43-64/65 3 novembre 1966 10 333
Ab Af
c/London and Ad Ah Ac et Ae Ag Aa ben Mohamed
Pourvoi contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 7 février 1961.
(Extrait)
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué que Ab, circulant à vélomoteur, fut heurté et blessé à un carrefour par un autre vélomoteur conduit par son propriétaire Ae Ag Aa qui venait sur sa gauche; qu'il a assigné ce dernier ainsi que «The London and Ad Ah Ac» sur la base de l'article 88 du Code des obligations et contrats en réparation du dommage qu'il avait subi; que le tribunal a accueilli partiellement sa demande;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir, sur le seul appel de la compagnie d'assurances, infirmé le jugement et débouté Ab, alors qu'à défaut d'appel de Ae Ag Aa le jugement devait nécessairement sortir son plein effet à l'égard de ce dernier et que l'assureur devant lui être obligatoirement substitué dans l'exécution de ses obligations, le propre appel de la compagnie était inopérant;
Mais attendu que si, en règle générale, les actes de procédure et notamment l'acte d'appel n'ont qu'un effet relatif quant aux personnes qui les exercent ou à celles à qui ils peuvent être opposés, il en va différemment lorsque le litige, en raison de son indivisibilité, n'est susceptible que d'une solution unique pour tous; qu'en pareil cas l'appel d'une des parties condamnées produit effet vis-à-vis des autres parties, même si elles n'ont pas cru devoir user de cette voie de recours; que dès lors le seul appel de la compagnie d'assurances substituée à son assuré pour la réparation du dommage suffisait à porter l'entier litige devant la juridiction du second degré;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.
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Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Bensabat.__Avocat général : M. Guillot.__Avocats : MM. Pajanacci, Lanux.
Observations
L'arrêt rapporté permet d'éviter la contradiction entre deux décisions définitives qui, par suite
d'un exercice différent des voies de recours, auraient jugé différemment l'une à l'égard de l'assuré et l'autre à l'égard de l'assureur. Tel serait par exemple le cas lorsque l'assureur ayant seul relevé appel obtiendrait une décision portant réduction ou même suppression de l'indemnité allouée à la victime; dans cette hypothèse toute autre solution que celle adoptée par la Chambre civile de la Cour suprême entraînerait un conflit difficile à résoudre entre l'obligation imposée par la loi à l'assureur substitué de payer à la place de son assuré, demeuré débiteur de la victime en vertu de la décision des premiers juges, et la décision d'appel qui, dans les rapports de l'assureur et de la victime, aurait réduit ou supprimé l'indemnité due à celle-ci.
Cette solution particulière au droit des accidents causés par les véhicules automobiles sur route
est d'ailleurs imposée par la combinaison de deux principes : d'une part, le principe de la substitution de l'assureur à l'assuré telle qu'elle est prévue par l'art. 2 Dh. 8 juil. 1937 (modifié par Dh. 21 juin 1941 et 23 mai 1942) relatif au règlement des frais et indemnités dus à la suite d'accident d'automobile et aux contrats d'assurances de responsabilité civile des propriétaires de véhicules automobiles sur route (v. Rec. crim. note III sous l'arrêt n. 1735 du 26 nov. 1964, p. 291); d'autre part, le principe selon lequel l'appel de l'une des parties profite aux autres lorsqu'il est impossible d'exécuter simultanément la décision d'appel et la décision de première instance (v. supra note II sous l'arrêt n°43).