteur : M. Colombini.-Avocat général : M. A : MM.Laporte, Dulière.
Observations
I.-Sur le premier point.-V. La note (II) sous l'arrêt n°1338 du 28 févr. 1963.
II.- Sur le deuxième point.-V, dans le même sens que l'arrêt ci-dessus rapporté, l'arrêt n°859 du 13 avr. 1961, Rec. Crim. t. 2. 217 et la note (I) p. 218.
III.- Sur le troisième point.-En ce qui concerne la contradiction de motifs, v. La note (A) sous l'arrêt n°1279 du 3 janv. 1963 et, sur l'insuffisance de motifs ou manque de base légale, la note (III A) sous l'arrêt n°1220 du 8 nov. 1962.