Cassation sur le pourvoi formé par Ac Ab ben M'Bark contre un jugement rendu le 17 mars 1964 par le tribunal de première instance de Rabat qui a confirmé un jugement du tribunal de paix de Kénitra du 16 mai 1962 l'ayant déclaré civilement responsable de Af Ad, condamné à 100 dirhams d'amende pour changement de direction sans précaution et à 200 dirhams d'amende avec sursis pour blessures involontaires.
20 mai 1965
Dossier n°19404
La Cour,
SUR LE MOYEN PRIS D'OFFICEde la violation des articles 373 (alinéa 2) et 374 (alinéa 1er) du Code de procédure pénale et de l'excès de pouvoir :
Vu lesdits articles;
Attendu qu'en application des articles susvisés, si la notification d'un jugement par défaut portant condamnation pénale n'a pas été faite à la personne du prévenu condamné et s'il ne résulte pas d'un acte d'exécution quelconque que ce prévenu ait eu connaissance de la condamnation ainsi prononcée contre lui, son opposition à l'exécution de cette condamnation demeure recevable jusqu'à l'expiration des délais de la prescription de la peine;
Attendu que la décision du tribunal de paix de Kénitra du 16 mai 1962 condamnant le prévenu Af Ad à des peines délictuelles d'amende avait été rendue par défaut à l'encontre de ce
prévenu et contradictoirement à l'égard de son civilement responsable Ac Ab; que le tribunal de première instance de Rabat a statué le 17 mars 1964 sur les appels du ministère public et de Ac, alors que la décision du premier juge avait seulement été notifiée au curateur du prévenu défaillant et qu'il ne résultait d'aucun acte d'exécution que Affaf ait eu connaissance de la condamnation prononcée contre lui;
Qu'en conséquence cette condamnation pouvant être anéantie par l'effet d'une éventuelle opposition formée par ce prévenu dans le délai de cinq ans prévu à l'article 690 (alinéa 1er)
du Code de procédure pénale pour la prescription des peines délictuelles, le tribunal de première instance de Rabat, juge d'appel auquel il incombait de surseoir à statuer tant que cette décision demeurait susceptible d'opposition, a excédé ses pouvoirs et méconnu les textes visés au moyen;
D'où il suit que le jugement d'appel attaqué encourt la cassation, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens du demandeur;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, mais uniquement en ce qui concerne les intérêts de Ac Ab, le jugement rendu par le tribunal de première instance de Rabat le 17 mars 1964.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Carteret.-Avocat général :M.Ruolt.-Avocat : Me Petit.
Observations
I.-Sur le premier point. V. la note (II) sous l'arrêt n°1338 du 28 févr. 1963.
Il.-Sur les deuxième et troisième points.-L'art. 373, al. 2, C. proc. pén. prescrit que : « Si la notification (du jugement par défaut) ne lui a pas été faite à personne et s'il ne résulte pas d'un acte d'exécution quelconque que le prévenu ait eu connaissance de la condamnation, son opposition est recevable jusqu'à l'expiration des délais de la prescription de la peine » et aux termes de l'art. 374, al. 1 er,
du même Code « L'opposition émanant du prévenu met à néant le jugement rendu par défaut, même en celles de ses dispositions qui auraient statué sur la demande de la partie civile ».
L'art. 690, al. 1er, du Code précité édicte que : « Les peines délictuelles se prescrivent par cinq années révolues à compter du prononcé du jugement ».
Affaf avait été condamné par défaut par le tribunal de paix aux peines délictuelles de 100 DH d'amende pour changement de direction sans précaution et à 200 DH d'amende avec sursis pour blessures involontaires, par application des dispositions des art. 9 Dh 19 janv. 1953 et 320 C. pén. de 1913.
Il n'existait au dossier aucune preuve que le prévenu ait eu connaissance de la condamnation pénale prononcée contre lui et la décision du premier juge, notifiée à curateur le 23 mai 1962, pouvait donc faire l'objet d'une opposition de la part du prévenu jusqu'à l'expiration des délais de la prescription de la peine.
Il appartenait dans ces conditions à la juridiction d'appel de surseoir à statuer sur l'appel du ministère public, en ce qu'il concernait Affaf, et sur l'appel du civilement responsable de Aflaf, jusqu'à ce que le délai d'opposition de ce prévenu soit expiré (V. Crim. 30 août 1821, B.C. 137; 25 juil. 1839, B.C. 243; 10 oct. 1834, B.C. 343; 19 mars 1868, B.C. 75; 17 janv. 1873, D.P. 1873.1.222; 14 déc. 1912, B.C. 658; Le Poittevin, Art. 203, nos 31 s.).
Ce sursis s 'imposait en raison du caractère extinctif de l'opposition.
En examinant au fond les appels, au lieu de surseoir à statuer, la juridiction du second degré s'est exposée à violer la règle non bis in idem: puisqu'elle a statué sur l'action publique alors que cette action pouvait faire l'objet d'un jugement sur opposition, lui-même susceptible d'appel. L'hypothèse
n'est pas théorique (V. l'arrêt n°733 du 3 nov. 1960,Rec. Crim. t. 2.42 et la note de M. Aa M. Ae sous Crim. 27 mai 1961, D. 1961.626).
Il convient de rappeler qu'au contraire, la notification d'un jugement par défaut au prévenu et au civilement responsable défaillants fait courir le délai d'opposition contre lesdispositions civiles du jugement et qu'à l'expiration de ce délai le jugement est, faute d'opposition, définitif en ses dispositions relatives aux intérêts civils (v. l'arrêt n°1735 du 26 nov. 1964, la note (I) et les références citées).