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20/04/1972 | MONACO | N°25033

Monaco | Tribunal de première instance, 20 avril 1972, S. et Vve F. c/ B.


Abstract

Locaux d'habitation

Impenses effectuées par le preneur dans les lieux loués. Ignorance du bailleur. Absence de nécessité. Remboursement (non).

Résumé

Le remboursement de travaux effectués par le locataire à l'insu du propriétaire n'incombe pas légalement à celui-ci dès lors qu'ils n'étaient pas nécessaires à l'usage normal des lieux loués.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu qu'à la suite de la location très prolongée d'un appartement, propriété indivise du sieur S. et de la dame Veuve F., le sieur B. donnait congé pour le

trente septembre mil neuf cent soixante-dix par lettre recommandée AR du vingt-neuf juin mil neuf cent soixant...

Abstract

Locaux d'habitation

Impenses effectuées par le preneur dans les lieux loués. Ignorance du bailleur. Absence de nécessité. Remboursement (non).

Résumé

Le remboursement de travaux effectués par le locataire à l'insu du propriétaire n'incombe pas légalement à celui-ci dès lors qu'ils n'étaient pas nécessaires à l'usage normal des lieux loués.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu qu'à la suite de la location très prolongée d'un appartement, propriété indivise du sieur S. et de la dame Veuve F., le sieur B. donnait congé pour le trente septembre mil neuf cent soixante-dix par lettre recommandée AR du vingt-neuf juin mil neuf cent soixante-dix adressée au sieur Sa., mandataire des propriétaires, déclarant faire « toutes réserves de droit quant au remboursement des fournitures et installations forcées effectuées... par suite de votre carence, des éléments indispensables suivants : chaudière gaz neuve, chauffage central, vesuvius gaz neuf, salle de bains, radiateur plus conséquent neuf, couloir, compte tenu du facteur utilisation, s'entend » ; que Sa., accusait réception du congé le deux juillet mil neuf cent soixante-dix, déclarait aviser le Service du Logement et demandait rendez-vous en temps opportun pour faire un état des lieux et recevoir les clefs ;

Attendu que le trente septembre mil neuf cent soixante-dix, un employé de B. subordonnait la remise des clefs au versement préalable d'une somme de deux mille cinq cents francs environ représentant la reprise d'appareils restant dans l'appartement, ainsi qu'il en aurait été convenu entre son mandant et Sa. ; que cette prise de position et ces déclarations faisaient l'objet d'un constat de Maître Marquet du même jour, à la requête des co-propriétaires qui, le seize novembre mil neuf cent soixante-dix, assignaient en référé B. pour obtenir une remise forcée des clefs ; qu'il était fait droit à cette demande par ordonnance du vingt novembre et que les clefs furent remises dès le lendemain ; qu'une nouvelle assignation en référé, en février mil neuf cent soixante et onze, tendant à l'enlèvement d'un placard, de deux lustres et d'objets encombrant la cave n'eut pas de suite, le nouveau locataire ayant assumé cette charge ;

Attendu que suivant exploit du vingt-huit octobre mil neuf cent soixante et onze, S. et la dame Veuve F. ont assigné B. pour s'entendre condamner au paiement de deux mille trois cent deux francs soixante-quatorze centimes représentant un trimestre de loyer et les charges locatives afférentes à ce quatrième trimestre de mil neuf cent soixante-dix, des frais de déménagement, le coût de deux constats, le remplacement de la pompe de chauffage et les frais et dépens de la procédure de référé, outre mille francs de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu que par conclusions du dix-neuf janvier mil neuf cent soixante-douze, B. soutient que son congé était donné en rappelant les installations auxquelles il avait procédé par suite de la carence des bailleurs et dont il demandait un remboursement raisonnable à fixer amiablement, que l'accusé de réception du congé donné sans protestations ni réserves confirmerait l'existence d'un accord qui serait intervenu verbalement avec Sa., lequel ne l'aurait dénié qu'en raison de l'attitude des propriétaires le trente septembre ; que le constat dressé ce jour-là, à leur diligence, mentionne d'ailleurs qu'ils ont demandé d'abord à voir les appareils avant de refuser de les prendre en charge au prétexte qu'ils étaient d'un modèle ancien ; que le marchandage se serait poursuivi par téléphone jusqu'au moment où sur sa lettre du dix octobre mil neuf cent soixante-dix réitérant son offre de restituer les clefs contre deux mille cent quarante et un francs représentant soixante pour cent de la valeur des installations, les propriétaires l'ont assigné en référé ; qu'il déduit tant de l'acceptation du principe d'une reprise que de la jurisprudence mettant à la charge du bailleur les réparations nécessaires faites par le preneur au-delà des simples réparations locatives, le bien fondé de ses prétentions ;

Qu'il considère donc que l'appartement ayant été suffisamment libéré pour le trente septembre, le retard apporté à une nouvelle location n'a résulté que du revirement des bailleurs qui doivent être déboutés de leur demande ; qu'en recourant à la voie reconventionnelle, il réclame une indemnisation raisonnable des installations, qu'il évalue à deux mille cent quarante et un francs, outre mille francs de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que les demandeurs, en leurs conclusions en réponse du neuf mars mil neuf cent soixante-douze, objectent que les installations, opérées sans leur accord et même à leur insu, ne représentaient pas les impenses nécessaires, indispensables à la conservation ou à l'usage de la chose louée, dont le remboursement peut être réclamé par le preneur mais des améliorations faites dans l'intérêt personnel de celui-ci et n'ayant apporté aucune plus-value à l'immeuble auquel les appareils se sont incorporés ; qu'ils démentent tout accord de reprise émanant d'eux mêmes ni de leur mandataire, leur désir légitime de voir si des appareils inconnus étaient en état de marche ne pouvant constituer la reconnaissance implicite de l'acceptation d'en rembourser une partie du prix ; qu'en affirmant que l'exercice indu de la rétention des clefs a retardé la location suivante, ils persistent en leurs demandes, sous la seule déduction de cent cinquante francs de déménagement pris en charge par leur nouveau locataire et concluent au rejet de la demande reconventionnelle ;

Attendu qu'il est incontesté que B., locataire de longue date a apporté dans les lieux, au cours des années, des modifications sans en avoir même donné avis à ses bailleurs ; qu'il résulte de ses propres communications qu'il avait fait changer une première fois en mil neuf cent cinquante-sept la chaudière à charbon, usée ; que le remplacement de celle-ci en mil neuf cent soixante-cinq par une chaudière à gaz ne peut avoir procédé d'une nécessité mais d'une plus grande facilité d'utilisation et ne saurait être considéré comme l'impense nécessaire à l'usage normal de l'appartement, non plus que l'installation, à une date et pour un prix inconnus, d'un chauffage plus puissant dans le couloir ;

Qu'en admettant par ailleurs que le mémoire de l'entreprise Airaldi relatif à la vérification et au remplacement d'un chauffe-bains concerne bien l'appartement litigieux, bien qu'il porte comme indication de lieu « villa F », il doit être considéré que la réalisation de ces travaux sans recours ni même avis aux propriétaires ne laissait pas place à un remboursement et qu'en tous cas ils ont été amortis par dix années d'utilisation ;

Attendu que le remboursement de ces impenses ne peut donc être considéré comme incombant légalement aux propriétaires et que les circonstances de la cause n'établissent pas davantage un accord sur ce point ;

Attendu en effet que le laconisme de l'accusé de réception du congé ne peut être considéré comme l'acceptation des réserves de réclamer le remboursement des impenses indiquées ; que si des pourparlers, d'ailleurs démentis, ont pu intervenir, rien n'établit qu'ils aient abouti à un accord qui ne résulte pas, même implicitement, de la visite des appareils à la fin du bail et de la déclaration de constatation de leur vétusté ;

Qu'il apparaît en conséquence que si B. a escompté ou espéré un remboursement partiel, la subordination de la remise des clefs à un règlement préalable, puis la rétention de ces clefs ne reposaient pas sur un droit et que les atermoiements qui en ont résulté ont entraîné pour les bailleurs un préjudice dont il leur est dû réparation, tandis que les prétentions énoncées par B. sous forme de demande reconventionnelle doivent être rejetées ;

Attendu, pour l'évaluation du préjudice subi, que toutes les demandes des propriétaires ne peuvent être accueillies ;

Attendu en effet que les clefs ayant été restituées le vingt-et-un novembre, le dommage ayant résulté du retard ne peut correspondre au loyer d'un trimestre entier même si la réoccupation des lieux n'a pas été immédiate, un léger délai de nettoyage et remise en état étant classique entre deux locations ; qu'un abattement d'un tiers doit être opéré sur les deux premiers chefs de demande (loyer et charges) et que la somme à allouer doit être fixée à sept cent soixante-quatorze francs (deux tiers de neuf cent quarante-sept francs quarante-neuf centimes + deux cent treize francs cinquante-trois centimes) ; que le garage d'octobre est dû, soit soixante-quatorze francs quatre-vingts centimes, ainsi que le coût des constats entraînés par la résistance de B. : cent cinquante francs ; qu'il est renoncé aux frais de déménagement de la cave ; qu'il n'est pas établi que le remplacement de la pompe de chauffage ait été rendu nécessaire par la faute du preneur plutôt que par une usure normale et que ce chef de demande ne peut être accueilli, non plus que les dépens du référé auxquels a été condamné B. au profit des demandeurs qui disposent déjà d'un titre pour recouvrer ce chef de leur créance ;

Que le montant total de la condamnation doit donc s'établir à neuf cent quatre-vingt-dix-huit francs quatre-vingts centimes, somme à laquelle il n'y a lieu d'ajouter des dommages intérêts complémentaires, B. ayant pu se méprendre de bonne foi sur l'étendue de ses droits et les améliorations apportées par lui ayant pu, même dans une assez faible mesure, profiter aux bailleurs ;

Attendu que le défendeur qui succombe doit supporter les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Accueille en la forme le sieur S. et la dame Veuve F. en leur action ; les y déclare fondés en son principe et partiellement en son montant ;

Condamne B. à leur payer la somme de neuf cent quatre-vingt-dix-huit francs quatre-vingts centimes en réparation du préjudice occasionné par sa résistance à libérer les lieux après la date pour laquelle il avait donné congé ;

Accueille en la forme B. en sa demande reconventionnelle, mais l'y déclare mal fondé et l'en déboute ;

Rejette comme inopérantes ou mal fondées toutes autres demandes, fins et conclusions des parties ;

Composition

MM. de Monseignat, prés., François, prem. subst. proc. gén. ; MMe Marquet et Marquilly, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25033
Date de la décision : 20/04/1972

Analyses

Baux ; Immeuble à usage d'habitation


Parties
Demandeurs : S. et Vve F.
Défendeurs : B.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1972-04-20;25033 ?

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