Abstract
Arbitrages
Sentences arbitrales - Voies de recours
Résumé
En matière de sentence arbitrale, deux voies de recours sont ouvertes aux parties :
- La première, prévue par les articles 956 et 964 du Code de procédure civile, ne concerne que les conditions de forme dans lesquelles la sentence a été rendue et tend à faire prononcer la nullité du jugement arbitral. Elle n'est ouverte que dans les 5 cas limitativement énumérés par l'article 964 ;
- La seconde, prévue par l'article 959 du Code de procédure civile, est une véritable voie de recours, portée devant le Tribunal de première instance, et remet en cause le fond même de la sentence. Elle tend à faire réformer cette sentence.
Ces deux voies ne peuvent être confondues en raison même de la nature de la décision à laquelle elles doivent aboutir ; la partie demanderesse doit donc soigneusement préciser laquelle de ces deux procédures elle entend suivre.
Motifs
LE TRIBUNAL,
Attendu qu'à l'occasion d'un différend complexe les opposant, la société Union Continentale d'Édition (U.C.EDIT.), la société Européenne d'Édition (U.N.EDIT.), la société Générale d'Édition du Livre (SO.GE.LIVRE), la société des Éditions de l'Ère Atomique, représentées par le sieur F. L., d'une part, et les sieurs R. K., P. K. et J.-R. G., d'autre part, avaient signé à Monaco, le 2 mai 1963, un compromis par lequel ils s'accordaient pour soumettre tous leurs litiges à la décision d'un tribunal arbitral, composé de trois membres, dont un président tiers-arbitre chargé, s'il ne pouvait concilier les parties, de prononcer la sentence de jugement, susceptible d'appel devant la Cour d'Appel de la Principauté ;
Attendu que la sentence, qualifiée de jugement arbitral, était rendue le 5 octobre 1967 par feu Maître Victor Raybaudi, Président désigné par la convention du 2 mai 1963, déposée au Greffe Général le 21 décembre 1971, rendue exécutoire par ordonnance du 21 décembre 1971 en conformité de l'article 957 du Code de procédure civile, le tout signifié à la diligence des défendeurs ;
Attendu que par exploit de Maître Marquet J.J., Huissier, du 8 février 1972, les sieurs R. et P. K. et J.-R. G. appelaient du jugement arbitral devant la Cour d'Appel de la Principauté aux fins de faire constater la nullité de la décision, comme n'émanant que du seul tiers- arbitre, et prononcer son rejet pour absence de motifs et autres causes, lesquelles, développées dans les conclusions, ajoutaient, au défaut de motivation déjà visé, l'expiration du compromis ;
Attendu que par arrêt du 26 février 1973, la juridiction d'appel rejetait le premier moyen, constatait que les deux autres étaient irrecevables car constituant des cas de nullité prévus par la loi (article 964 du Code de procédure civile) pour l'exercice de la voie de l'opposition à l'ordonnance d'exécution et, sur ces deux chefs, renvoyait les appelants à se pourvoir comme il appartiendrait ;
Attendu que les consorts K. - G. se sont alors tournés vers le tribunal de céans, devant lequel, par acte antérieur de Maître Marquet, huissier, du 3 février 1972, également qualifié d' « appel et assignation », ils avaient, dans une formulation et pour des fins apparemment identiques à celles de l'exploit du 8 février 1972, fait citer les défenderesses - la cause, ainsi introduite, ayant été à deux reprises appelée et mise au rôle général avant l'arrêt ;
Attendu qu'après avoir respectivement déposé des conclusions sous les dates des 5 juillet 1973 et 5 mars 1974, (K. - G.), et le 8 novembre 1973 (Ucedit, Unedit, Sogelivre, Éditions de l'Ère Atomique), tendant pour les premières à l'annulation de la sentence arbitrale et pour les secondes, au rejet de l'exploit du 3 février 1972, qui ne saurait être qualifié d'opposition à ordonnance d'exéquatur, à la déclaration de la nullité de la procédure ainsi engagée et à la reconnaissance du caractère préparatoire de la sentence du 5 octobre 1967, les parties se déclarent d'accord pour voir tout d'abord trancher par une première décision la question de la solidité ou de la nullité de l'exploit susvisé ;
Attendu que les demandeurs soutiennent que l'exploit du 3 février 1972, remplissant les conditions de régularité de forme posées par les sections I et II du titre 1er du livre deuxième du Code de procédure civile, est bien l'acte introductif valable de l'instance en annulation par la voie de l'opposition à l'ordonnance d'exécution du 21 décembre 1971 qu'ils avaient décidé d'engager avant même d'user contre la sentence de la voie de l'appel ; que cet acte était suffisamment précis dans ses motifs et dans l'exposé de ses buts, l'erreur d'appellation qu'il présente (« appel et assignation » et non « opposition... ») ne saurait le vicier substantiellement ni entraîner la nullité de la procédure actuelle dont la nature et les fins ont été portées sans équivoque à la connaissance des défenderesses dès l'origine ; que les raisons de leur appel, formé, mis en état et plaidé diligemment, s'expliqueraient, non par une erreur procédurale ou une méconnaissance des stipulations du compromis, mais en contemplation des conditions strictes de délai conventionnel et légal de l'exercice de ce recours ainsi que de la portée normalement plus vaste de la voie de réformation en regard de celle particulière de l'annulation prévue par l'article 964 du Code de procédure civile ;
Attendu que, de leur côté, les défenderesses déclarent que l'exploit du 3 février 1972 ne peut être considéré comme l'acte introductif de l'instance spécifique d'annulation prévue par la loi sous la dénomination d'opposition à ordonnance d'exécution ; qu'en effet son texte, tant dans les portées des motifs que du dispositif, ne ferait mention que du jugement arbitral dont l'annulation est demandée au Tribunal « statuant comme juridiction d'appel de la sentence arbitrale... » ; qu'elles y voient la marque caractérisée d'une méprise judiciaire et juridique de leurs adversaires, que ceux-ci auraient procéduralement réparée - sur le plan de la voie de réformation uniquement - par l'exploit du 8 février 1972, comportant leur citation « devant la Cour d'appel statuant comme juridiction d'appel... », ce en conformité de l'article 2 du compromis ;
Attendu qu'il n'est pas utile de suivre les parties dans une contestation complémentaire touchant à la radiation alléguée ou déniée de l'instance introduite par l'exploit du 3 février 1972 et à un prétendu réenrôlement douteux, circonstances qui ne sont pas établies et dont l'appréciation, en tout cas, ne se révèle pas déterminante en l'espèce ; qu'il n'est pas nécessaire, non plus, d'interpréter l'arrêt de la Cour d'appel du 26 février 1973 dont le sens se dégage de sa teneur littérale, sans que celle-ci ait à être sollicitée ;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 959 et 964 du Code de procédure civile, qu'en matière de sentence arbitrale, deux voies de recours sont ouvertes aux parties ;
Que la première consiste en une opposition à l'ordonnance d'exécution rendue par le Président en application de l'article 956 et tend à voir prononcer la nullité de l'acte qualifié de jugement arbitral ; que cette voie de recours n'est ouverte que dans les cinq cas limitativement énumérés par l'article 964 et suppose que seules sont mises en cause les conditions dans lesquelles la sentence a été rendue, le fond lui-même n'ayant pas à être examiné ;
Que la seconde consiste en un appel, porté aux termes de l'article 959, devant le Tribunal de première instance et suppose que c'est le fond même de la sentence qui est critiqué et fait l'objet de ce recours ;
Attendu que l'opposition à l'ordonnance d'exécution présente un caractère spécifique, puisque son champ d'application est strictement délimité et impose à la partie qui veut se prévaloir des dispositions de l'article 964, tout d'abord une référence précise à cette disposition législative et, d'autre part, la désignation de celui ou de ceux des cinq cas de nullité prévus, le tout, afin que la partie adverse ait une connaissance exacte de la nature de la procédure suivie et du moyen qui sera soutenu contre cette sentence ;
Attendu qu'en l'espèce les demandeurs ont indiqué à trois reprises qu'ils entendaient utiliser la voie de l'appel, d'une part dans l'intitulé de l'acte qualifié de « appel et assignation », d'autre part, en précisant « que les requérants sont appelants », et enfin, en concluant « recevoir les sieurs... en leur appel » ;
Attendu en outre que les demandeurs ont cité à l'appui de leur exploit les seuls articles 116, 117, 158 et 960 du Code de procédure civile, que les articles 116 et 117 traitent des délais d'appel en matière de justice de paix, que l'article 158 est relatif aux délais de distance en matière d'assignation, et que l'article 960, concerne l'appel des sentences arbitrales ;
Attendu qu'il est ainsi démontré que les demandeurs ont entendu user de la voie d'appel qu'ils ont, sans tenir compte du pacte compromissoire qui donnait compétence à la Cour d'appel, porté devant le Tribunal de première instance, en application des principes de droit commun en la matière ;
Attendu dès lors qu'ils ne sauraient prétendre que l'acte du 3 février 1972 puisse se fonder sur l'article 964 du Code de procédure civile qui vise une procédure entièrement différente de la Voie de l'appel ; qu'il suit de là que cet acte doit être déclaré nul car l'appel n'était pas de la compétence du Tribunal de première instance et devait être porté devant la Cour d'appel ;
Attendu que les dépens suivent la succombance ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Prononce la nullité de l'exploit du 3 février 1972,
Déboute de leurs demandes, fins et conclusions les sieurs K. R., K. P. et J.-R. G.,
Composition
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Lorenzi, Sanita av. déf., Blot et Massa (du barreau de Nice) av.
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