Abstract
Procédure pénale
Demande de restitution de numéraires saisis. Restitution par équivalent.
Résumé
Les victimes de vols portant sur des espèces, biens fongibles, ne sauraient par principe être déclarées mal fondées en leurs demandes de restitution de l'argent volé au seul motif que celui-ci n'aurait pas été matériellement individualisé comme appartenant à l'une ou à l'autre d'entre elles, étant donné, ainsi que l'impliquent les termes de l'article 104 du Code de procédure pénale, que la restitution d'espèces saisies est également admise non seulement en nature mais aussi par équivalent.
En la circonstance, le Tribunal qui doit statuer sur la base de l'article 32 du Code pénal sans que la matière ait été autrement réglée par la loi, ne saurait en conséquence reconnaître au condamné un droit de propriété sur les sommes placées sous scellés, dès lors que celles-ci doivent par principe revenir aux victimes des vols à qui elles ont été dérobées.
Motifs
Le Tribunal jugeant correctionnellement,
Attendu que D. C. a été condamné par le Tribunal, aux termes d'un jugement rendu le 7 février 1984 et confirmé en appel par un arrêt de la Cour d'appel de Monaco, en date du 27 février 1984, à la peine de trois ans d'emprisonnement et à celle de 10 000 francs d'amende, du chef de vols et tentatives de vol, ce même jugement l'ayant en outre condamné à payer à J.-M. B., partie civile, la somme de 40 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que lors de la procédure ayant abouti audit jugement, diverses sommes d'argent français en numéraires ont été saisies, placées sous des scellés annexés au procès-verbal de la sûreté publique n° S.J. 8696, en date du 20 novembre 1983 et mises sous main de justice ;
Qu'il s'agit respectivement des scellés n° 2, comprenant vingt-neuf billets de 500 francs, du scellé n° 3, composé d'un billet de 200 francs, 7 billets de 100 francs, 2 billets de 50 francs et 7 billets de 20 francs, et du scellé n° 5 contenant 30 pièces de 10 francs, 3 pièces de 5 francs et 4 pièces de 2 francs ;
Attendu qu'il ressort de la fiche de transmission desdits scellés en date du 29 novembre 1983 que l'ensemble de ces billets et pièces a été trouvé en la possession de D. C. lors de son interpellation survenue ce même 20 novembre 1983, sur laquelle l'enquête préliminaire servant de base à la procédure dont s'agit a été ordonnée ;
Attendu que par une requête sans date parvenue le 16 août 1984 au parquet général, D. C. a sollicité, d'une part, le virement au compte du receveur des droits de régie de Monaco (direction des services fiscaux), de la somme de 12 128 francs correspondant au montant de l'amende susvisée majoré des frais de justice chiffrés à 2 188 francs, et, d'autre part, la restitution de la différence entre ladite somme de 12 128 francs et le total des sommes mises sous les scellés précités qu'il a évalué à 14 500 francs ;
Attendu qu'ayant, par acte en date du 18 janvier 1985 été régulièrement cité à comparaître devant le Tribunal, à l'audience du 19 mars 1985, D. C., actuellement détenu en France, s'est fait représenter à ladite audience par Me P. Lorenzi, avocat-défenseur, lequel a exclusivement maintenu, au nom de son client, les termes de la requête qui viennent d'être rapportés, sans compléter autrement la demande qui en résulte ;
Attendu qu'à cette même audience du 19 mars 1985 et au contradictoire tant du prévenu que du ministère public qui l'a informé de la présente instance, J.-M. B., seule partie civile constituée lors du jugement précité, s'est opposé à la requête de D. C. et a formulé, pour sa part, une demande d'attribution des numéraires placés sous scellés qu'il a reconnu ne pas pouvoir individualiser comme étant ceux qui lui ont été dérobés, à concurrence de 14 483 francs, dans son magasin « Radio-Azur », au cours de la nuit du 27 au 28 octobre 1983, ainsi qu'il ressort du jugement précité, mais qu'il estime devoir lui revenir à titre de réparation ;
Attendu qu'aucune autre demande n'ayant été présentement introduite, le Tribunal se trouve, dès lors, saisi des seules demandes respectivement formulées comme il vient d'être dit par D. C. et par J.-M. B., étant cependant relevé que, par une lettre datée du 29 janvier 1985, et versée aux débats par le ministère public, Monsieur le Directeur des services fiscaux a fait connaître que D. C. était redevable envers le Receveur des droits de régie de la somme susvisée de 12 128 francs sans que le Tribunal n'ait toutefois été procéduralement saisi d'une demande ultérieure de ce chef ;
Sur quoi,
Attendu qu'il résulte de l'arrêt susvisé rendu par la Cour d'appel de Monaco le 27 février 1984, confirmatif du jugement du Tribunal en date du 7 février 1984, que les vols dont D. C. a été définitivement reconnu coupable ont, notamment, porté sur les numéraires suivants : 350 francs, 14 483 francs, 547 francs, 700 francs et 500 francs, ce, au préjudice respectivement des exploitants des commerces ayant pour enseignes : « Marcel R. », « Radio Azur », « Jaguy », « Cybelle » et « G. Fleurs » ;
Attendu que l'ensemble des sommes saisies sur D. C., comme il a été ci-dessus rapporté, totalise un montant inférieur au produit des vols précités ;
Attendu que les victimes desdits vols portant en particulier sur de l'argent constitué d'espèces, biens fongibles, ne sauraient par principe être déclarées mal fondées en leurs demandes de restitution de l'argent dérobé au seul motif que celui-ci n'aurait pas été matériellement individualisé comme appartenant à l'une ou l'autre d'entre elles, puisque, ainsi que l'impliquent les termes de l'article 104 du Code de procédure pénale, la restitution d'espèces saisies est légalement admise non seulement en nature mais aussi par équivalent ;
Attendu qu'en la circonstance, le Tribunal, qui doit statuer sur la base de l'article 32 du Code pénal sans que la matière ait été autrement réglée par la loi, ne saurait en conséquence reconnaître à D. C. un droit de propriété sur les sommes placées sous scellés, dès lors que lesdites sommes doivent par principe revenir aux victimes des vols dont s'agit à qui elles ont, dans leur montant, été dérobées ;
Que la demande de restitution de D. C. strictement limitée dans son objet à la somme de 2 188 francs doit être dès lors rejetée, étant par ailleurs précisé que le Tribunal n'a pas compétence pour statuer sur le surplus de la demande de ce même D. C. telle qu'elle a été formée, tendant à obtenir le virement d'une somme de 12 128 francs en faveur du receveur des droits de régie de Monaco ;
Attendu qu'en l'espèce, eu égard à ce que J.-M. B. est la seule partie civile s'étant constituée contre D. C. et à ce que le Tribunal n'est actuellement saisi d'aucune autre demande de restitution portant sur la somme placée sous les scellés susvisés, ladite somme doit être attribuée à J.-M. B., ainsi que celui-ci le demande, pour venir en déduction des dommages-intérêts qui lui ont été antérieurement alloués, ce, à titre de réparation ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Statuant contradictoirement à l'égard des parties présentes aux débats, soit, outre le ministère public, J.-M. B. et D. C. ;
Rejette la demande de restitution de la somme de 2 188 francs formulée par D. C. ;
Se déclare incompétent pour connaître du surplus de la demande de ce dernier ;
Ordonne l'attribution en pleine propriété à J.-M. B. de la somme totale de :
* 15 963 francs,
contenue dans les scellés numéros : 2, 3 et 5 susvisés ;
Dit que cette somme viendra en déduction de celle de 40 000 francs de dommages-intérêts qui lui a été allouée par le jugement du Tribunal rendu le 7 février 1984 ;
Composition
MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, subst. proc. gén. ; Me Lorenzi, av. déf.
^