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25/05/1972 | MONACO | N°25035

Monaco | Tribunal de première instance, 25 mai 1972, Dame de G. c/ dame C.


Abstract

Succession

Renonciation anticipée à une succession. Reconnaissance d'un droit de propriété. Pacte sur succession future. Nullité.

Résumé

La reconnaissance à un tiers de la propriété de fonds détenus par le défunt effectuée dans le cadre d'une renonciation anticipée à une succession s'analyse en un pacte sur succession future et est comme telle, entachée de nullité.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que le sieur R. L. de G., ressortissant belge, époux en secondes noces de la dame S. C., qu'il avait épousée le neuf mars mil

neuf cent soixante et un sous le régime de la séparation de biens et avec qui il vivait à Cagnes-sur-mer, est...

Abstract

Succession

Renonciation anticipée à une succession. Reconnaissance d'un droit de propriété. Pacte sur succession future. Nullité.

Résumé

La reconnaissance à un tiers de la propriété de fonds détenus par le défunt effectuée dans le cadre d'une renonciation anticipée à une succession s'analyse en un pacte sur succession future et est comme telle, entachée de nullité.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que le sieur R. L. de G., ressortissant belge, époux en secondes noces de la dame S. C., qu'il avait épousée le neuf mars mil neuf cent soixante et un sous le régime de la séparation de biens et avec qui il vivait à Cagnes-sur-mer, est décédé en Belgique le premier septembre mil neuf cent soixante-neuf, en l'état d'un testament olographe du premier mars mil neuf cent soixante-huit par lequel il déclarait léguer tout ce qu'il possédait, sans exception ni réserve, à sa fille adoptive de G. V., S., épouse B., à qui il laissait la charge et les frais de ses funérailles, ajoutant « le présent testament annule toutes dispositions antérieures » ; Qu'un acte de notoriété dressé le vingt-deux décembre mil neuf cent soixante-neuf par Maître Brohee, Notaire à Bruxelles, a confirmé l'attribution intégrale de la succession à la dame de G.-B., la veuve étant privée de tout usufruit légal ;

Attendu que feu R. de G. avait effectué le onze juillet mil neuf cent soixante-six à la Société de Banque et d'Investissement (S.O.B.I.) à son seul nom, un dépôt de la somme de trente cinq mille francs en un compte bloqué numéro mille trente cinq pour la durée de six ans et quinze jours, du vingt juillet mil neuf cent soixante-six au cinq août mil neuf cent soixante-douze au taux de dix pour cent l'an, et que Maître Brohee, chargé de la succession à Bruxelles, apprenait de la S.O.B.I. que celle-ci avait été saisie d'une opposition sur cet investissement, faite le vingt octobre mil neuf cent soixante-neuf par la dame C. Veuve de G. ;

Attendu que suivant exploit du vingt-six janvier mil neuf cent soixante et onze, la dame V. de G. (épouse B.) a assigné la dame C., en présence de la S.O.B.I., pour entendre déclarer que son opposition a été faite sans titre ni droit, en voir ordonner la mainlevée et autoriser la S.O.B.I. à se libérer valablement entre les mains de la demanderesse qui réclame en outre de la dame C. mille francs à titre de dommages-intérêts ; qu'elle précise en ses conclusions du vingt-cinq novembre mil neuf cent soixante et onze, ayant eu connaissance avant l'assignation des moyens de la dame C., que sous le régime de la séparation de biens les créances appartiennent à l'époux qui en est titulaire sans que l'origine des deniers ait à être considérée, tout en contestant formellement que le compte ait été ouvert avec des fonds appartenant à la dame C., ce que ne sauraient établir les documents produits par celle-ci, notamment la déclaration qu'elle avait faite elle-même le vingt-neuf septembre mil neuf cent soixante-six qui, en tout état de cause, serait radicalement nulle en ce qu'elle aurait constitué un pacte sur succession future ;

Attendu que la dame C., concluant les douze janvier et vingt-et-un avril, soutient que le seul problème consiste à savoir si feu de G. était effectivement propriétaire des fonds qu'il a déposés à la S.O.B.I. ; qu'elle produit des documents établissant sa fortune personnelle et l'impécuniosité de son mari, ainsi que deux lettres que celui-ci adressait à la S.O.B.I. les quinze et dix-huit août mil neuf cent soixante-six pour mettre le compte au nom de sa femme, reconnaissant les droits de celle-ci, de même que les reconnaissait la demanderesse elle-même en une déclaration du vingt-trois septembre mil neuf cent soixante-six ; qu'elle conclut au déboutement de celle-ci, mais propose verbalement l'audition par voie d'enquête du notaire de la famille, au courant de l'origine des fonds ;

Attendu que la S.O.B.I., comparaissant le quatre février mil neuf cent soixante et onze par le sieur Marchal, sous-directeur, a déclaré détenir les trente cinq mille francs investis par le sieur de G. ;

Attendu que peu de temps après avoir effectué le dépôt en compte bloqué à son seul nom, de G. a écrit à la S.O.B.I., le quinze août mil neuf cent soixante-six, pour lui demander de préparer un avenant ayant pour effet de muter le contrat de dépôt au nom et en faveur de la dame C., proposant de signer pour la cession et son épouse pour la reprise du compte bloqué ;

Qu'à la suite d'une réponse de la S.O.B.I. du dix-huit août, qui n'est pas produite par la dame C., de G. suggérait de « donner acte qu'au cas de son décès avant le cinq août mil neuf cent soixante-douze, le contrat sera muté d'office au nom et en faveur de la dame C. » ou bien « de prolonger la durée du contrat de façon à ce qu'il y ait un terme de six ans au nom de Madame C. » ;

Attendu que cette dernière produit enfin une déclaration de la dame de G. épouse B., du vingt-neuf septembre mil neuf cent soixante-six, selon laquelle celle-ci déclarait renoncer formellement et définitivement à ses droits à la succession, en cas de décès de son père, en ce qui concerne la somme de trente cinq mille francs et reconnaissait que cette somme est la propriété de la dame C., son épouse ;

Attendu que la dame C. soutient que ces documents établiraient que les fonds déposés par son mari étaient sa propriété personnelle, seule question déterminante du sort du litige ;

Mais attendu qu'une telle origine des fonds ne résulte pas de la rédaction des lettres produites ; qu'en considération du fait que le dépôt venait d'être réalisé par de G. à son seul nom, la première lettre, ne démentant pas les mentions du contrat, apparaît comme une intention libérale immédiate, que l'interdiction de donation entre époux, selon l'article neuf cent cinquante quatre du Code civil a pu faire apparaître comme sujette à annulation ; que la seconde lettre caractérise une intention de libéralité post mortem qui ne semble pas avoir été détruite, ni auprès de la S.O.B.I. ni sous forme de testament ; qu'en tout état de cause, le testament largement postérieur, du premier mars mil neuf cent soixante-huit, a déclaré annuler toutes dispositions antérieures ;

Attendu que si la dame B. a reconnu la propriété de la dame C. sur les fonds, ce n'est que dans le cadre d'une renonciation anticipée à la succession de son père qui ne peut s'analyser qu'en pacte sur succession future, dont l'article neuf cent quatre vingt-cinq du Code civil et toute la jurisprudence intervenue sur l'article mille cent trente français identique consacrent la nullité ;

Attendu que la dame C. soutient, il est vrai, que sa propriété des fonds était antérieure même au dépôt et propose, en plus des éléments déjà analysés, d'en rapporter la preuve ou au moins la présomption par voie d'audition d'un témoin ;

Mais attendu que cette circonstance, même si elle pouvait être établie, en cette forme en une matière où la preuve doit être rapportée par écrit, car il s'agit d'établir une simulation, ne serait pas déterminante, comme le soutient la dame C., du sort du litige ;

Attendu qu'aussi bien qu'en France, la jurisprudence belge, qui a toute sa valeur en une matière relevant du statut personnel des parties, toutes de nationalité belge, considère que sous le régime de séparation de biens, toutes les acquisitions faites par chacun des époux en leur nom propre leur demeurent personnelles, sans que, pour les acquisitions à titre onéreux, il faille se préoccuper de l'origine des deniers (Courtrai, trente novembre mil neuf cent cinquante ; Bruxelles, six mars mil neuf cent soixante-trois) ;

Qu'il y a donc lieu de faire droit aux fins de l'assignation, sauf en ce qui concerne les dommages-intérêts, d'ordonner la mainlevée de l'opposition pratiquée sans droit ni titre par la dame C. et de condamner celle-ci aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Accueille en la forme la dame de G. épouse B. en son action ; l'y déclare fondée et y faisant droit, déclare que l'opposition formée le vingt octobre mil neuf cent soixante-neuf par la dame C. Veuve de G. sur le compte dont feu R. de G. était titulaire auprès de la S.O.B.I. l'a été sans droit ni titre ; ordonne la mainlevée de cette opposition ;

Dit que la S.O.B.I., à qui acte est donné de sa déclaration, est autorisée à se libérer valablement entre les mains de la dame de G. épouse B., légataire universelle de son père défunt ;

Rejette la demande complémentaire de dommages-intérêts ;

Composition

MM. de Monseignat, prés. ; François, prem. subst. proc. gén. ; MMe Lorenzi et Sanita, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25035
Date de la décision : 25/05/1972

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités ; Droit de propriété


Parties
Demandeurs : Dame de G.
Défendeurs : dame C.

Références :

Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1972-05-25;25035 ?

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