Abstract
Faillites
Contredit - Tribunal de Première Instance - Plénitude de juridiction - Compétence (oui) - Convention - Exécution - Option - Livraison en nature ou paiement d'une somme assortie d'intérêts - Impossibilité d'exercer la première branche - Intérêts conventionnels dus - Admission à la faillite (oui)
Résumé
Le Tribunal, saisi d'une contestation ou d'un contredit dans le cadre d'une faillite, jouit de sa plénitude de juridiction et doit statuer sur la valeur de la contestation
L'acte de vente intervenu entre les parties et assorti d'une grosse nominative prévoyait comme modalités de paiement :
- soit une dation en paiement en mètres carrés de l'immeuble à construire,
- soit, si la livraison n'était pas faite dans le délai prévu, le droit de renoncer à la livraison en nature moyennant le paiement comptant d'une somme d'argent avec intérêt à 10 % à dater du jour de la vente.
La dation en paiement n'ayant pu être réalisée par suite de la faillite de la société, le créancier peut produire à la faillite non seulement pour le prix convenu en principal mais aussi pour les intérêts au taux et depuis la date prévus par la convention.
Motifs
LE TRIBUNAL,
Attendu que le sieur G., ayant produit au passif de la faillite de la Société Monte-Carlo Résidence Palace pour diverses sommes, comprenant notamment à titre privilégié 3 000 000 de F, montant d'une créance constituée par une convention et une « grosse nominative » du 1er décembre 1967 inscrite le 21 du même mois et 1 375 000 F représentant les intérêts à 10 % sur cette somme du 1er décembre 1967 au 22 février 1972, jour de la production, n'a été admis, de ce chef, que pour la somme en principal ;
Qu'il a formé, le 10 mai 1972, un contredit, dont la recevabilité n'est pas contestée en la forme, contre la décision de rejet des intérêts, en soulignant que ceux-ci avaient un caractère conventionnel, l'acte de vente et la grosse précisant qu'ils seraient dus, à partir de leur date, si la dation en paiement prévue à l'acte ne pouvait se réaliser, ce qui a bien été le cas, la faillite de la société ayant empêché toute construction ;
Attendu que le Syndic O. soutient, le 5 juillet 1972, que le contredit est irrecevable tant parce que G. aurait pu ne pas produire sans compromettre pour autant ses droits en ce qui concerne le capital, que parce que sa mention finale « sous réserve de tous moyens à modifier ou à ajouter le cas échéant » est incompatible avec la nécessité, pour un moyen, d'être certain et bien déterminé ; qu'il soutient, au fond et à titre subsidiaire, que seule pourrait intervenir une admission provisionnelle en attendant que G. ait fait trancher au fond sa prétention par la juridiction compétente, compte tenu de ce que le titre invoqué n'a pas prévu que les intérêts seraient dus en cas de faillite, circonstance ne constituant pas l'événement prévu pour rendre les intérêts exigibles, et du fait que la Société n'a pas contracté l'obligation de construire dans un délai déterminé ;
Attendu que G. reprenant le 25 août l'exposé détaillé des faits et de la convention du 1er décembre 1967 précise que les intérêts qu'il réclame ont été arrêtés à la date de confection du bordereau mais qu'ils continueront évidemment jusqu'à la réalisation du gage ; qu'il précise que l'acte de vente du 1er décembre 1967 prévoyait comme modalités de paiement :
* soit une dation en paiement en mètres carrés de l'immeuble à construire, à livrer quatre ans après l'obtention du permis de construire et avec une clause pénale en cas de retard ;
* soit, si la livraison n'était pas faite dans le délai prévu, le droit pour le vendeur de renoncer à la livraison en nature moyennant le paiement comptant de 3 000 000 de F avec intérêts à 10 % à dater du jour de la vente ;
Qu'il mentionne que le permis de construire, demandé le 29 avril 1969 a fait l'objet d'un accord de principe, sous réserve d'une modification de détail, le 20 octobre 1969, et que seule l'impécuniosité de la société, qui a entraîné sa déclaration de faillite, a empêché la réalisation de la construction qui conditionnait le paiement en nature ; qu'il ne disposait plus, dans l'option qui lui était ouverte, que du paiement en argent et que le syndic l'a bien reconnu ainsi, puisqu'il l'a admis pour 3 000 000 de F en capital, créance qui doit comporter les accessoires conventionnels ;
Attendu qu'en réponse à ses conclusions, le syndic objecte, le 13 décembre, qu'une admission de créance à une faillite ne peut entraîner de conséquences supplémentaires ; que lors de cette faillite, G. n'avait pas manifesté sa volonté quant à l'exercice de l'option ni mis la société en demeure d'exécuter la dation en paiement ; que la production à faillite ne valait pas exercice de l'option et que la convention ne prévoyait pas le paiement d'intérêts en cas de faillite ; qu'il conclut donc au rejet de la contestation ;
Attendu, en ce qui concerne la première objection de forme soulevée par le syndic, que s'il est bien exact qu'une contestation doit être précise et suffire à elle-même, il apparaît que la formule finale ajoutée au contredit n'a été qu'une clause de style, superflue dans la mesure où G. avait bien précisé l'objet de sa contestation et n'y a pas ajouté de branches ni de moyens nouveaux ;
Attendu que M. O. ne saurait davantage être suivi dans sa suggestion d'une admission provisionnelle en attendant la décision d'une juridiction compétente qu'il appartiendrait à G. de saisir au fond ;
Attendu en effet que le Tribunal saisi d'une contestation ou d'un contredit dans le cadre d'une faillite, jouit de sa plénitude de juridiction, et que nul autre n'a de compétence dérogatoire ; que s'il lui arrive de prononcer des admissions provisionnelles pour éviter que de longues procédures ne retardent la réunion d'une assemblée concordataire, c'est toujours lui qui, finalement, statue au fond ; que tous les éléments permettant une telle décision se trouvant réunis, sans nécessité de mesure avant dire droit, il y a lieu de statuer sur la valeur de la contestation ;
Attendu que l'acte authentique du 1er décembre 1967 intitulé Vente, et dont il est dit, sans appeler de protestation, qu'il est assorti d'une grosse nominative du même jour, de 3 000 000 de F au profit de G., constitue une convention pour le moins complexe mais dont les points concernant le litige actuel sont analysés de façon exacte par les conclusions de G. du 25 août, telles qu'elles viennent d'être rappelées ;
Attendu que la convention n'a certes pas précisé qu'une éventuelle faillite entraînerait les effets attachés au défaut de livraison des locaux dans le délai prévu, ni plus précisément le cours des intérêts, mais qu'il faut considérer que c'est cette faillite, imputable à M.C.R.P., qui a rendu définitivement impossible la réalisation de la dation en paiement et, par là même, a fait disparaître l'une des branches de l'option dont disposait G. ; que le syndic l'a bien reconnu lui-même en admettant G. au passif privilégié pour les 3 000 000 de F de sa production et en écartant l'impossible hypothèse d'une dation en paiement ;
Qu'il importe peu dès lors que le délai prévu ne fut pas encore écoulé, et même qu'il n'y ait pas eu de mise en demeure puisqu'il était certain que la construction ne serait jamais possible par M.C.R.P. et que ne saurait équitablement être opposée au créancier la clause de délai émanant du seul rédacteur et bénéficiaire de l'acte et dont la prise à effet, potestative, dépendait en fait de lui qui pouvait surseoir à la demande de permis de construire ou la présenter dans des conditions inacceptables ;
Attendu que le paiement en espèces du prix de vente étant seul possible, il est normal que le prix convenu en principal soit assorti des intérêts au taux et depuis la date prévus à la convention, acte étant donné à G. de ses réserves de les réclamer pour la période postérieure à sa production ;
Attendu que le syndic défendeur qui succombe doit supporter les dépens ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Accueille en la forme le sieur G. en sa contestation et, statuant du seul chef des intérêts du prix de vente résultant de la convention du 1er décembre 1967, l'y déclare bien fondé ; le déclare admis, en sus
Composition
MM. de Monseignat pr., François prem. subst. gén., MMe Marquilly et Marquet av. déf.
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