Cassation sur le pourvoi formé par B... Contre un jugement rendu le 11 février 1965 par le tribunal de première instance de Rabat qui, infirmant un jugement du tribunal de paix de Rabat-Nord du 21 octobre 1964, a prononcé l'acquittement de F, épouse B... du chef d'abandon du foyer familial et s'est déclaré incompétent pour connaître de la constitution de partie civile de B...
10 juin 1965
Dossier n°19622
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, pris notamment de la «violation des articles 347 et 352 du Code de procédure pénale, et de l'article 479 du Code pénal »:
Vu lesdits articles;
Attendu que l'article 479 (1°) du Code pénal vise le père ou la mère de famille qui se soustrait à tout ou partie des obligations résultant de la puissance paternelle ou de la garde, sans distinguer celui des deux qui les exerce; qu'en effet, consistant essentiellement à nourrir, entretenir, éduquer les enfants et à prendre soin de leur santé, de leur moralité et de leur sécurité, de telles obligations incombent concurremment aux deux parents;
D'où il suit qu'en prononçant l'acquittement de F, épouse B, du chef d'abandon de foyer familial, au motif qu'elle « n'exerce sur son jeune enfant ni la puissance paternelle, ni la tutelle, ni la garde », et en fondant ainsi sa décision sur une distinction que la loi ne comporte pas, le jugement d'appel attaqué a violé l'article 479 (1°) visé au moyen;
Qu'en conséquence ledit jugement encourt la cassation, mais uniquement en ce qui concerne l'action civile, faute de pourvoi du ministère public;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties au présent pourvoi, mais en ce qui concerne les intérêts civils seulement, le jugement du tribunal de première instance de Rabat du 11février 1965.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Carteret. Avocat général: M. Ruolt.-Avocats : MM. Boucetta, Benatar.
Observations
L'art. 479 (1°) nouv. C. pén. punit : « Le père ou la mère de famille qui abandonne sans motif grave, pendant plus de deux mois, la résidence familiale et se soustrait à tout ou partie des obligations d'ordre moral et matériel résultant de la puissance paternelle, de la tutelle ou de la garde ».
La loi du 23 juil. 1942, r. a. Dh. 13 janv. 1943, aujourd'hui abrogée, punissait déjà le délit d'abandon de famille dans les mêmes termes, auxquels le nouveau texte n'a fait qu'ajouter l'expression « ou de la garde ».
La Chambre criminelle de la Cour de cassation française a décidé que la loi 23 juil.1942, devenue l'art. 357, 1, C. pén, « vise les père et mère qui se soustraient aux obligations résultant de la puissance paternelle, sans distinguer celui des deux qui l'exerce » (Crim. 27. 1964, B.C. 72, Gaz. Pal. 1964.2.67, J.C.P. 1964.IV.53, Rev, science crim. 1964.856, commentaire de M. Ac Aa. V. sur ce point : Rép.crim, V° Abandon de famille, par Ac Ad Af, n°8; Ae Ag, Commentaire de la loi du 23 juillet 1942, D.C. 1943.L.14 et notamment les nos 21 s.; P.-A. Pageaud, note sous Colmar, 10 oct. 1957, D. 1958.191; A. Ab, note sous trib. corr. Albertville, J.C.P. 1951.II.6616).
C'est cette même interprétation que donne de l'art. 479 (1°) nouv. C. pén l'arrêt ci-dessus rapporté de la Chambre criminelle de la Cour suprême.