Abstract
Nationalité
Réintégration - Père réintégré - Extension aux enfants mineurs (non)
Résumé
Il ne peut être soutenu que, dans le silence de la loi, la nationalité monégasque est attribuée de plein droit aux enfants mineurs dès la réintégration de leur auteur dans cette nationalité.
Motifs
LE TRIBUNAL,
Attendu que par l'exploit susvisé la demoiselle N. D. et son frère B., respectivement fille et fils du sieur H. N., réintégré dans la nationalité monégasque par Ordonnance Souveraine n° 5064, en date du 22 décembre 1972, et nés, le 21 mars 1953 à Dakar et le 14 janvier 1955 à Paris (18e), ont assigné M. le Procureur Général pour entendre dire et juger qu'à la date du 23 décembre 1972, étant tous deux mineurs, ils sont devenus ipso facto monégasques, sous réserve de la faculté de décliner cette qualité dans l'année suivant leur majorité, ce qu'ils n'ont pas fait ;
Attendu que les susnommés fondent leur demande sur la comparaison de l'article 18 du Code Civil dans sa rédaction actuelle, traitant de la réintégration dans la nationalité monégasque, mais ne faisant état, en son deuxième alinéa que de la femme et des enfants majeurs du sujet réintégré auxquels seuls est accordée la possibilité d'obtention de cette qualité, par la même Ordonnance Souveraine, s'ils en font la demande, avec les articles 10 et 20 du même Code, le premier réglant la situation des enfants mineurs d'un individu devenu monégasque par naturalisation qui « deviennent sujets monégasques, à moins que dans l'année qui suivra leur majorité... ils ne déclinent cette qualité par une déclaration faite devant l'Officier de l'État Civil qui devra l'enregistrer sur le champ, » le second édictant pour le recouvrement par une femme d'origine monégasque de cette qualité, perdue par l'effet du mariage l'observation des conditions de l'alinéa 1er de l'article 18 (réintégration par Ordonnance Souveraine) et prévoyant l'application de ce même article aux enfants majeurs et mineurs nés du mariage, impliquant obligatoirement pour les enfants mineurs renvoi à l'ancien alinéa 3 dudit article 18 (avant sa modification par la loi n° 572 du 18 novembre 1952 : « Les enfants mineurs... deviendront monégasques à moins que dans l'année qui suivra leur majorité, ils ne déclinent cette qualité par une déclaration devant l'Officier d'État Civil, comme il est dit à l'article 10 ») ;
Qu'ils estiment qu'il serait illogique et injuste de voir les enfants mineurs du sujet réintégré traités moins favorablement que celui de naturalisé ; que dans le silence de la loi, mais conformément à son esprit, ainsi que le reflètent les comptes rendus de la discussion et du vote devant le Conseil National du projet de la loi du 18 novembre 1952, inspirée par « une politique nouvelle plus libérale touchant à l'acquisition de la nationalité monégasque, par référence aux termes des articles par eux indiqués », ils sollicitent qu'il soit fait droit aux fins de leur assignation ;
Attendu que M. le Procureur Général conclut au déboutement de la demande en s'appuyant sur la précision et l'absence d'ambiguïté des termes de l'article 18 actuel du Code Civil (où a été supprimé par rapport à sa rédaction modificative de l'Ordonnance du 13 avril 1911 le 3e alinéa visant les enfants mineurs, dont se prévalent les demandeurs) ;
Que, subsidiairement, en ce qui regarde l'intention prêtée au législateur, le Ministère Public, quant à lui, en trouve l'expression décisive dans la reproduction des débats parlementaires du Conseil National, à la séance du 17 novembre 1952, où il est indiqué que le Président de l'Assemblée a exposé que le « troisième paragraphe (alinéa de l'article 18 dans sa rédaction de 1911) qui visait les enfants mineurs, disparaît suivant le vœu du Conseil National et du Gouvernement » ;
Attendu qu'il ressort que les dispositions des chapitres I et II du Titre I du Livre I du Code Civil, intitulés « de la jouissance des droits civils » et « de la privation des droits civils » traitent en leurs articles 8 à 21 des conditions d'acquisition et de recouvrement de la qualité de Monégasque ; que ces textes d'ordre public sont d'application stricte et d'interprétation restrictive ;
Attendu que l'article 18 s'applique d'une façon générale à la réintégration dans la nationalité monégasque du sujet qui a perdu cette qualité ;
Que son alinéa 1er pose la possibilité pour celui-ci d'obtenir cette réintégration par Ordonnance Souveraine ; que l'alinéa 2 prévoit la possibilité d'octroi par la même Ordonnance Souveraine de la même qualité monégasque à la femme lorsqu'il s'agit d'un monégasque réintégré et aux enfants majeurs s'ils en ont fait la demande, mais est muet sur le sort des enfants mineurs ;
Attendu qu'en ce qui concerne ceux-ci il ne peut être soutenu, que, dans le silence de la loi, la nationalité monégasque leur est attribuée de plein droit dès la réintégration de leur auteur par analogie à la situation des enfants du bénéficiaire de la qualité de monégasque par naturalisation ;
Que d'ailleurs le défaut de mention des enfants mineurs du sujet réintégré ne doit pas être entendu comme un oubli du législateur auquel il peut être suppléé par la référence à une disposition délibérément abrogée (alinéa 3 de la rédaction de 1911 de l'article 18) ; qu'il correspond manifestement à sa volonté de substituer à la possibilité d'obtention de la qualité de monégasque telle que cette faculté est attribuée à l'épouse et aux enfants majeurs le droit pour les enfants mineurs d'acquérir cette nationalité sous les conditions édictées en l'article 2 de la loi n° 572 du 18 novembre 1952 ;
Qu'enfin l'article 20 du Code Civil traite d'une hypothèse particulière de réintégration qui n'est pas le cas de l'espèce et ne saurait lui être assimilée ;
Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter l'argumentation des demandeurs, de déclarer leur demande infondée et, eu égard à leur succombance de les condamner aux dépens ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Reçoit en la forme la demande de la demoiselle D. N. et du sieur B. N.
La dit non fondée et la rejette ;
Composition
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Boéri av. déf. et Sbarrato av.
Note
Le jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'Appel du 4 mai 1976.
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