Rejet du pourvoi formé par la compagnie d'assurances la Paix Africaine contre un jugement rendu le 22 janvier 1964 par le tribunal de première instance de Ad qui l'a substitué à larbi ben lhaj Ac Ab Aa pour le paiement des dommages-intérêts alloués à Mohamed ben haj Salah ben Ahmed.
7 janvier 1965
Dossier n°18406
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, pris de la « violation de l'article 352 du Code de procédure pénale et des articles 230 et 231 du Code des obligations et contrats, du défaut de motifs, du manque de base légale, de la violation de la loi et de la dénaturation des conventions,
En ce que le jugement attaqué a confirmé par adoption de motifs le jugement rendu par le tribunal correctionnel de paix, lequel jugement décidait que l'on ne saurait déduire efficacement de la présence d'une malle de tissu à bord de la voiture légère, un transport de marchandise caractérisé en dehors des prévisions de la police d'assurance et que la compagnie la paix Africaine n'a établissait pas que l'auteur de l'accident, au moment de la survenance de ce dernier, utilisait à titre commercial pour le transport ou la livraison de marchandise le véhicule assuré.
Alors qu'à l'audience du 15 janvier 1964, larbi ben Lhaj, sur la question qui lui était posée par le tribunal correctionnel de première instance, déclarait : « la voiture était chargée d'étoffe, environ un quintal. Ma profession est commerçant en tissu. Je vends seulement sur les souks. Je n'ai pas de boutique à Ae (déclaration consignée sur le plumitif de l'audience) » :
Attendu que le contrat d'assurance souscrit par larbi ben Lhaj, commerçant, stipule que son véhicule automobile est assuré à usage de « promenade et affaires », usage défini à l'article 11 des Conditions générales de la police comme excluant toute utilisation commerciale « même à titre exceptionnel pour le transport ou la livraison de produits ou marchandises »; d'où il suit qu'ayant constaté qu'au moment de l'accident le véhicule de ce commerçant transportait une malle de tissus, les juges du fond n'ont pu, sans dénaturer la clause claire et précise précitée, décider néanmoins comme ils l'ont fait qu'il ne s'agissait pas « d'un transport de marchandises caractérisé, en dehors des prévisions de la police d'assurance »;
Mais attendu qu'aux termes du contrat le changement d'usage du véhicule n'est pas sanctionné par une non-assurance et ne modifie pas les rapports de l'assureur et des victimes d'accident; qu'en effet l'article 12 des Conditions générales précise que la méconnaissance par l'assuré de la clause lui imposant de déclarer à l'assureur tout changement modificatif de risques apporté dans l'usage du véhicule « ne sera pas opposable aux victimes d'accident ou à leur ayants droit, la compagnie conservant le droit de se faire rembourser par l'assuré la portion d'indemnité qu'elle aurait ainsi payée en trop »;
Attendu, dans ces conditions, que le changement d'usage du véhicule demeurant sans influence sur la substitution de la compagnie « La paix Africaine », ordonnée vis-à -vis de Mohamed ben Lhaj pour le paiement des indemnités accordées à cette victime d'accident, cette compagnie d'assurances est sans intérêt à se prévaloir, pour tenter de contester cette substitution d'une dénaturation du contrat qui ne lui a point fait grief;
Qu'en conséquence le moyen ne saurait être accueilli;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par la compagnie d'assurances La Paix Africaine contre le jugement du tribunal de première instance de Ad du 22 janvier 1964.
Président : M.Deltel.-Rapporteur : M. Carteret.-Avocat général : M.Ruolt.-Avocat : Me walch.
Observations
Sur la « dénaturation », v. la note sous l'arrêt n°1212 du 25 oct.1962 et sur la dénaturation des termes clairs et précis d'une police d'assurance, l'arrêt n°1377 du 9 mai 1963.
Lorsqu'une police d'assurance stipule que le véhicule est assuré à usage de « promenade et affaires », et exclut de la grantie toute utilisation commerciale du véhicule, la sanction d'une telle utilisation du véhicule par l'assuré dépend uniquement des termes mêmes de la convention qui fait la loi des parties : cette sanction peut être une non-assurance, opposable aux tiers, ou une réduction d'indemnité (V. la note sous l'arrêt n°804 du 26 janv.1961, Rec.Crim.t.2.155)
En l'espèce, le contrat d'assurance excluait comme sanction la non-assurance et prévoyait expressément la réduction de l'indemnité dans son art.12, aux termes duquel : « Conformément à l'art.17 de l'arr.viz du 28 nov.1934, l'assuré doit déclarer à la compagnie au préalable, par lettre recommandée, toute modification qu'il apportera aux risques concernant les voitures mentionnées dans la police et notamment tout changement dans l'usage, la carrosserie du véhicule ou dans le lieu du garage habituel ou dans le mode d'exploitation « .(al.2) « Au reçu de cette déclaration, la compagnie aura la faculté, soit de résilier le contrat, soit de proposer un nouveau taux de prime ».
(al.3) « En cas de sinistre, si la déclaration a été omise, et si la modification entraîne une augmentation de prime, l'indemnité sera réduite dans le rapport existence entre l'ancienne prime afférente aux véhicules ayant causé le sinistre et celle qui aurait dû être payée ».
L'al. 4 de cet art.précisait que : « La présente clause ne sera pas opposable aux victimes d'accident ou à leurs ayants droit, la compagnie conservant le droit de se faire rembourser la portion d'indemnité qu'elle aurait ainsi payée en trop ».
Les juges répressifs ne pouvaient donc décider, puisque la police excluait toute utilisation commerciale du véhicule, même à titre exceptionnel, pour le transport ou la livraison de produits et marchandises, que le transport de la malle de tissus ne constituait pas un « transport de marchandises caractérisé, en dehors des prévisions de la police d'assurance ».
Mais, en raison même de la sanction prévue par l'art.12 de la police, et de la non-opposabilité
aux tiers de la réduction d'indemnité stipulée entre l'assureur et l'assuré, l'assureur n'avait aucun intérêt à présenter un moyen de cassation tiré de la dénaturation du contrat d'assurance : ce moyen, même s'il était accueilli, n'était en effet pas susceptible d'entraîner la mise hors de cause de la compagnie d'assurances.
Faute d'intérêt, le moyen se trouvait donc irrecevable (sur la notion d'intérêt, v.la note (II) sous l'arrêt n°1220 du 8 nov.1962).