Abstract
Exceptions et fins de non-recevoir
Exception de non communication de pièces - Portée de l'exception
Action en Justice
Succession - Demandeur non héritier - Qualité pour poursuivre la liquidation de la succession (non)
Résumé
L'exception de non-communication de pièces ne concerne que les pièces sur lesquelles la partie adverse entend fonder sa défense. Une partie ne peut imposer à l'autre par le jeu de cette exception la communication de documents non invoqués en la cause (1).
Une personne qui n'est pas héritière n'a pas qualité pour poursuivre la liquidation d'une succession à laquelle elle est étrangère (2).
Motifs
LE TRIBUNAL
Attendu que la dame M. V. a épousé le 24 avril 1948, le sieur M. V., divorcé en premières noces d'une dame T. dont il avait eu trois enfants, M. V. épouse S., mère de M. S. épouse M., M. V. et T. V. épouse M. ; que les époux avaient passé en l'étude de Maître Rey, notaire, un contrat de séparation de biens, qui comportait notamment une clause ainsi rédigée ; « quant à l'argent comptant et aux valeurs au porteur, ils seront réputés appartenir à celui des époux qui les aura en sa possession ou au nom de qui ils seront déposés chez tous banquiers, établissements de crédit ou tiers, sous réserve de l'administration de la preuve contraire » ;
Attendu que dame V. a été victime d'un accident de la circulation le 11 septembre 1957 et qu'en l'état d'un jugement rendu le 22 mars 1961 par le Tribunal Correctionnel de Grasse, le préjudice total consécutif à cet accident a été évalué à 70 257,77 F, cette somme comprenant celle de 10 000 F allouée à titre de provision ; que le 12 juillet suivant, Maître Bret, avocat à Cannes, adressait au sieur V. un chèque de 62 502,57 F, représentant l'indemnité revenant à dame V., après déduction de divers frais ; que ce chèque était déposé par V. à son compte, à la Barclays Bank de Monaco le 18 juillet 1961, après avoir été endossé par son épouse ;
Attendu que V. est décédé à Nice, le 18 mai 1971 et qu'aux termes d'un testament olographe, il léguait en quatre parts, son argent et ses biens à ses trois enfants et à sa petite fille M., exhérédant par là même son épouse ;
Attendu qu'à l'occasion de la liquidation de la succession, la dame V., estimant qu'elle rapportait la preuve que la somme susvisée de 62 502,57 F aurait dû lui être remise et non versée par son mari, à son compte personnel, a demandé au notaire Rey, chargé de cette liquidation, d'admettre qu'elle était créancière de la succession de V. pour un montant de 42 412,07 F ; qu'en présence du refus opposé par les héritiers, à cette prétention, elle a assigné ceux-ci, suivant l'exploit susvisé, aux fins de s'entendre déclarer bien fondée en sa demande en paiement de ladite somme de 42 412,07 F ;
Attendu que les défendeurs, aux termes de leurs écrits judiciaires, s'opposent à cette demande et concluent au déboutement de dame V., en se fondant sur trois moyens :
* qu'ils demandent tout d'abord un sursis à statuer jusqu'à ce que la demanderesse leur ait communiqué ou remis tous documents, pièces, agendas émanant du défunt et demeurés entre les mains de celle-ci ;
* qu'ils estiment d'autre part que la dame V. a endossé au nom de son mari les chèques destinés à régler les dommages-intérêts lui revenant, ce qui implique la reconnaissance que la somme remise au bénéficiaire de l'endos l'est à son profit personnel ;
* qu'ils concluent enfin que le différend devait d'abord être porté dans un procès-verbal de liquidation de succession dressé par Maître Rey avec la mention des réclamations des contestations du compte liquidatif de partage, la dame V. ayant l'obligation de poursuivre cette liquidation avant toute poursuite personnelle entre ses co-héritiers ;
Attendu sur le premier moyen qu'une partie ne peut imposer à la partie adverse la communication que des seules pièces avec lesquelles celle-ci entend fonder ses prétentions et dont elle fait état dans la procédure ; qu'elle ne peut donc prétendre à ce qu'il soit sursis à statuer au prétexte que des pièces, non utilisées par son contradicteur, ne lui ont pas été remises ; qu'il suit de là que ce premier moyen doit être rejeté ;
Attendu sur le troisième moyen que la dame V. n'a pas la qualité d'héritière et est étrangère à la succession de son mari, en l'état des dispositions testamentaires prises par celui-ci ; qu'elle n'a donc aucune qualité pour poursuivre la liquidation de la succession du de cujus, car elle n'est pas créancière de cette succession ; qu'il suit de là que ce moyen doit également être rejeté ;
Attendu sur le second moyen
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Déboute dame V. Veuve V. de ses demandes, fins et conclusions ;
Composition
M. François, pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Sanita et Boisson av. déf.
Note
Ce jugement a été infirmé par un arrêt de la Cour d'appel en date du 27 mai 1975 (cf infra à sa date).
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