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16/03/1972 | MONACO | N°25028

Monaco | Tribunal de première instance, 16 mars 1972, C. c/ B.


Abstract

Prescription

Article 2092 du Code civil - Présomption de paiement - Preuve contraire.

Résumé

La courte prescription instituée par l'article 2092 du Code civil repose sur une présomption de paiement qui ne peut être détruite que par l'aveu ou le serment du débiteur.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que suivant exploit du sept janvier mil neuf cent soixante et onze, le sieur S. C., chirurgien-dentiste, assignait le sieur et la dame B. en paiement conjoint et solidaire de soins dentaires s'élevant à mille deux cent cinquante-six franc

s pour B. et mille trois cent cinquante francs pour la dame B., soit au total la somme de deux mill...

Abstract

Prescription

Article 2092 du Code civil - Présomption de paiement - Preuve contraire.

Résumé

La courte prescription instituée par l'article 2092 du Code civil repose sur une présomption de paiement qui ne peut être détruite que par l'aveu ou le serment du débiteur.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que suivant exploit du sept janvier mil neuf cent soixante et onze, le sieur S. C., chirurgien-dentiste, assignait le sieur et la dame B. en paiement conjoint et solidaire de soins dentaires s'élevant à mille deux cent cinquante-six francs pour B. et mille trois cent cinquante francs pour la dame B., soit au total la somme de deux mille six cent six francs ;

Attendu qu'au motif qu'elle ne comportait, en ce qui concerne les parties citées, aucune des précisions imposées par l'article cent trente-six du Code de procédure civile, B. soulevait la nullité de l'assignation ; qu'en outre et dès lors que le commerce situé à Monaco ne constitue nullement son adresse puisqu'il a son domicile à Casablanca, d'une part, que les soins dentaires sur lesquels est fondée l'action en paiement lui ont été prodigués à Beausoleil où réside le demandeur, d'autre part, il soulevait l'incompétence ratione loci du Tribunal et indiquait qu'il était veuf et qu'il n'existait pas de Madame B. ; qu'il formulait enfin toutes réserves concernant le bien-fondé de la demande, se réservant de lui opposer la prescription ;

Attendu que par jugement du dix-sept juin mil neuf cent soixante et onze, le Tribunal donnait acte à C. de ce qu'il renonçait à l'action engagée contre la dame B. mais entendait poursuivre à rencontre de B. le paiement intégral des soins donnés tant à lui-même qu'à une personne qu'il avait présentée comme son épouse ; qu'il donnait également acte à B. de ses réserves mais rejetait les exceptions de nullité de l'exploit d'assignation et d'incompétence ratione loci par lui soulevées et renvoyait la cause et les parties à l'audience du sept octobre mil neuf cent soixante et onze pour conclusions et plaidoiries sur le fond ;

Attendu que concluant le vingt-sept septembre mil neuf cent soixante et onze, B. soutient que la demande de C. tendant au règlement d'une somme de mille deux cent cinquante-six francs représentant le coût des soins dentaires qui lui ont été donnés dans le courant de l'année mil neuf cent soixante-cinq, est prescrite en vertu des dispositions de l'article deux mille quatre-vingt-douze du Code civil, correspondant, en droit monégasque, à celles de l'article deux mille deux cent soixante-douze du Code civil français ; que cette courte prescription est d'autant plus opposable au demandeur qu'il a réglé à ce dernier, sous la date du trente et un mai mil neuf cent soixante-cinq, la somme de mille deux cent cinquante francs correspondant aux soins dentaires dont s'agit ; qu'il conclut donc, de ce chef, au déboutement de C. de ses prétentions ;

Attendu qu'en ce qui concerne le paiement de la somme de mille trois cent cinquante francs représentant le coût des soins donnés à « Madame B., le défendeur fait valoir que celle-ci n'a jas été présentée à C. comme étant son épouse, qu'il ne s'est jamais porté fort envers ce dernier de lui régler personnellement les honoraires qui pourraient lui être dus par cette tierce personne et qu'en tout état de cause il appartient au demandeur de rapporter la preuve d'un prétendu engagement de payer pour le compte de celle-ci, circonstance dont rien n'établit, en l'état, la réalité ;

Qu'il objecte encore que ce chef de demande se trouve, en toute hypothèse, également prescrit puisque de l'aveu même de C., les soins prodigués à ladite tierce personne, l'ont été aussi en mil neuf cent soixante-cinq ;

Qu'il conclut en conséquence au déboutement de C. des fins de son assignation ;

Attendu que répondant à l'argumentation qui précède le neuf décembre mil neuf cent soixante et onze, C. rappelle que le moyen tiré de la prescription qui lui est opposé fait suite aux exceptions de nullité d'assignation et d'incompétence ratione loci déjà soulevées, apparemment incompatibles avec le paiement effectif de la somme de mille deux cent cinquante francs que B. prétend avoir effectué le trente et un mai mil neuf cent soixante-cinq au moyen d'un chèque dont la remise n'a pu, à elle seule, avoir un effet libératoire ;

Que déniant toute valeur probante au talon de chèque produit par B., il soutient que ce dernier n'a pas hésité à falsifier ce document en le libellant au nom de C., pour tenter de faire croire qu'un règlement avait eu lieu au profit de celui-ci, circonstance équivalant à un aveu du non paiement de sa dette, détruisant la présomption de paiement sur laquelle repose la prescription d'un an prévue par l'article deux mille quatre-vingt-douze du Code civil ;

Qu'il conclut au rejet de l'exception de prescription dont s'agit et à la condamnation de B. au paiement de la somme de mille deux cent cinquante-six francs à laquelle se sont élevés les soins dentaires à lui prodigués ;

Attendu qu'invoquant les dispositions du jugement en date du dix-sept juin mil neuf cent soixante et onze relatives à sa croyance qu'il avait donné ses soins aux époux B., C. prétend qu'en lui présentant une dame comme étant sa femme, B. s'est porté fort vis-à-vis de lui du règlement des soins donnés à celle-ci, en sorte qu'il doit être tenu au paiement de la somme de mille trois cent cinquante francs, montant auquel ses soins se sont élevés, l'exception de prescription subsidiairement opposée devant être rejetée puisque le défendeur avoue n'avoir nullement réglé la somme précitée ;

Qu'il demande, en définitive, qu'il soit fait droit aux fins de son exploit d'assignation et qu'outre la somme de deux mille six cent six francs, augmentée des intérêts de droit, montant des causes dudit exploit, B. soit condamné à lui payer la somme de mille francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive le tout avec exécution provisoire nonobstant appel et sans caution ;

Attendu que pour justifier l'invocation prétendument tardive du règlement par chèque par lui allégué de la somme de mille deux cent cinquante francs et son recours au moyen tiré de la prescription de l'article deux mille quatre-vingt-douze du Code civil, B. réplique le deux février mil neuf cent soixante-douze, d'une part que l'opposition d'un moyen de défense au fond dans ses premières conclusions l'aurait privé de la possibilité de soulever tant la nullité de l'exploit d'assignation que l'incompétence du Tribunal, d'autre part qu'il a, dans lesdites conclusions, demandé qu'il lui soit donné acte de ses réserves de discuter le bien-fondé de la demande et d'invoquer la prescription de l'action ;

Qu'il s'estime d'autant plus fondé à invoquer ladite prescription qu'il n'a jamais reconnu, même implicitement, n'avoir pas réglé la somme réclamée en sorte qu'il ne peut être fait échec en l'espèce à la présomption de paiement qui s'attache aux courtes prescriptions et que conforte, au demeurant, la production du talon de chèque attestant le règlement, immédiat de ladite somme ; qu'il fait plaider enfin que C. n'établit pas, non plus qu'il n'offre de rapporter la preuve, que la personne à laquelle il a donné ses soins lui a été présentée par B. comme étant son épouse et que ce dernier s'est engagé envers lui à régler le coût des soins prodigués à cette personne ;

Qu'il demande au tribunal de rejeter toutes les prétentions de C. telles qu'exprimées dans ses dernières conclusions et de lui donner acte de ses réserves de faire sanctionner les allégations mensongères du demandeur relatives à la prétendue falsification du talon de chèque produit aux débats ;

Attendu que s'il est constant que B. a opposé, abinitio, à l'action de C. des exceptions de nullité et d'incompétence, il n'en a pas moins formulé dans ses premières conclusions des réserves quant au bien-fondé de la demande et à l'invocation éventuelle de la prescription ;

Qu'il ne saurait, dans ces conditions, être fait grief au défendeur dont les premières exceptions ont été rejetées, de recourir à ce nouveau moyen en ce qui concerne le premier chef de la demande tendant au paiement de la somme de mille deux cent cinquante-six francs et de n'avoir pas fait état plus tôt du règlement prétendument effectué par lui le trente et un mai mil neuf cent soixante-cinq du montant des soins dentaires qui lui ont été prodigués à cette époque ;

Attendu qu'il est de principe que la courte prescription instituée par l'article deux mille quatre-vingt-douze du Code civil repose sur une présomption de paiement et que les seuls modes de la détruire sont l'aveu ou le serment du débiteur ; qu'il a été jugé notamment (Cass. civ. 30 novembre 1955, Bull. Cass. Civ. I. n° 418, p. 336) que la prescription triennale établie par l'article deux mille deux cent soixante-douze du Code civil pour l'action des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens pour le paiement de leurs visites, opérations et médicaments repose sur une présomption de paiement que - si elle n'est pas détruite par un aveu contraire du débiteur - ceux à qui elle est opposée ne peuvent écarter qu'en déférant à celui-ci le serment sur la réalité du paiement ;

Or attendu qu'outre le fait que B. n'a jamais avoué, même implicitement, être redevable envers C. du coût des soins à lui prodigués en mil neuf cent soixante-cinq, la production par lui du talon du chèque numéro 235 534 libellé le trente et un mai mil neuf cent soixante-cinq à l'ordre de C. et d'un montant de mille deux cent cinquante francs, soit à six francs près le montant des honoraires réclamés par ce dernier, conforte, en l'état et nonobstant les contestations du demandeur sur l'authenticité de ce document, la présomption de paiement sur laquelle repose la prescription invoquée ;

Qu'il suit qu'à défaut d'aveu contraire de la part de B. et faute par C. de déférer à ce dernier le serment sur la réalité du règlement dont s'agit, l'action tendant au paiement par le défendeur de la somme de mille deux cent cinquante-six francs doit être considérée comme prescrite ;

Qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de débouter de ce chef, C. des fins de son assignation ;

Attendu que dans son jugement du dix-sept juin mil neuf cent soixante et onze, le tribunal, statuant sur l'exception de nullité de l'exploit d'assignation soulevée par B., a relevé que malgré l'absence de prénoms et une adresse inexacte, le fils du défendeur a parfaitement identifié la personne à qui l'exploit était destiné et a refusé la copie en invoquant l'éloignement de » ses parents « circonstance qui ne pouvait que conforter la croyance du demandeur qu'il avait donné ses soins aux époux B. ;

Que, peu importe dans ces conditions, que la personne assignée sous le nom de » Madame B. « n'ait été réellement ni l'épouse ni un membre de la famille du défendeur, dès lors qu'il n'est pas contesté que B. s'est présenté, en mil neuf cent soixante-cinq, dans le cabinet de C. en compagnie d'une femme qui a reçu pour mille trois cent cinquante francs de soins dans des circonstances de nature, en l'état des apparences au moins, à faire accroire au demandeur qu'il avait affaire à l'épouse du défendeur ;

Attendu que C. apparaît, en conséquence, fondé à réclamer à B. le paiement de ladite somme de mille trois cent cinquante francs, l'exception de prescription opposée subsidiairement par ce dernier ne pouvant être accueillie de ce chef en raison de l'aveu qu'il n'a nullement payé les soins donnés à la prétendue » dame B. " ;

Qu'il y a lieu de condamner B. au paiement de ladite somme avec intérêts de droit du jour de l'assignation et de débouter, pour le surplus, C. de ses demandes fins et conclusions ;

Attendu que les dépens doivent être partagés eu égard à la succombance partielle réciproque des parties ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Rejetant comme inopérantes ou mal fondées toutes demandes, fins et conclusions contraires ou plus amples des parties ;

Déclare prescrite, en l'état des dispositions de l'article deux mille quatre-vingt-douze du Code civil, l'action en paiement de la somme de mille deux cent cinquante-six francs engagée par C. le sept janvier mil neuf cent soixante et onze ;

Déboute, en conséquence ledit C. de ce chef de demande, déclare, par contre, C. bien-fondé en son 2e chef de demande tendant au paiement par B. de la somme de mille trois cent cinquante francs ;

Condamne en conséquence B. à payer cette somme à C., avec intérêts de droit à compter du sept janvier mil neuf cent soixante et onze ;

Ordonne, vu l'ancienneté de la dette, l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution ;

Composition

MM. de Monseignat. prés. ; Rossi, vice-prés. ; François, prem. subst proc. gén. ; MMe Clérissi et Sanita, av. déf.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 25028
Date de la décision : 16/03/1972

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : B.

Références :

Article 2092 du Code civil
Code civil
Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1972-03-16;25028 ?

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