La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/1974 | MONACO | N°25723

Monaco | Tribunal de première instance, 27 juin 1974, Sté Marseillaise de Crédit c/ dame H.


Abstract

Action en justice

1° Fondement juridique : Réponse au moyen - 2° Règle « le criminel tient le civil en état »- Application - Conditions

Résumé

Les juges ne sont tenus de répondre qu'aux moyens invoqués par les parties. Si ces moyens sont inapplicables et que leur rejet s'impose, ils ne peuvent suppléer à la carence de la partie qui les a invoqués (1).

Le principe selon lequel « le criminel tient le civil en état » ne s'applique que si une instance a été engagée devant une juridiction répressive ou que si, tout au moins, l'ac

tion publique a été régulièrement mise en mouvement, ce qui suppose non pas seulement que plainte a été...

Abstract

Action en justice

1° Fondement juridique : Réponse au moyen - 2° Règle « le criminel tient le civil en état »- Application - Conditions

Résumé

Les juges ne sont tenus de répondre qu'aux moyens invoqués par les parties. Si ces moyens sont inapplicables et que leur rejet s'impose, ils ne peuvent suppléer à la carence de la partie qui les a invoqués (1).

Le principe selon lequel « le criminel tient le civil en état » ne s'applique que si une instance a été engagée devant une juridiction répressive ou que si, tout au moins, l'action publique a été régulièrement mise en mouvement, ce qui suppose non pas seulement que plainte a été déposée entre les mains du Ministère Public mais que le juge d'instruction ou la juridiction de jugement ait été saisi (2).

Motifs

LE TRIBUNAL,

Attendu que suivant l'exploit susvisé, la société demanderesse a assigné les époux C. H. aux fins de s'entendre condamner au paiement de la somme de 98 275,87 F, à laquelle elle a ajouté par conclusions du 14 février 1974, une demande de dommages-intérêts de 5 000 F ;

Attendu que la Société Marseillaise de Crédit expose que par convention du 21 octobre 1969, la dame C. s'est portée personnellement caution solidaire du paiement ou du remboursement de toutes sommes que la société Le Laboratoire de Technique Pharmaceutique « Latephar » pourrait devoir à S.M.C., et ce, pour la totalité des engagements de « Latephar » ; que celle-ci a été déclarée en état de faillite par jugement du tribunal de céans du 15 juin 1973 ; que S.M.C., qui bénéficiait d'un compte créditeur d'un montant de 98 275,87 F, a été admise pour un montant de 83 400,83 F ; qu'elle s'estime dès lors fondée, en l'état de la carence de son débiteur principal, à obtenir paiement de la somme de 98e275,87 F ;

Attendu que la défenderesse s'oppose à cette demande en soulevant deux moyens : le premier, fondé sur le fait que la Société Marseillaise de Crédit ne peut se prévaloir de la qualité de tiers porteur de bonne foi et peut donc se voir opposer les dispositions de l'article 86 du Code de Commerce ; le second, fondé sur le principe selon lequel le pénal tient le civil en état, et en vertu duquel il demande qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur les plaintes déposées par S.M.C. contre certaines des personnes sur qui Latephar avait tiré les lettres de change escomptées par cette banque ;

Attendu que S.M.C. estime que le sursis à statuer n'est pas justifié et que l'attitude de dame C., empreinte de mauvaise foi, justifie la condamnation de la défenderesse au paiement de dommages-intérêts qu'elle sollicite par conclusions ;

Sur le premier moyen

Attendu que dame C. conteste tout d'abord le montant de la créance alléguée par S M.C. ; qu'elle estime en effet qu'alors que cette dernière demande paiement de la somme de 98 275,87 F sa production à la faillite Latephar n'a été admise que pour la somme de 83 400,83 F ; qu'elle estime donc que S.M.C. ne peut réclamer que cette somme ;

Attendu d'autre part qu'en ce qui concerne ladite production la créance de S.M.C. se décompose en :

1° 8 617,80 : découvert de compte Latephar à 8 617,80 F ;

2° 22 226,07 : montant d'un effet de 17 920,88 F, tiré sur la S.A. Royalties, . à Nice, à échéance du 15 novembre 1972 et demeuré impayé, ledit montant étant majoré des frais et agios ;

3° 17 432 : montant d'une lettre de change tirée sur un sieur E., herboriste à Nantes ;

4° 35 000 : montant d'une lettre de change tirée sur une dame B., pharmacienne à Paris ;

Attendu que la défenderesse, tirant argument de ce que S.M.C. « aurait introduit » des actions contre la dame B., qui conteste sa signature, et le sieur E. qui, aux termes d'une lettre du 8 juin 1973, affirme ne pas avoir reçu une contrepartie en marchandises et établit que l'effet tiré sur lui est de pure complaisance, conclut que S.M.C. ne peut se prévaloir de la qualité de tiers porteur de bonne foi et peut se voir opposer l'article 86 du Code de commerce, selon lequel : « les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur » ;

Attendu que dame C. estime, en effet, que S.M.C. avait, au moment où elle est devenue propriétaire des lettres de change, une connaissance parfaite de l'exception dont le tiré pouvait se prévaloir, c'est-à-dire de l'absence de provision et qu'étant la banque habituelle de Latephar dont le chiffre d'affaires n'avait pas dû dépasser 400 000 F de fin 1969 au début de l'année 1973, elle n'a pu, de bonne foi, escompter pour plus d'un million de francs de lettres de change à la société Latephar ; qu'elle s'estime dès lors fondée à obtenir le déboutement de S.M.C. ;

Attendu cependant que S.M.C. fonde son action, non pas sur les règles découlant du droit cambiaire, auquel serait applicable l'article 86 du Code de commerce, seul texte juridique sur lequel dame C. s'appuie pour justifier son premier moyen, mais sur une convention de caution, qui constitue un engagement synallagmatique de caractère mixte, présentant à l'égard de la défenderesse le caractère d'un contrat de droit privé, auquel l'article 86 susvisé est inapplicable, mais qui est soumis aux dispositions des articles 1850 et suivants du Code civil ;

Attendu en conséquence que le Tribunal, ne pouvant répondre qu'au moyen invoqué par les parties sans pouvoir suppléer à la carence de celles-ci, le premier moyen soulevé par la dame C. doit être rejeté ; que, d'autre part, en ce qui concerne le montant de la demande, il doit être retenu que S.M.C. peut réclamer à dame C. l'intégralité des sommes qui lui sont dues par Latephar, à condition que celles-ci soient justifiées, sans qu'elle puisse se voir opposer que la production à la faillite de cette société n'a été accueillie que pour un montant inférieur que sur ce point, le 13 décembre 1973, la société Marseillaise chiffre à 83 400,83 F, le solde débiteur du compte n° 2400-251.279 P ; que, bien que, dans ses dernières conclusions, S.M.C. demande l'adjudication de sa demande originaire, chiffrée à 98 275,87 F, il résulte des écrits mêmes de S.M.C. que cette somme n'est pas justifiée ; qu'il y a lieu, en conséquence, de retenir celle de 83 400,83 F ;

Sur le deuxième moyen

Attendu que le principe selon lequel « le criminel tient le civil en état » ne s'applique que si une instance a été engagée devant une juridiction répressive ou que si, tout au moins, l'action publique a été régulièrement mise en mouvement, ce qui suppose non pas seulement que plainte ait été déposée entre les mains du Ministère Public mais que le juge d'instruction ou la juridiction de jugement aient été saisis :

Attendu qu'en l'espèce, dame C. ne rapporte pas la preuve que l'action publique ait été mise en mouvement ; qu'il suit de là que la demande de sursis à statuer doit être rejetée ;

Attendu qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de S.M.C., quant à la condamnation au principal de dame C. au paiement de la somme de 83 400,83 F ; qu'en ce qui concerne la demande de dommages-intérêts, S.M.C. n'établit à l'encontre de la défenderesse la preuve d'aucune faute lui ayant occasionné un préjudice ; que cette demande doit être rejetée ;

Attendu que les dépens doivent être supportés par dame C. épouse H. qui succombe ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Condamne dame C. épouse H. à payer à la Société Marseillaise de Crédit la somme de 83 400,83 F, avec intérêts de droit du jour du prononcé du présent jugement ;

Déboute la Société Marseillaise de Crédit de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la dame C. ;

Composition

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Boisson, Clérissi av. déf., Rouillot (du barreau de Nice) av.

Note

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'Appel en date du 18 mars 1975.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25723
Date de la décision : 27/06/1974

Analyses

Sociétés - Général ; Contrat - Général


Parties
Demandeurs : Sté Marseillaise de Crédit
Défendeurs : dame H.

Références :

Cour d'Appel en date du 18 mars 1975.
Code civil
article 86 du Code de Commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1974-06-27;25723 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award